On répète à nos enfants de ne pas mentir : la vérité, c’est ce qui compte. Non seulement c’est une question de respect, dire la vérité est aussi à la base de relations saines. Pourtant, nous utilisons nous-mêmes, en tant que parents, le mensonge pieux. Mange tes épinards et tu seras fort comme Popeye; si tu ne manges pas assez, tu resteras tout petit; Wow! Quel beau dessin! Plusieurs raisons peuvent, en effet, pousser un parent à manipuler un brin la vérité…
Le mensonge éducatif
En 2013, une étude publiée dans l’International Journal of Psychology démontrait que 98 % des parents chinois mentent à leurs enfants. Sur le continent américain, ce pourcentage s’élève à 84 %. Parmi les mensonges les plus communs, on retrouve le fameux : « Si tu ne viens pas (ou ne te comporte pas comme il faut), je vais partir sans toi. » On retrouve aussi les déformations fantaisistes : « Si tu mens, ton nez allongera, comme celui de Pinocchio. »
Loin d’en avoir honte, les parents justifient ces « petits » mensonges par leur fin éducative. En effet, ils utilisent ces exagérations ou altérations de la vérité afin de modifier un comportement non désirable chez l’enfant. Ainsi, on dira à l’enfant qui ne mange pas ses brocolis qu’ils font grandir. Une certaine publicité qui passe d’ailleurs sur les ondes depuis quelque temps suggère aussi que le « mensonge alimentaire » serait la meilleure solution pour faire manger des légumes aux enfants. Pourtant, camoufler les aliments pour forcer l’enfant à mieux manger apporte son lot de désagréments, surtout à long terme.
Pousser l’enfant à mentir?
« Les parents inventent toutes sortes d’histoires. Et ils croient que ça se justifie, comme c’est à des fins éducatives, confiait Kang Lee, directeur de l’Institute of Child Study à l’université de Toronto, au quotidien La Presse. Or un mensonge, même à un enfant en bas âge, peut avoir des conséquences à très long terme. » En effet, l’enfant apprendra bien, un jour ou l’autre, que son parent lui a menti. Ceci aurait pour effet, croient certains spécialistes, de banaliser le mensonge aux yeux de l’enfant, voire de l’inciter lui-même à en faire usage. Étant le premier exemple de son enfant, l’adulte doit donc la vérité à son enfant : après tout, l’enfant fait pleinement confiance à son parent, qui devrait dès lors s’avérer une référence fiable.
Menace
Revenons à ce fameux : « Si tu ne viens pas tout de suite, je te laisse tout seul, ici! » Bien plus qu’un mensonge, il s’avère en réalité une menace. Entendons-nous : face à l’entêtement d’un enfant, il est parfois difficile de ne pas succomber à ces mensonges qui, disons-le, ne plaisent pas davantage aux parents. À ce sujet, Dana Castro, psychologue clinicienne, met toutefois les parents en garde : « Plus qu’un mensonge, il s’agit d’un chantage qui joue sur la peur, corrige Dana Castro. Or la peur n’est pas un bon outil éducatif. L’enfant va obéir parce qu’il a peur, non parce qu’il comprend l’enjeu. » Selon elle, il est néanmoins normal que le parent, de temps à autre, devant l’exaspération ou la fatigue, ait recours à ces déformations de la vérité pour faire obéir son enfant. Le piège, c’est de ne plus avoir recours qu’à ces menaces, un chantage pernicieux qui, à long terme, peut avoir des conséquences sur la relation parent/enfant.
Dans le même ordre d’idées, on évite de créer de fausses frayeurs à l’enfant à qui l’on souhaite donner une bonne leçon, un peu comme le père de la série culte Arrested Developpement qui demandait l’aide d’un ami manchot pour enseigner les préceptes de la vie à ses enfants…
Mensonge « blanc »
En anglais, on appelle « white lies » ces petits mensonges qui, au font, servent à préserver les sentiments de quelqu’un. Par exemple, en visite chez grand-maman, vous demanderez à votre enfant de la complimenter sur sa cuisine, même si le repas est immangeable. C’est ce qu’on appelle avoir du « tact ».
Dans le même ordre d’idées, vous êtes fière de votre enfant, mais est-ce que ses gribouillis sont vraiment « magnifiques »? Non, mais ces « mensonges blancs » lui permettent d’avoir une meilleure estime de soi et de se sentir encouragé. Cet embellissement de la réalité ne fait donc pas de mal aux enfants : au contraire! Il ne faut néanmoins pas en abuser.
Embellir la réalité
Si certains sont « contre » le père Noël, la fée des dents, le lapin de Pâques et compagnie, la plupart du temps les spécialistes ne considèrent pas ces embellissements de la réalité comme étant des mensonges. Ces personnages « magiques » font partie de la tradition, et participent à nourrir l’imagination des enfants. D’ailleurs, la plupart des enfants n’en voudront pas à leurs parents d’avoir nourri le mythe : au contraire, ils sont souvent parmi les plus beaux souvenirs de la petite enfance! Bref, laissez-les croire au père Noël! Mais souvenez-vous que le jour viendra où il vous posera la grande question : est-ce que le père Noël existe vraiment? Alors, soyez aussi prête à lui dire la vérité.
Protéger
On ment aussi à nos enfants pour les protéger de l’actualité, d’un parent absent qui ne veut plus de contacts, d’un problème de santé ou de comportement d’un adulte significatif, etc. En effet, nous souhaiterions les préserver de la dureté du monde dans lequel nous vivons. Non, toute vérité n’est pas bonne à dire, mais il est important d’être le plus honnête possible avec l’enfant qui pose des questions. L’enfant qui regarde le téléjournal ou qui écoute les nouvelles à la radio aura certainement des questions pour vous, et vous devez trouver les bons mots pour lui parler de ces événements plus désagréables de la vie. Bien sûr, une petite omission n’est pas un mensonge en soi : si votre petit ne vous pose pas de questions sur le dernier attentat, pas la peine de lui en parler. Mais s’il vous questionne, vous lui devez une réponse franche, formulée dans des mots qu’il comprendra.
Lecture
Vérité ou conséquences, oser l’authenticité envers soi, en couple et en famille, Marc Pistorio, Édition de l’Homme, ISBN 9782761924924, 24,95 $