En effet, donner un peu de soi après avoir reçu nous aide à résister au stress : c’est du moins ce que les neurosciences prouvent. De plus, la reconnaissance permet de prendre conscience que nous avons tous besoin des autres pour exister ce qui, à l’ère individualiste dans laquelle nous vivons, n’est point négligeable. C’est d’ailleurs sur les effets de ce fameux « merci » que le professeur de psychologie Robert Emmons, de l’université de Californie, s’est penché.
La gratitude
Selon Robert Emmons, la gratitude est en effet fort bénéfique et il est important de l’exprimer, après être passée par deux étapes clés. Tout d’abord, « la constatation du bien reçu » et de son coût. Ce bien peut être matériel, mais aussi immatériel, comme lorsque quelqu’un vous offre de l’aide ou un soutien moral, et son coût est soit monétaire ou symbolique (l’effort que le don a demandé). Ensuite vient, comme l’indique le psychologue, « la reconnaissance du fait que la source de ce bienfait se trouve en dehors de soi. » Cette source extérieure peut bien entendu être une autre personne, mais aussi la vie elle-même.
Afin de mesurer les effets réels de cette reconnaissance, Robert Emmons et son collègue Michael McCullough ont dirigé une étude au court de laquelle plusieurs centaines de personnes ont été divisées en trois groupes.
Le premier groupe devait tenir un journal de leurs expériences quotidiennes, bonnes ou mauvaises. Le deuxième devait s’en tenir seulement aux expériences désagréables, alors que dans le troisième groupe, on avait demandé à chacun de dresser la liste des événements dont il pouvait être reconnaissant, tous les jours. À peine dix semaines plus tard, l’état général des membres du troisième groupe était de loin le plus positif. Ils étaient en effet beaucoup plus enthousiastes et optimistes. Ce qui est doublement épatant, c’est que ces personnes avaient aussi moins de problèmes de santé et étaient plus enclines à prendre soin d’elles-mêmes. Le psychologue a d’ailleurs pu constater chez ces patients une baisse notable du niveau de stress, une meilleure qualité du sommeil, une chute du risque de dépression, une plus grande détermination et une performance accrue.
L’exercice de la gratitude
Mais trouver une raison d’être reconnaissante tous les jours, est-ce réaliste? En fait, il semblerait que le plus souvent nous nous efforçons de trouver des raisons d’être redevable, le plus facilement nous en trouvons! Ainsi, plus nous exprimons ouvertement notre reconnaissance aux autres, plus nous sommes appréciées. Dès lors, notre entourage est plus aimable avec nous, et nous avons encore plus de raisons d’être reconnaissantes! On parle alors d’un « cercle vertueux »!
C’est tout simple : comme l’explique Robert Emmons dans son ouvrage Merci!, la gratitude « aide une personne à diriger son attention vers les choses heureuses de sa vie et à la détourner de ce qui lui manque. » Ainsi, on passe de l’âpreté et du désir (je veux ceci) à la gratitude (merci pour cela). En outre, on estime que « la gratitude pourrait être une heureuse alternative au matérialisme, gangrène de nos sociétés hyperconsommatrices », comme le souligne à son tour Michael McCullough.
Bref, la gratitude nous incite à apprécier ce que nous avons plutôt qu’à pleurer sur ce que nous désirons. Elle nous permet d’être mieux dans notre peau et améliore nos relations avec les autres, en redirigeant notre attention vers ceux qui nous entourent.
Remercier à travers le monde
Il y a plusieurs façons de dire « merci » selon l’endroit où vous vous trouvez dans le monde. Au Japon par exemple, si vous offrez un cadeau à quelqu’un, on pourrait vous répondre : « Excusez-moi ». Étrange, non? En fait, cette formule tient à souligner votre effort. Par ailleurs, cette personne pourrait vous remercier plusieurs fois lors de vos rencontres futures.
Paradoxalement, en Chine, dire merci après avoir reçu quelque chose instaure une distance et certains pourraient se vexer de trop de remerciements, préférant un humble signe de tête. Par ailleurs, remercier quelqu’un qui nous a complimentés est parfois perçu comme un signe d’autosuffisance.
Aux États-Unis, on profite toujours de la fête de Thanksgiving pour être redevable et prendre le temps de profiter des belles choses qui nous entourent.
Donner au suivant
Il y a plein de façons de dire merci, et une des plus satisfaisantes, c’est de donner à son tour ou, si vous préférez, donner au suivant. Vous êtes reconnaissante d’être en santé, pourquoi ne pas faire du bénévolat auprès de gens malades, ou aider des familles qui pourraient avoir besoin d’un peu de répit?
Reconnaissante d’avoir assez à manger tous les jours? Vous pourriez vous impliquer auprès d’organismes ou de banques alimentaires, comme Moisson Montréal.
Reconnaissante d’avoir une famille unie? Avez-vous déjà pensé à devenir Grand Frère ou Grande Sœur?
Essayez d’impliquer vos enfants dans ces activités : déposez des conserves pour la Guignolée, visitez des personnes malades ou âgées, allez servir la soupe populaire, passez des paniers de Noël, offrez des jouets pour les enfants démunis, rendez des petits services chaque fois que vous le pouvez. On le répète souvent : les plus beaux cadeaux sont ceux que l’on donne et il n’est jamais trop tôt pour l’apprendre!
Lecture inspirante
Merci!, Robert Emmons, Belfond, ISBN 9782714443885, 29,95 $