L’incidence et la sévérité des allergies ont considérablement augmenté au cours des dernières décennies. Peut-on prévenir ou retarder leur apparition chez les jeunes enfants?
Aujourd’hui, environ 6 % des enfants de moins de 3 ans sont affectés par des allergies alimentaires. La prévalence de l’allergie aux arachides aurait doublé depuis 10 ans. L’incidence de l’asthme et de l’eczéma s’est aussi accrue.
Les allergies alimentaires et les maladies atopiques (allergiques) comme l’eczéma (aussi appelé dermatite atopique), l’asthme, la rhinite allergique, le rhume des foins et l’urticaire ont une forte composante génétique. Ainsi, le risque de maladie atopique augmente de 33 % quand un parent du premier degré (parent ou fratrie) en souffre, et de 70 % quand les deux parents sont touchés. Cela dit, plusieurs enfants atteints n’ont pas d’antécédents familiaux. Pouvez-vous faire quelque chose pour protéger votre enfant? Voici où en sont les connaissances actuelles.
La grossesse
Dans le ventre de sa mère, un bébé partage tout avec elle. L’alimentation de la femme enceinte représente donc la première influence nutritionnelle que l’on puisse exercer sur les maladies atopiques. Toutefois, il est peu probable qu’une diète d’élimination pendant la grossesse diminue les risques, pour l’enfant, de développer une allergie. Même chose pour l’allergie aux arachides. Bien que quelques publications aient suggéré que le retrait des arachides soit bénéfique dans le cas d’une famille à risque, de récents résultats ne rapportent aucun lien entre la consommation d’arachides par la mère pendant la grossesse et le développement de cette allergie pendant l’enfance.
Par ailleurs, le fait d’éliminer certains aliments du régime de la femme enceinte pourrait nuire à son état nutritionnel et à celui du fœtus. À cet effet, une étude rapporte un gain de poids gestationnel moindre lorsque la mère élimine de sa diète, de la 28e semaine de gestation jusqu’à la fin de la grossesse, le lait de vache et les œufs. De plus, deux études suggèrent que la diète d’élimination est liée à un risque plus élevé de naissance prématurée. Il est également possible que cette diète ait un effet sur le poids moyen du bébé à la naissance.
Des recherches de grande envergure sont nécessaires pour préciser les bénéfices – s’il y en a – d’éliminer certains aliments qui sont des allergènes fréquents pendant la grossesse.
L’allaitement
La composition du lait maternel est influencée par ce que mange la maman. En plus des nutriments, des antigènes alimentaires, incluant ceux des arachides, du lait de vache et du poisson, peuvent être détectés dans son lait. Ils pourraient même provoquer une réaction chez les enfants ayant une allergie connue. Mais leur présence dans le lait maternel suffit-elle à causer une allergie? Leur retrait de l’alimentation de la maman parvient-il à éviter le développement d’une éventuelle allergie? Rien n’est moins certain. Pour l’instant, les données sont insuffisantes pour justifier le retrait d’allergènes alimentaires dans le but de prévenir des allergies chez le bébé allaité.
Il pourrait y avoir une exception concernant l’eczéma. En effet, il semblerait qu’en opposition aux préparations à base de lait de vache, un allaitement exclusif d’au moins 4 mois pourrait réduire les risques chez des bébés provenant de familles à risque de développer cette maladie. Les futures recherches nous le confirmeront… ou non.
Saviez-vous que…
Éviter l’alcool et la cigarette durant la grossesse et la lactation pourrait, en plus de toutes les autres bonnes raisons de le faire, contribuer à diminuer les risques d’allergies?
Introduction des aliments solides
L’introduction plus tardive – après l’âge de six mois - des aliments fréquemment allergènes protège-t-elle un enfant contre les allergies plus tard dans sa vie? Selon les études récentes et l’ensemble de la littérature scientifique sur le sujet, il n’y a pas de preuves évidentes.
Vous avez donc le choix, comme parent, de suivre les recommandations générales que voici :
- Allaitement exclusif jusqu’à l’âge de 6 mois (ou préparations si l’allaitement est impossible).
- Introduction graduelle des céréales, légumes, fruits, viandes et autres aliments solides après l’âge de 6 mois.
- Introduction du lait de vache entre 9 mois et 1 an environ.
- Introduction d’un aliment à la fois, en attendant de 3 à 7 jours avant d’en introduire un nouveau. Et surveiller la manifestation de symptômes.
Vous pouvez aussi choisir, surtout si votre enfant est à risque, de retarder l’introduction de certains aliments* à un âge où il pourra mieux vous faire part de ses malaises (picotements dans la bouche ou autre). La gestion de l’allergie et surtout la compréhension de votre enfant seront ainsi facilitées. Il faut toutefois faire attention à ne pas éliminer inutilement trop d’aliments, car cela risquerait de compromettre l’équilibre nutritionnel et la santé de votre enfant. Les conseils d’une nutritionniste peuvent s’avérer très utiles.
* Les 9 aliments suivants sont responsables de 90 % des réactions allergiques graves :
- Lait
- Œuf (le blanc est plus allergène que le jaune)
- Blé
- Arachides
- Soya
- Noix
- Sésame
- Poissons
- Crustacés
Les diètes d’élimination, surtout tôt dans l’enfance, sont liées à un risque de malnutrition et à un stress additionnel.
Les probiotiques
L’intérêt des probiotiques pour prévenir ou diminuer les symptômes de maladies atopiques, surtout l’eczéma, a été étudié à plusieurs reprises. La prise de suppléments de probiotiques pendant la grossesse et la lactation pourrait avoir des effets bénéfiques. On ne peut toutefois pas tirer de conclusions définitives, car les résultats sont contradictoires : certains chercheurs leur attribuent des effets protecteurs, d’autres pas. Plus d’études de qualité devront être menées pour vérifier leur utilité. Un dossier à suivre.