La mission attribuée naturellement à chacun des deux parents dans le développement de la personnalité des enfants a subi des changements au cours des dernières décennies. Leur statut face à leurs enfants – garçon et fille - s’est aussi légèrement transformé : ainsi, le lien entre le père et son fils s’est maternisé et le rôle de protecteur des filles associé depuis la nuit des temps au père est aujourd’hui partagé avec la mère… même si tous les papas de ce monde préfèrent en faire leur chasse gardée!
Les frontières des rapports entre parents et enfants d’un sexe et de l’autre sont donc plus floues, mais elles se distinguent toujours les unes des autres : Louise Grenier, psychologue et psychanalyste, a accepté de décortiquer les caractéristiques qui leur sont propres, mais aussi les quelques croisements entre elles.
Entre père et fils
La caractéristique la plus visible de la relation entre papa et fiston se manifeste particulièrement dans le jeu et la pratique d’activités sportives. Ce corps-à-corps est un intermédiaire, un «troisième élément» nécessaire pour que le lien se tisse.
La relation père-fils est aussi importante dans le développement de l’autonomie et de la personnalité de l’enfant, puisqu’elle favorise le détachement de sa mère. « Le garçon s’identifie à un modèle de père et fait ainsi un contrepoids au «pouvoir» de la mère », explique Louise Grenier.
L’identification du fils à son père constitue un élément déterminant, surtout à l’adolescence : le père est pour le garçon une référence, d'autant plus qu’il est souvent chargé de son apprentissage de la socialisation, une tâche qui relève aussi de la mère, mais davantage du père.
La relation entre papa et son fils en est une d’autorité, mais aussi de rivalité pour gagner le cœur de maman.
Entre père et fille
Ce lien paternel présente un trait commun avec la relation père-fils : « Le père représente pour la fille ce qui l’aidera à opérer le détachement de la mère, afin de lui permettre de rencontrer éventuellement d’autres hommes », indique Louise Grenier.
La relation qu’entretient le papa avec sa fille est en tous points semblable à ce qui le lie à son fils, jusqu’à ce que la fillette ait atteint l’âge de quatre ou cinq ans, alors qu’elle commence à être consciente des différences sexuelles et donc de sa féminité.
Papa participe alors souvent un peu moins aux activités de sa fille, du moins pas autant qu’avec son fils; on verra, par exemple, plus souvent maman que papa aller conduire la petite danseuse à sa leçon de ballet.
La fillette tente pour sa part de séduire son père - une caractéristique propre à la relation père-fille – pour constater éventuellement qu’elle ne pourra gagner face à sa rivale, sa mère.
La relation devient un peu plus complexe lorsque la petite fille atteint la puberté : certains pères se détachent alors de leur fille mais dans la plupart des cas, la complicité perdure, signale Mme Grenier. Elle est toutefois enrobée de pudeur et de réserve, question d’éviter toute ambigüité en lien avec le fait que la petite fille de papa est sur le point de devenir une femme.
Entre mère et fille
La fillette voue, jusqu’à l’âge de trois ans, une affection sans bornes à sa mère : la relation est pour ainsi dire fusionnelle et cette fusion dure généralement plus longtemps que celle qui unit la mère et son petit garçon, souligne Mme Grenier. Les mamans éprouvent d’ailleurs en général plus de difficulté à accepter la séparation psychologique de leur fille adolescente ou jeune adulte. Elles se résignent plus aisément à assumer la nouvelle autonomie de leur fils.
Le détachement, graduel, se produit lorsque la fillette se tourne vers son père, qu’elle tente de conquérir, comme on l’expliquait plus haut.
La petite fille définit son identité autant par son père que par sa mère : c’est cependant la mère qui forge l’identité sexuée de sa fille, alors que le père contribue au développement de l’identité féminine (à titre d’objet de désir) en prodiguant de l’amour à sa fille, explique la psychologue.
Dans un autre ordre d’idées, la relation mère-fille n’est pas nécessairement plus aisée en raison du fait que les deux sont du même sexe. « On a le sentiment que parce qu’on est du même sexe, on se comprend mieux ; ce n’est qu’illusion!, signale Mme Grenier. D’abord, on peut être très différentes même si on est du même sexe. Ensuite, la mère est souvent plus à l’écoute du fils parce qu’elle reconnaît d’emblée la différence entre elle et lui. Avec sa fille, elle croit comprendre…»
La relation entre la mère et sa fille devient d’ailleurs souvent conflictuelle à l’adolescence.
Entre mère et fils
Pour le petit garçon, la mère est le premier objet d’amour. C’est également maman qui, en prenant soin de son fils, lui transmet les enseignements nécessaires pour qu’il soit en mesure de prendre éventuellement soin de lui-même.
La mère sera d'ailleurs souvent plus indulgente et bienveillante avec son fils et plus exigeante envers sa fille, « parce qu’elle souhaite qu’elle devienne aussi forte qu’elle en tous points », ajoute Mme Grenier.
Cette relation peut être très forte et très intense. Certains spécialistes affirment pour leur part qu’elle est la plus complexe des quatre liens parentaux : l’enfant mâle n’étant pas comme elle, la mère ne peut s’en remettre à sa propre expérience pour éduquer son fils, pas plus qu’elle ne peut reproduire les comportements de sa propre mère à son égard.
Freud affirmait quant à lui que la relation mère-fils est la moins ambivalente et la plus heureuse.
Ce lien peut devenir ambigu, lorsque par exemple une maman monoparentale traite (inconsciemment) son fils comme un substitut d’homme.
Rien de définitif
La psychanalyste Louise Grenier tient à souligner que ces descriptions des liens parents-enfants ne sont pas tranchées au couteau. « Il faut être attentif au regard que l’on pose sur les enfants et au jugement que l’on porte en se basant sur les sexes. Ce sont des valeurs sociales qui nous amènent à adopter des attitudes différentes. C’est du sexisme inconscient. », affirme-t-elle.