Quand les petits mentent...
Jusqu’à l’âge de sept ans, les enfants ne sont pas vraiment conscients que leurs petits remodelages de la vérité sont des mensonges. Jusque-là, ils ne sont pas assez matures pour avoir une conscience morale, selon ce qu’on peut lire sur le site internet de Stéphane Vincelette, conseiller clinique en Centres de la petite enfance (CPE) et services de garde.
Dès l’âge de trois ans, les enfants maquillent la vérité parce qu’ils sont guidés par leur « pensée magique » jusqu’à ce que le développement de leur intelligence leur permette de distinguer la vérité et des mensonges malsains.
Ils n’arrêtent pas pour autant de mentir à l’âge de raison; c’est même l’inverse, car vers l’âge de 10 ans, les mensonges deviennent plus fréquents… et ils sont alors parfaitement conscients, souligne la psychologue française Claudine Biland dans son ouvrage Psychologie du menteur, publié en 2004 en France et au Québec.
Pourquoi mentent-ils?
Les enfants nous font avaler des couleuvres pour plusieurs raisons, par exemple, pour se valoriser dans une situation embarrassante, parce qu’ils ont peur des conséquences de certains de leurs comportements, pour éviter une punition, etc.
Peut-être avez-vous aussi déjà entendu un enfant « inventer une vérité », qui transforme son désir en réalité. « Mon amie a eu une maison de Barbie. J’ai aussi une maison de Barbie… », pourrait par exemple dire une fillette envieuse du jouet d’une amie.
Le mensonge défensif est quant à lui utilisé par des enfants qui ont des problèmes d’estime ou qui vivent des situations difficiles. En mentant, ils espèrent amoindrir la situation blessante : par exemple, un enfant pourrait dire à sa mère qu’il est l’un des élèves les plus populaires de sa classe alors qu’en réalité, il est isolé.
L’enfant d’âge préscolaire qui ment fréquemment tente lui aussi, inconsciemment, de protéger son estime de soi, expliquent les spécialistes de la Fédération canadienne des services de garde à l’enfance dans le document Comment aider les jeunes enfants à dire la vérité. En mentant, il tente de se rendre important, rehaussant du même coup son estime de lui-même.
Les plus grands, préadolescents et adolescents, ont souvent recours aux mensonges pour se sortir d’une situation embarrassante comme une mauvaise note à l’école ou simplement en guise de rébellion contre leurs parents.
Détecter les mensonges et intervenir
Trois petits ou moyens mensonges par jour ne font pas de votre enfant un menteur pathologique. Mais si votre enfant ment pour tout et pour rien, il y a quelques points à regarder de près pour comprendre ce qui le pousse à agir ainsi.
Il faut vérifier « la fréquence, les types de mensonges (contenus, fonctions), les justifications données par l’enfant, les événements antécédents et les conséquences, explique Philippe Aubin-Lussier, professeur de psychologie au Cégep St-Laurent. Il faut aussi vérifier quelles sont les compétences sociales de l’enfant, si l’enfant est victime de rejet de ses pairs, si des événements stressants perturbent sa vie et si le mensonge est une manifestation ou un précurseur des troubles de la conduite. »
Les incohérences du discours des enfants de moins de huit ans rendent leurs mensonges assez évidents, ils sont donc plus faciles à déceler, mais au fur et à mesure qu’ils vieillissent et que leur intelligence se développe, il est plus difficile de distinguer le vrai du faux.
Mais une fois que l’on a démasqué notre jeune bluffeur, il vaut mieux ne pas le confronter, selon Claudine Biland. Elle suggère plutôt de poser des questions sans dire qu’on a deviné le mensonge, afin que l’enfant ou l’adolescent finisse par « s’inculper » lui-même.Quand votre enfant ment pour convertir un rêve en réalité, demandez-lui s’il aimerait avoir l’objet qu’il prétend posséder. Si comme dans l’exemple cité plus haut, la petite fille persiste malgré tout à affirmer qu’elle a elle aussi une maison de Barbie, tentez de détourner son attention de l’objet convoité en abordant un autre sujet de conversation.
Même si vous ne croyez pas ce que vous raconte votre enfant, la Fédération canadienne des services de garde à l’enfance recommande de ne pas lui demander s’il a « fait le mauvais coup ou la mauvaise action qu’il tente de cacher », ce qui risquerait de le pousser à répéter son mensonge.
Ne l’insultez pas non plus en lui disant qu’il est menteur! À la place, récompensez-le ou félicitez-le lorsqu’il révèle la vérité. Enfin, offrez-lui la chance de se faire pardonner son entorse à l’honnêteté en lui demandant par exemple de présenter ses excuses ou de réparer les dégâts occasionnés par son geste ou par son mensonge.
Quand les grands mentent pour les petits…
Les contes de fées
La dent sous l’oreiller, que la fée des dents remplacera par un petit cadeau ou un peu d’argent, les cocos cachés dans la cour par les lapins de Pâques et bien sûr l’incontournable père Noël sont de fausses histoires couramment racontées par les adultes aux enfants, mais sont-elles considérées comme des mensonges pour autant?
Les spécialistes de la psychologie pour enfants affirment au contraire que ces histoires sont inoffensives, voire utiles et pertinentes, même si certains d’entre eux émettent des bémols quant aux conséquences et aux effets de ces traditions.
Selon Martine Jouffroy Valton, psychothérapeute gestaltiste, les contes de fées traduisent les grands mystères de la vie humaine. Les enfants vivent dans un univers souvent habillé de merveilleux et d’utopies pour se prémunir contre une réalité que leur force morale n’est pas encore prête à affronter, explique Mme Valton. Les contes de fées constituent un des éléments de cet univers protecteur.
À quel moment faut-il révéler la vérité?
Si votre enfant vous raconte qu’un grand de l’école s’est moqué de lui en lui disant que le père Noël n’existe pas et que cette révélation lui fait même beaucoup de peine, il vaut mieux lui dire que si ce grand garçon ne croit plus au père Noël, il a le droit, lui, d’y croire, tout autant que vous.
Mais s’il pose de plus en plus de questions sur l’existence réelle de la Fée des dents et du père Noël, tout en se montrant de plus en plus sceptique – souvent vers l’âge de cinq ou six ans – il est peut-être temps de lever le voile sur la vérité.
Les mensonges protecteurs
Certaines histoires que l’on raconte aux enfants parce qu’ils n’ont pas atteint le stade de maturité nécessaire pour comprendre une situation ou un phénomène sont parfois incontournables, mais il ne faut pas en abuser.
Ces « mensonges protecteurs » sont souvent pertinents, par exemple pour parler de la mort aux jeunes enfants. Mais s’il est vrai que toute vérité n’est pas bonne à dire à tout âge, gardez en tête que l’enfant comprend souvent plus qu’on pense et qu’il pourrait ensuite vous en vouloir de ne pas lui avoir dit la vérité.
Lecture inspirante
- Psychologie du menteur, Claudine Biland, éditions Odile Jacob, 2009, ISBN : 9782738122933, 14,95 $
- Pieux mensonges, Maile Meloy, éditions France Loisirs, 2006, ISBN : 9782286022914, 34,95 $
- Petits et gros mensonges, Stéphanie Duval et Marylise Morel, éditions Bayard Jeunesse, ISBN : 9782747035156, 11,95 $