Tendance ou mauvaise habitude? Présence rassurante ou problèmes à l’horizon? Aux États-Unis, on a nommé cette tendance le « family bed », un genre de prolongement du co-dodo où les enfants dorment dans le lit des parents – qui devient le lit de la famille entière – jusqu’à ce qu’ils décident de réintégrer d’eux-mêmes leur propre lit. Un seul lit? Pour tous? Toutes les nuits? Vraiment?
Beaucoup conservent cette habitude parce qu’elle facilite l’heure du dodo et aussi parce qu’ils croient ainsi rassurer leurs enfants. Mais si c’était le contraire? En effet, cette pratique peut avoir des effets néfastes sur le développement des enfants et aussi sur la santé du couple.
Votre lit est visité presque chaque soir par un ou plusieurs de vos enfants? Demandez-vous si vous pliez parce que vous ne savez plus comment vous déprendre de cette habitude ou si parce que vous croyez répondre à un besoin? Souvent, au milieu de la nuit ou à l’heure difficile du dodo, on est trop fatiguée pour se battre et imposer nos limites. Le résultat? On ouvre les draps pour les faire grimper et ainsi pouvoir dormir nous aussi sans se battre. Mais au petit matin, revenez à votre réflexion. Pourquoi laissez-vous vos enfants dormir avec vous?
« Quand je rencontre des parents dans mon cabinet, la plupart me disent que c’est pour rassurer leurs enfants qu’ils le font. Pourtant, cette pratique à la base répond davantage à un besoin des parents et non à celui des enfants », raconte Louise Mauriello. Selon la spécialiste, cette pratique exacerbe l’angoisse des enfants. « C’est rassurant pour le parent, non pas pour l’enfant », précise-t-elle. Aussi, on peut croire que c’est une forme de justification (faire dormir son enfant dans son lit) du besoin du parent. « Et bien souvent de la mère », précise la psychologue.
Donc, vous pensez rassurer votre enfant, mais l’effet inverse s’enclenche. « Quand je dis clairement aux parents rencontrés “Vous n’aidez pas votre enfant! Vous lui créez une angoisse!” souvent ils sont saisis! » Pourtant, bien des parents pensent véritablement rassurer leurs enfants en leur permettant de dormir avec eux. « Ce que l’enfant désire est qu’on le rassure, qu’il sente qu’on l’accompagne et qu’on est là pour lui. Mais cela ne veut pas dire lui ouvrir notre lit. Notre rôle de parents, c’est de l’amener vers l’autonomie, vers le monde extérieur et les autres, non pas l’amener vers soi », renchérit-elle.
Sexualité difficile
« Ce n’est pas une bonne idée! », lance d’emblée la psychologue Louise Mauriello de la clinique de psychologie de Blainville. D’abord, l’intimité du couple est bafouée. Où les parents peuvent-ils se préserver un espace d’intimité, alors? Bien sûr qu’ils peuvent faire l’amour ailleurs que dans leur lit, cela peut même être très bon pour briser la routine, mais de façon répétée, cette pratique gruge leur intimité. Peut-être que certaines femmes amènent l’enfant à combler un besoin de proximité qu’elles ne retrouvent plus avec leur conjoint ou si elles sont seules, pour combler un vide. Beaucoup de couples s’effondrent notamment à cause de la perte de leur intimité. « Bien souvent, l’un des deux, et plus souvent le père, est plus frustré que l’autre de voir les enfants investir le lit conjugal. Et effectivement, les mères auraient intérêt à se demander si leur rôle de mère vient remplacer la relation avec leur conjoint. Si c’est le cas, il y a un problème », estime la psychologue.
De plus, le développement psychologique et sexuel des enfants pourrait être entaché. « En leur donnant accès au lit des adultes, on leur donne accès à une intimité qui ne leur appartient pas. C’est un lieu de relations privilégiées, riche en symboles. L’enfant va le ressentir, explique Louise Mauriello. Aussi, les enfants doivent apprendre à renoncer à leur premier amour – le parent de l’autre sexe – et en finir avec la rivalité avec le parent du même sexe. S’ils continuent à dormir dans le même lit, cela crée une confusion. » Pourtant, il faut que ça se règle pour qu’eux-mêmes se tournent vers les autres enfants. « Ultimement, le petit garçon doit en venir à vouloir être comme papa pour trouver une femme comme maman », précise la psychologue.
Comment mettre fin à cette pratique?
Impossible non plus de couper l’habitude drastiquement en déclarant que c’est tout simplement terminé! Mais, ce ne sera pas facile! Rien ne l’est! « Mais vous évitez des problèmes pour plus tard. Et qu’est-ce que quelques semaines au fond? Travaillez en progression pour transmettre à votre enfant l’idée que votre lit est un espace privé », précise Louise Mauriello.
Voici des étapes simples pour briser cette routine sans créer trop de remous. Un conseil : faites équipe avec votre conjoint. Chacun pourra s’épauler. Car on ne se le cachera pas, l’heure du dodo sera perturbée et l’envie de flancher sera intense.
1. Dormir avec l’enfant dans sa chambre.
« Il est déjà beaucoup plus sain de dormir dans le lit de l’enfant », note Louise Mauriello. Transférez donc ce moment en accompagnant votre enfant dans son propre petit lit lors du coucher et s’il vient vous retrouver durant la nuit. Bien sûr, vous ne serez pas très confortable, mais c’est mieux ainsi pour faire la transition. « Ainsi, l’espace d’intimité des parents est respecté et vous amenez l’enfant à cheminer vers l’autonomie », ajoute-t-elle.
2. Progressivement, diminuer la période d’endormissement.
Au départ, vous resterez probablement jusqu'à ce que l’enfant s’endorme. Vous attendrez même qu’il le fasse profondément avant de bouger et retourner dans votre lit. Mais progressivement, diminuez le temps où vous restez près de lui. Essayez de créer un rituel apaisant en préparant doucement votre petit à votre départ :« Une dernière berceuse et après maman s’en va dans sa chambre et je reste pas loin! »
3. Utiliser un objet transitionnel
Pour rassurer votre enfant, offrez-lui un objet qui facilitera sa nouvelle transition : une doudou, un toutou ou autres. C’est encore mieux si cet objet porte un peu de votre odeur! Cela l’aidera à conquérir son autonomie.
Le gros bon sens
Bien sûr des exceptions peuvent arriver. « Si vous allez en visite, il se peut que vous ayez à coucher dans le même lit que vos enfants, mais ceux-ci, s’ils n’ont jamais eu accès à votre lit habituellement, comprendront très clairement que c’est une exception. Et ne demanderont même pas à le refaire! », soutient Louise Mauriello. Aussi, il n’est pas nécessaire non plus d’interdire toujours le lit des parents. L’important est de bien délimiter que la nuit est la période de la journée où il est impossible pour enfants d’aller dans cet espace. « Mais rien ne vous empêche d’écouter un film dans le lit tous collés le soir ou de permettre aux enfants de venir vous rejoindre le matin. Il suffit de mettre quelques balises! », note-t-elle.
Publication Initiale le 11 août 2015 sur Mamanpourlavie.com