21e semaine. Yves Duteuil nous rappelle qu’il faut prendre un enfant par la main. Lynda Lemay nous souligne toutefois que ceux que l’on met au monde ne nous appartiennent pas. Jacques Brel nous disait qu’un enfant, ça nous décroche un rêve. Eh bien, moi je vous assure qu’avoir des enfants nous rend définitivement plus intelligent. Voilà, c’est lancé!
Rectifions tout de suite le tir. En renonçant à la maternité ou la paternité, les gens ne s’abrutissent pas pour autant. Loin de là. À chacun ses choix. Mais, avoir des enfants nous ouvre de nouveaux horizons, nous propose un passeport vers le ludique plutôt que vers le rationnel et le raisonné, nous pousse à aller plus loin au-dehors de nous et en nous-mêmes et nous force à replonger dans un monde (oublié?) peuplé de fées, de dragons, de lutins, d’ours qui parle et de ballons géants.
Une grossesse, que ce soit la première ou même la cinquième, nous amène à réfléchir. Énormément. Encore plus quand des heures insomnies ponctuent nos nuits. Les yeux grands ouverts dans le noir de la nuit, nos idées vagabondent souvent autour de la vie. La nôtre. Celle de nos enfants. Notre vie de famille. Nos espoirs, nos craintes, nos doutes et le futur. Puisque la nuit, il faut croire à la lumière, on se surprend à être optimiste malgré tout. Malgré tous nos tourments. Parce que dans une chambre tout près ou dans notre ventre (ou les deux), un enfant dort paisiblement avec en lui toutes les plus belles promesses d’un monde meilleur. Pour eux et pour tous les autres enfants, on jure tout bas qu’on va devenir soi-même meilleur sans se douter qu’en les côtoyant chaque jour et chaque heure, le processus est déjà enclenché.
« Que c’est beau, c’est beau la vie! », chantait Jean Ferrat, non?
Tous les enfants - même les poupons, endormis dans leur berceau, même les petits qui grandissent dans le ventre de leur maman et même les « Miss lulus », taquines et coquines – contribuent à nous rendre « plus », « ultra » et « amélioré ». Comme le savon à linge!
Bien sûr, en nous bombardant de « pourquoi », de « comment » et d’autres millions de questions embêtantes, les petits nous forcent à leur donner des réponses intelligentes. Ne croyez pas qu’un simple – et plate! – « parce que » pourrait tenir lieu de réponse dite satisfaisante. Grave erreur! Mais, en baignant dans un univers riche en questions, cette propension à en poser déteint sur nous. On questionne notre monde d’adulte, nos choix, notre mode de vie, nos valeurs, la politique, les enjeux environnementaux et sociaux et la vie en général… Et on doute, on change d’idées, on en maintient d’autres et on en adopte des nouvelles… En faisant une mini introspection en se comparant à la femme qu’on était « avant les enfants », on s’aperçoit que le bout de chemin parcouru est parfois différent de celui qu’on aurait cru prendre au départ.
Plus encore, les enfants nous rendent intelligents « émotivement ». Dès le berceau, ils s’expriment. Nous, on a tendance à refouler et à ruminer. Quel bon exemple à prendre! Quand ils sont heureux, tout leur corps s’exprime et s’exalte. Les sourires fusent, leurs mains s’excitent et les rires cascadent. On assiste même à la naissance d’un millier de petites lucioles au fond de leurs yeux! Et ces rendez-vous lumineux sont nombreux. Ils ont assurément le bonheur plus facile que nous. Très jeunes, ils ne savent pas se comparer aux autres et n’envient pas la voisine, sa maison impeccable, son plancher reluisant et sa mise en plis parfaite. Leur bonheur leur appartient. Ils apprécient ce qu’ils ont… simplement.
De plus, les tout-petits nous apprennent à être humbles. Être capable de dire « Je ne suis pas capable » ou « Je n’y arriverai pas sans aide » est contraignant pour des adultes, fiers et enrôlés dans un moule de performance totale. Les enfants le disent spontanément, sans gêne ni malaise. Bien sûr vient un âge où leur désir de le faire seul prend de l’expansion, mais ils se résigneront plus vite qu’un grand à demander un coup de pouce. Adultes, on se sent « diminués » en allant chercher de l’aide. On avoue ses limites avec un goût étrange au fond de la gorge. Ne cherchez pas trop loin les causes des dépressions et des burn-out; nous cachons à tous – et d’abord à soi-même – que notre capot va sauter. Les enfants nous enseignent la lenteur. Avec eux, on ralentit la cadence. Nos pas ralentissent à la vitesse de leurs petits petons. Et tant mieux si cette décélération se multiplie dans d’autres sphères de notre vie.
En se tournant vers les autres, les gamins font confiance d’emblée. Cet abandon total dont fait preuve un nouveau-né, minuscule dans son immense bassinette, dans un monde inconnu et déstabilisant, est bouleversant. Sans nous, il ne peut plus rien faire. Sans nous, il ne pourra vivre. Sans nous, il n’est pas. Il s’abandonne à nous, nos soins, notre cœur, notre amour et notre présence. Vulnérable, innocent et sans défense, il s’offre à nous entièrement. Sa vie est entre nos mains. Nous, les « responsables », devons apprendre à donner sans compter sur le retour immédiat d’une quelconque récompense. Et se donner entièrement aussi. Les enfants nous ordonnent de faire confiance à la vie et davantage aux autres.
À la moindre prouesse, on félicite nos enfants. On déborde facilement de fierté pour eux. On les félicite. On pousse même la folie à s’extasier sur les premières mimiques d’un nouveau-né ou sur son « beau petit rot ». Repensez-y deux fois, on devient gaga. La distribution des félicitations est enclenchée! Super, que je dis! Car quand on prend goût à ces élans d’éloge et aux soulignements des bons coups, sans s’en rendre compte on en échappe partout. On envoie des compliments autour de soi… créant ainsi une épidémie de sourires et de bonne humeur. Quoi de mieux pour un moral en chute libre que d’être « boosté » par une petite tape dans le dos, un encouragement bien senti ou une constatation épatée d’un boulot effectué. Je vous le dis, les enfants nous rendent intelligents… socialement aussi!
Et puisque les valeurs ne peuvent se transmettre que par l’exemple, notre progéniture nous oblige à passer à l’acte. « Il ne sert à rien de nommer les valeurs auxquelles on désire adhérer. Il faut les appliquer dans le déroulement de la vie quotidienne, c’est-à-dire en témoigner », constate Michel Lemay, éminent psychiatre de l’hôpital Sainte-Justine, dans le livre Famille, qu’apportes-tu à l’enfant. Finis les beaux discours, il faut agir!
Changez la lorgnette par laquelle vous regardez la routine. Transformez-la en rituels familiaux constants et rassurants. « Identifiez une famille forte et unie. Il y a de fortes chances que son « catalogue de rituels » soit bien garni et son album photo aussi! Nos traditions sont le fil qui nous tient ensemble, qui fait de nous une famille distincte », écrit Chantal Dauray dans son livre Réinventez vos cérémonies, fêtes et rituels. Elle se passionne sur les habitudes qui « font du bien ». Les rituels (chansonnette et bisous spéciaux le matin, histoire lue avant le dodo, construction d’un immense fort de neige, etc.) renforcent le sentiment d’appartenance de la famille tout en véhiculant nos valeurs.
Finalement, les enfants nous rendent intelligents, certes. Mais avant tout, les enfants nous rendent heureux. Leurs sourires et leur bonne humeur sont le plus joyeux des virus. Leur amour de la vie et la confiance qu’ils ont en elle constituent une douce leçon. Oui, je le dis et le répèterai, les enfants nous rendent intelligents et heureux. Infiniment heureux. Totalement heureux. Éperdument heureux. Et c’est le plus fabuleux!
Une odyssée… deux livres!
Quand on attend un deuxième bébé, la grossesse prend une tournure différente de la première. Elle se vit aussi à travers les yeux du futur aîné, avec ses questions, ses doutes et ses propres perceptions de l’aventure. Pourtant, c’est la même histoire, mais vu avec des yeux différents… Voilà pourquoi on a créé deux livres avec des images tirées du film L’odyssée de la vie, réalisé par Nils Tavernnier : L’odyssée de la vie (aux éditions Marabout) et L’odyssée de la vie racontée aux enfants (aux éditions Hachette). Dans chacun d’eux, on pénètre au cœur même de l’éclosion de la vie. Les centaines de photographies nous permettent de comprendre comment se fait la transformation de « rien à l’être humain ». Et dans la version abrégée pour les enfants, on raconte ce qui se passe pendant ces neuf longs mois qui paraissent bien souvent comme une éternité. Que pour les images, ces livres méritent d’être feuilletés! Dès que vous aurez tourné une seule page, vous serez conquises en « voyant » ce qui se passe en vous.
- L’odyssée de la vie. Éditions Marabout, Hachette Livre, 2006.
- L’odyssée de la vie racontée aux enfants. Hachette Jeunesse, 2006. (à partir de 4 ans)
mars 2006