Ce qui se passe dans la classe
En tant que parent, on peut penser à tors que nous sommes conscients de la réalité des professeurs en classe, puisque nous avons nous-mêmes été élève et que nous avons côtoyé notre lot de professeurs (des bons, et des moins bons!). Cette « expérience », combinée au désir que notre enfant ait un cheminement scolaire agréable et enrichissant, peut parfois créer beaucoup d’incompréhension envers le travail des profs. « On voit toutes sortes d’affaires en milieu scolaire. Parfois, j’entends chialer des parents; j’aimerais les inviter à passer des journées avec nous pour mieux comprendre l’ampleur de la tâche. On ne s’occupe pas juste de leur apprendre 2+2=4 à ces cocos. L’école est réellement une extension de la maison. On demande aux profs de tout ramasser ce beau monde tellement différent les uns des autres et faire quelque chose de pertinent et profitable. Pas toujours évident... », nous raconte une enseignante du primaire.
La médaille a toujours 2 côtés!
En effet, c’est bien facile de reprocher aux professeurs de ne pas répondre rapidement à votre message, ou de critiquer les listes scolaires en les trouvant excessives, mais pour la plupart, nous ne savons pas vraiment ce qui se passe dans la classe de notre enfant, ni quels genres de personnalités le prof a à gérer simultanément ni les raisons de certaines demandes. « Une année, dans ma classe de 22 élèves, il y en avait 11 en échec en lecture (et certains d’entre eux aussi en écriture et math). Dans cette même classe, je devais appliquer 12 plans d’intervention pour des difficultés diverses. J’accueillais 3 élèves médicamentés pour un TDA, 1 hyperactif non médicamenté, 1 élève en trouble de comportement, 2 dyslexiques, 1 dysphasique et 1 en trouble envahissant de développement. En plus d’avoir à gérer tout ça quotidiennement, je devais justifier les résultats de mes élèves auprès de la direction, car la convention de gestion des écoles amène les directions à comparer les résultats des écoles entre elles et par rapport à la moyenne nationale. Quand la classe d’un prof fait mal paraître l’école ou fait baisser la moyenne de la commission scolaire, on sent vite la pression monter. On veut plus de gestion, plus de planification, plus d’interventions, plus d’encadrement... Ce qui, finalement, augmente sans cesse la charge de l’enseignant qui se trouve bien démuni avec de telles compositions de classe et le service spécialisé insuffisant. Ce n’est pas juste un grand titre du Journal de Montréal. C’est une réalité criante des classes d’aujourd’hui et ça devrait soulever beaucoup plus d’inquiétudes que ça n’en soulève présentement. Malheureusement, je ne sens pas de volonté réelle de la part des hautes instances d’apporter des changements fonctionnels à cette situation. Par exemple, on ferme des classes d’adaptation scolaire sous prétexte que la clientèle en difficultés est en baisse. On s’en félicite à tous vents, aussi. Mais ce n’est pas parce que la clientèle baisse, c’est parce qu’elle est diluée dans les classes régulières! C’est parfois profondément démotivant », nous confie une autre enseignante.
Les professeurs comprennent que leurs demandes peuvent parfois sembler démesurées, mais elles aimeraient conscientiser les parents à leur réalité en classe pour qu’ils puissent se remettre dans le contexte avant de grimper dans les rideaux et de les accuser d’exagérer ou de ne pas être à l’écoute de leur enfant. La majorité a choisi ce métier par passion des enfants et il arrive même que des enseignantes fournissent à leurs frais du matériel scolaire, des récompenses et parfois même de la nourriture pour combler les manques.
Ce qui se passe à la maison
Les enseignantes à qui nous avons parlé sont parfois un peu inquiètes de certains comportements qu’elles observent chez leurs élèves. Des élèves en manque de sommeil qui s’endorment plusieurs fois par jour durant la classe aux enfants qui portent des chaussures ou des vêtements inadéquats, en passant par les enfants qui ont une apparence très négligée, elles constatent avec peine que certaines familles n’ont pas conscience des répercussions que ça a à l’école.
En plus de ces défis quotidiens, elles doivent aussi composer avec des élèves qui véhiculent des préjugés et des comportements qui n’ont pas été discutés correctement à la maison. « On voit des enfants qui s’amusent aux dépens d’une petite qui fait de l’embonpoint. J’ai déjà eu une petite de 5e année qui est arrivée en pleurant dans ma classe parce que son chum, un autre élève de ma classe, l’avait menacé de la battre si elle le quittait. Comment nous demander de ne pas réagir? »
L’alimentation
Nous connaissons toutes l’importance pour notre enfant d’avoir un repas et des collations équilibrés afin qu’il puisse être bien concentré et avoir de l’énergie pour apprendre durant sa journée à l’école. Pourtant, les enseignantes remarquent souvent que les enfants ont un lunch qui est loin d’être équilibré, ce qui influence négativement la journée de leurs élèves. « Il y a des enfants, et ce ne sont pas des enfants issus de familles défavorisées, loin de là, qui arrivent à l’école avec un lunch maigre, pas de légumes, aucune collation et rien à boire. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour conscientiser les parents sur l’importance d’avoir un lunch sain et équilibré pour aider leurs enfants à maximiser leur potentiel à l’école. »
Quand l’enfant est malade
Tout comme l’ont souligné les éducatrices en garderies, les professeurs implorent les parents de tenir compte de l’état général de leur enfant avant de l’envoyer à l’école. S’il est malade, il risque d’avoir de la difficulté à se concentrer et à suivre ses cours, et il pourrait contaminer les autres enfants de la classe! En plus, l’enseignante n’a pas le temps de lui prodiguer des soins et des petites attentions comme on le ferait à la maison puisqu’elle est occupée avec le reste de sa classe. « On sait que les parents travaillent, que la réalité d’aujourd’hui est souvent injuste et que les parents en ont déjà beaucoup sur leurs épaules. Par contre, si ton enfant est vraiment malade, ça ne sert à rien de l’emmener à l’école, ça ne fait que perturber notre journée en classe. L’enfant aurait probablement plus profité d’une journée de repos pour se refaire des forces que de passer sa journée à suivre les règles en combattant sa fatigue. »
L’implication des parents
S’il y a une chose que les professeurs voudraient vous transmettre, c’est la nécessité de vous impliquer dans l’apprentissage de vos enfants et de ne pas vous attendre à ce que l’école vous décharge de vos responsabilités. Certains élèves arrivent régulièrement avec des devoirs non faits, des leçons pas apprises, des agendas qui ne sont jamais signés, sans compter les enfants qui manquent de connaissances de base qui auraient dû être apprises à la maison! « À force d’intervenir en lecture avec des élèves en échec, j’ai réalisé qu’une grande part des difficultés de compréhension venait d’un grand manque de culture, de connaissances générales, d’expériences de vie. J’ai déjà dû expliquer à une élève de 7 ans ce qu’était une étoile, car elle ne savait pas qu’on peut en voir briller dans le ciel quand on sort dehors la nuit. Elle n’y avait jamais porté attention et personne ne lui en avait jamais parlé. Elle n’arrivait donc pas à comprendre sa petite histoire à propos d’une étoile étincelante. J’ai même déjà eu à apprendre à un enfant comment se moucher parce qu’il ne faisait que s’essuyer avec sa manche. De plus en plus, on observe que les élèves perdent l’attention des détails, leur curiosité naturelle, et il semble qu’ils vivent de moins en moins d’expériences variées au sein de leur famille ou de leur groupe d’amis. Ça rend certains apprentissages difficiles. »
La communication entre parents et professeurs
Malgré toutes leurs doléances, les enseignantes à qui nous avons parlé sont prêtes à établir un lien de communication avec les parents afin de travailler ensemble. Malheureusement, la communication actuelle entre parents et professeurs est à son pire. « Dans notre école, les parents ont la possibilité de contacter les professeurs par courriel pour discuter de leur enfant, recevoir de l’aide ou poser des questions. Ce qui devrait être un outil additionnel de communication positive s’est transformé en une façon de plus de nous accuser de ne pas être à la hauteur dans notre rôle de professeur. Plusieurs parents abusent, nous écrivent pour la moindre peccadille ou même pour nous dire comment faire notre travail alors qu’eux-mêmes ne font rien pour s’assurer que leur enfant progresse adéquatement. »
Les enseignantes trouvent important de travailler de concert avec les parents pour assurer le bon développement global de ceux pour qui elles se dévouent jour après jour. Tout comme elles sont conscientes qu’il n’y a pas de parents parfaits, elles admettent aussi que tous les professeurs ne s’équivalent pas et qu’il y a du chemin à faire des deux côtés. Mais elles sont toutes d’accord sur un point : l’important, dans tout ça, ce sont les enfants qui doivent demeurer au centre des préoccupations de chacun.