Le mutisme sélectif, c’est quoi ?
Selon la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux publié par l’American Psychiatric Association, « le mutisme sélectif a pour caractéristique essentielle l'incapacité régulière d'une personne à parler dans des situations sociales spécifiques où elle est supposée parler (par exemple : à l'école, avec des camarades) alors qu'elle parle dans d'autres situations. La perturbation interfère avec la réussite scolaire ou professionnelle, ou avec la communication sociale ».
L’enfant mutique n’a pas de problème de langage. Il s’exprime correctement lorsqu’il est avec sa famille et n’a aucune difficulté à se faire comprendre. C’est lorsqu’il se retrouve dans certaines situations qu’il cesse de parler : pour commander au restaurant, pour saluer des invités qui débarquent à la maison, pour socialiser à l’école, etc.
Léonie Lemire-Théberge, psychologue à la Clinique des troubles dépressifs à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, a travaillé longtemps en troubles anxieux. Elle mentionne que le mutisme sélectif apparaît généralement avant l’âge de 5 ans, mais que c’est à l’entrée à l’école qu’on va réaliser qu’il y a un réel problème. « À la maison, sans nécessairement s’en rendre compte, les parents vont compenser pour leur enfant 'timide' ; c’est eux qui vont commander au restaurant pour eux, c’est eux qui vont parler en leur nom, etc. Ça va plus passer inaperçu », explique-t-elle.
Toujours selon la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux « pour porter le diagnostic, la perturbation doit être présente depuis au moins un mois; ne pas se limiter au premier mois d'école; ne pas être seulement due à un manque de connaissance du sujet ou de la langue et ne pas être mieux expliquée par un autre trouble ».
Phobie sociale… ou trouble de comportement?
Le mutisme sélectif est répertorié dans les troubles anxieux parce qu’on l’associe à une phobie sociale. « L’enfant ne va pas parler parce qu’il va avoir peur d’être inadéquat, peur du jugement des autres, peur que les autres rient de lui, etc. », précise Léonie Lemire-Théberge.
Par contre, dans certains cas, le mutisme sélectif est davantage d’ordre comportemental. Dans ces cas, l’enfant a « des compagnons phobiques », des gens qui compensent pour lui, qui parlent à sa place. À l’école, il réussira à obtenir des bénéfices secondaires : ne pas être obligé de faire ses exposés oraux, ne pas être obligé de poser des questions en classe, ne pas être obligé de lire à haute voix alors que tout le monde doit de le faire, etc. « C’est énormément de pouvoir et d’évitement de situations, souligne la psychologue. Si tout se met en place et que tout fonctionne sans que l’enfant ait à parler, pourquoi il parlerait ? »
Comment s’en sortir?
Face au mutisme sélectif, comme face à d’autres troubles anxieux, on a tendance à vouloir enlever la souffrance de l’enfant en évitant les situations anxiogènes. Or, c’est la chose à ne pas faire. « Il faut à tout prix ne pas l’accommoder, comme on est portée à le faire », insiste Léonie Lemire-Théberge. La psychologue explique qu’il faut plutôt exposer l’enfant à la parole, le confronter à ses peurs afin qu’il réalise qu’il n’est pas en danger. « En thérapie, on va travailler beaucoup à ne pas éviter. On ne parlera pas tant que l’enfant ne parlera pas. Ça peut être long! Ça peut prendre 3-4 rencontres. »
Dès que l’enfant parle ou accepte d’écrire pour communiquer, le renforcement positif bat son plein. On le félicite, on l’encourage… puis on lui fixe de nouveaux objectifs, comme celui de dire bonjour à un ami dans la cour d’école au courant de la semaine. S’il réussit, c’est le party. Après? Il aura la mission de dire bonjour à son enseignant. Et ainsi de suite. C’est à coup de petites victoires que l’enfant réussira à sortir de son mutisme.
Pour aller plus loin
Comprendre le mutisme sélectif : guide à l’usage des parents, enseignants et thérapeutes, d'Elisa Shipon-Blum, aux Éditions chronique sociale (2009), 134 pages ISBN : 9782850087431, 26,95$