Famille

Les stéréotypes à bannir à la maison

Les stéréotypes sexuels sont omniprésents : malgré toute la bonne volonté du monde, personne n’y échappe. Et c’est à la maison que les enfants y sont d’abord confrontés.

Construction sociale du « féminin » et du « masculin »

Un garçon tombe de sa bicyclette. On l’encourage à se relever, à sécher ses larmes et à remonter sur le dos de sa monture. La fille a la même malchance, on l’invite plutôt à venir se blottir dans les bras de papa ou maman. Même si l’on prône l’égalité entre les sexes, garçons et filles ne sont pas heurtés par les mêmes discours. Par exemple, on complimente souvent les garçons sur leur force et leurs exploits en sport, alors que les filles le sont sur leur apparence et leur douceur. Ces codes sociaux incitent donc les enfants à adopter des comportements établis sur leur genre, qui sont attendus d’eux : les filles sont plus calmes et plus altruistes; les garçons, plus turbulents. Cela peut paraître anodin, mais cette construction du « masculin » et « féminin » a aussi une influence négative sur la réussite scolaire : il est normal qu’un garçon soit moins bon en arts et en français, meilleur en math. Cette fausse perception de leurs capacités peut les freiner à s’intéresser à telle ou telle matière, ou, même, les décourager à faire de plus grands efforts pour réussir.

« Selon une recherche menée auprès d’informatrices et d’informateurs localisés dans trente pays, six adjectifs considérés “typiques” ont universellement été associés aux hommes : “fort”, “dominant”, “énergique”, “indépendant”, “aventureux” et “masculin”. En contrepartie, trois attributs seulement ont été associés aux femmes : “sentimentale”, “soumise” et “superstitieuse”. »

Conseil du statut de la femme (CSF). Entre le rose et le bleu : stéréotypes sexuels et construction sociale du féminin et du masculin, Québec, 2009, p. 13.

Diversifier les rôles

Ces stéréotypes dictent des manières de se comporter et ils s’imposent comme des normes à respecter. Les enfants chercheront donc inévitablement à se conformer à la description stéréotypée de leur sexe pour éviter d’être jugés ou distingués. Très tôt, l’enfant s’identifie en effet aux parents et, sans le vouloir, il arrive que l’on partage à nos enfants ces stéréotypes. Maman fait le repas, le ménage, s’occupe des enfants. Papa lave la voiture, tond le gazon. Bien sûr, chacun a ses préférences et ses aptitudes, mais inverser les tâches s’avère une excellente façon de montrer à nos enfants que tout est possible. Non, il n’existe pas de tâches pour lui et d’autres pour elle, et personne n’est confiné à un rôle préétabli. De plus, ce jeu permet de détourner la routine!

Apprendre par le jeu

Les jouets ont-ils un genre? Lorsqu’on visite certains magasins spécialisés, on pourrait en effet le croire. D’un côté, des voitures et des superhéros; de l’autre, une surabondance de rose, de froufrous et de poupées. D’après Louise Cossette, professeure au département de psychologie de l’UQAM, ce clivage rose-bleu s’est intensifié au court de la dernière décennie, entre autres avec l’apparition du style girly. Toujours selon Mme Cossette, on assisterait ainsi à un recul, puisque dans les années 1980, un courant unisexe régnait, très critique des stéréotypes traditionnels. On encourageait alors les filles à l’action, autant que les garçons.

Ce n’est pas tellement que les blocs et les jeux de construction sont interdits aux filles, c’est surtout qu’on leur a accolé un genre. Alors qu’un garçon sera invité à construire des hélicoptères et des bateaux de pirate, la fille, elle, est conviée à réaliser des villas et des châteaux avec ses jolis blocs roses et mauves.

Plus que la couleur : c’est la valeur associée au jeu qui dérange. La voiture de la fille sera rose, d’accord, mais surtout, ce sera une décapotable; pas une voiture de course. Les filles courent les magasins, se coiffent, font des balades en convertible rose. Les garçons se battent, font des cascades et des courses de voiture.

Mais pourquoi appliquer un genre à tous ces jouets? C’est évidemment une question de marketing. Le petit frère ne voudra pas jouer avec les jouets roses de sa grande sœur, et vice et versa, donc il faut acheter en double.

Mon petit sportif, ma jolie princesse

Le jouet n’est pas seulement un divertissement : pour l’enfant, c’est un outil de développement et d’apprentissage. Dès la petite enfance, l’enfant y reproduit la vie en société. Le jouet porte aussi un message social : les enfants se sociabilisent et se définissent à travers le jeu. Ainsi, on pousse les garçons à être dans l’action, on encourage les filles à bien paraître. On catapulte les filles dans un univers qui ne devrait pas les préoccuper si tôt : l’apparence.

Il n’est pas nécessaire d’enlever les jouets codés, mais de les « désexiser » : les garçons peuvent très bien jouer dans le coin-cuisine et les poupées n’ont pas besoin d’être des princesses drapées de rose et d’étoiles.

Quoi faire?

Encourager la diversité. Ça ne veut pas dire interdire tous les jouets de genre, mais plutôt ne pas s’y limiter. Un garçon qui demande une poupée ne devrait pas être ridiculisé. Même chose pour une fille qui préfère les trains. En refusant des demandes comme celles-là, on met de la pression sur l’enfant, une pression qu’il ne comprend pas encore, mais qui lui suggère que son comportement n’est pas « normal ». Il en résulte un sentiment de honte. Il est donc conseillé de choisir des jouets qui encouragent la mixité, comme une cuisinière blanche ou neutre, au lieu de la prendre rose ou mauve. Ceci enverra le message que la cuisine n’est pas seulement une affaire de femmes!

Elle aime la danse, il aime le sport. D’accord : il n’y a rien de mal à ça. Mais il est aussi important d’encourager les petites filles à bouger et faire des sports plus complets, où elles n’auront pas à être délicates et jolies. Les garçons, eux, gagneraient à faire plus de jeux d’imitations, qui favorisent, entre autres, le langage.

Portez une attention particulière à ce que vous dites. Des phrases d’apparence anodine comme : « C’est une affaire de gars/fille » seraient à éviter.

À l’adolescence

Plus les enfants vieillissent, plus ils seront confrontés aux stéréotypes de genre. À l’adolescence, ils sont bombardés par ceux-ci, véhiculés entre autres dans les médias. Revues, télévision, musique, publicité, vidéoclip : il n’est pas toujours évidemment de se positionner, mais il est important de le faire. Il faut en parler, chose qui peut s’avérer compliquée avec des adolescents qui ne sont pas toujours ouverts au dialogue. Comment voulez-vous que votre fils agisse, avec les femmes? (Voyez la vidéo, elle est vraiment touchante!)

Quels genres de relations souhaitez-vous pour votre fille? Au lieu de leur interdire de regarder le dernier vidéoclip de Miley Cyrus ou Nicki Minaj, regardez-le avec eux. Ce sera une belle occasion d’en discuter par la suite.

La lecture

Les stéréotypes sont, bien entendu, aussi véhiculés dans les livres que nous lisons à nos enfants. À l’heure de l’histoire, portez une attention particulière aux images. Comment les filles et les garçons sont-ils représentés dans le livre? Encore aujourd’hui, on illustre souvent la maman à la maison, alors que le père est celui qui sort. Dans leur étude Que racontent les albums illustrés aux enfants? Ou comment présente-t-on les rapports hommes-femmes aux plus jeunes?, Sylvie Cormier et Adela Turin soulignent qu’une « maman sortant de la maison avec son porte-documents ou lisant le journal dans le fauteuil du salon dirait aux enfants que les mères peuvent avoir une profession, être autonomes, curieuses, informées...

Une image qui montrerait, sans ironie ni tablier fleuri, un papa qui repasse une chemise dirait aux enfants qu’il est normal de partager les tâches domestiques... »

Dans le même ordre d’idées, le Y des femmes a fait paraître récemment ses suggestions lecture pour déboulonner les stéréotypes. Des hommes forts qui s’adonnent au tricot, des gamines qui en ont marre du rose, des chevaliers sensibles… On adore!

Sources 
  • Catherine Crépeau, « Les jouets ont-il un genre? », Guide annuel 2015, Jeux et jouets, les éditions Protégez-Vous, novembre 2014, pages 23 à 26
  • Mme Francine Descarries, Gilles Cantin, Secrétariat à la condition féminine, ministère de la Famille, Les livres et les jouets ont-ils un sexe, gouvernement du Québec, 2013
  • Melina Schoenborn, « Stéréotypes en milieu familial », La Gazette des femmes, 9 avril 2014
Image de Marie-Eve Bourassa

Autrice, scénariste, rédactrice et chroniqueuse.


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