J’ai été élevée dans une famille où le souper du dimanche soir était une obligation familiale. Presque une religion. Il ne fallait même pas penser à aller jouer dehors avec les voisins ou à parler au téléphone pour m’en sauver. C’était important. Et j’avoue que ça m’exaspérait parfois.
Comme parent, je comprends maintenant pourquoi c’était si important. C’était comme la cohésion de la famille. La colle qui permettait à la famille de fonctionner toute la semaine tout en restant unie. C’était un moment rassembleur dont je garde, en majorité, un bon souvenir.
Un souvenir à reproduire
Évidemment, quand j’ai eu des enfants, j’ai voulu reproduire ces moments avec ma famille. La volonté de souder la famille lors des repas est devenue aussi importante. On trie les obligations professionnelles le soir, on limite les activités parascolaires pour passer ces moments ensemble.
Mais parfois, je me sens bien à part avec cette volonté de faire des repas un acte social. Parce qu’à l’école, on dirait que les repas ne sont que pour l’alimentation physique.
L’an dernier, après quelques semaines de maternelle, ma fille me demandait de ne plus mettre certaines collations dans son lunch. Parce que c’était trop long à manger. Elle veut aussi des fruits coupés, parce que ça se mange plus rapidement. Si ma fille prenait le temps de manger à table avec nous, maintenant elle engloutit vite, pressée d’avoir fini.
C’est qu’à l’école, il faut manger vite. Et majoritairement en silence. Manger vite parce que le dîner est pris dans la salle de classe. Et les enfants veulent aller jouer dehors au plus vite. C’est comme si on obligeait tous les travailleurs de manger à leur bureau, tous les jours. Et que seulement ensuite, ils pourraient sortir dehors prendre une pause. Est-ce que ce serait acceptable, ne serait-ce qu’aux normes du travail?
De plus, selon une étude de la Harvard School of Public Health de Boston, on devrait laisser au moins 20 minutes aux enfants pour manger.
Des inquiétudes confirmées
En discutant autour de moi, je comprends que je ne suis pas la seule inquiète. On souhaite apprendre collectivement à nos enfants les bonnes habitudes de vie, la saine alimentation.
D’ailleurs, les articles sur le sujet de la saine alimentation dans les familles pullulent. Le jugement est souvent dirigé vers les parents qui servent de la nourriture transformée à leurs enfants. Mais ne devrait-on pas réfléchir aussi au rôle de l’école dans la saine alimentation et les saines habitudes de vie, en pensant tout d’abord à la façon dont les dîners sont organisés dans les écoles?
Le hic, c'est que la majorité des écoles a été construite alors que les enfants avaient un parent (une mère) à la maison. Ainsi, très peu d’enfants se retrouvaient à manger en dehors de la maison pour le dîner. Les changements dans la société ont amené un changement des besoins des familles. Mais la solution n’est pas simple.
La cafétéria est bruyante. Les salles de classe inadéquates. Le gymnase résonne. Certaines écoles ont même des tables dans les couloirs. C’est comme si on avait oublié de penser à l’aspect social de l’alimentation.
Il y a bien certaines personnes (des femmes) qui offrent des dîners dans leur maison, près des écoles. Un compromis pour certaines familles entre manger à l’école et manger à la maison. Mais ça reste marginal. Est-ce qu’on pourrait justement penser à un système de dîner à l’externe de l’école elle-même ?
Coup d’œil vers la France
Si on regarde en France, on aborde l’alimentation comme un enjeu de santé publique et de lutte aux inégalités sociales. Quand on parle à des parents français, ils sont souvent surpris que les Québécois fassent des lunchs en majorité pour les enfants. Pour eux, ce représenterait l’illustration de grandes inégalités sociales.
En France, c’est un système de cantine opéré par les municipalités qui offrent le dîner aux élèves. Un bâtiment municipal est dédié à cuisiner des repas chauds pour les enfants des écoles avoisinantes. Des heures précises séparent le temps du repas des plus grands des tout-petits.
Est-ce que le système des cantines est parfait? Non, pas du tout. Mais les inégalités quant au contenu de l’alimentation s’amenuisent. Les enfants sortent de l’école pour le dîner. Les parents n’ont pas à fournir les lunchs ou les collations.
Parfois, aller voir ce qui se fait ailleurs peut nous inspirer et nous faire réfléchir sur ce qu’on peut faire de mieux pour nos enfants.
Écrit par Mariève Paradis
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