À peine trois mois après son entrée en vigueur, le programme gouvernemental de procréation assistée doit déjà ralentir la cadence, au risque de voir les éprouvettes demeurer vides. Jusqu'à 300 femmes sur le point d'entreprendre un traitement de fécondation in vitro (FIV) à la clinique OVO, à Montréal, devront donc s'armer de patience, et voir le processus prévu reporté, puisque les médecins de la clinique vont interrompre temporairement leurs services.
Faute d'entente avec Québec sur le plafond salarial imposé aux neuf médecins spécialistes de la clinique, ces derniers disent devoir vaquer à d'autres occupations entre la fin novembre et le début janvier. Et ce, alors que la demande pour la procréation assistée était déjà beaucoup plus forte que l'offre disponible. Seulement à la clinique OVO, une des trois cliniques privées où on pratique la fécondation in vitro, la liste d'attente compte actuellement 900 noms. Pour les couples qui espèrent donner la vie, cela peut signifier plusieurs mois, ne serait-ce que pour obtenir un premier rendez-vous.
Pour l'ensemble des cliniques de fertilité, depuis le début du programme, en août, 897 cycles de fertilité ont été complétés, aux frais des contribuables, indiquent les plus récentes données du ministère de la Santé. Les femmes qui désirent donner la vie ont droit à trois essais gratuits.
Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, qui avait créé beaucoup d'attente, l'été dernier, en annonçant que Québec allait désormais financer la fécondation in vitro, se montre rassurant et estime que les prévisions fixées en juillet dernier quant au nombre de cycles seront respectées.
À son cabinet, on explique que l'argument du « plafond salarial » ne vaut pas, puisque Québec verse une enveloppe monétaire globale que les fédérations de médecins se répartissent entre elles par la suite.
On présume aussi que les négociations salariales en cours entre les médecins et le gouvernement ne sont peut-être pas étrangères à ce qui se passe chez OVO. Surtout, le ministre soutient que les médecins de cette clinique n'ont pas à interrompre le service, puisqu'ils peuvent continuer à voir leurs clientes au CHUM.
Or, le directeur médical de la clinique, qui est également responsable de l'endo-infertilité au CHUM, le docteur François Bissonnette, prétend exactement le contraire. Selon lui, « il n'y a absolument rien au CHUM au niveau de la facilité de voir à donner ce type de services-là. Il n'y a rien de débloqué », a-t-il soutenu en entrevue téléphonique, lundi. Il fait valoir que « le gouvernement arrête de payer, dès qu'on atteint notre plafond salarial. Ils arrêtent de payer même les dépenses de laboratoire. Donc, on ne peut absolument pas entrevoir la possibilité de dépasser ce plafond salarial-là et de faire un cycle (de fécondation in vitro), on serait en banqueroute ».
Depuis le début du programme, la clinique OVO a effectué 372 cycles de fécondation in vitro, soit 41 % du total. Une telle procédure n'offre cependant aucune garantie: deux femmes sur trois ne deviendront pas enceintes à la suite du traitement.
Pour l'année financière en cours, qui s'achève le 31 mars, le ministre Bolduc a prévu que le réseau pouvait compléter 3 500 cycles, ce qui représente un budget de 25 millions $. Avec l'ajout de ressources, on prévoit en compléter 7 000 en 2014, pour un budget de 63 millions $.
À part OVO, les autres cliniques privées où se pratique la FIV sont Procréa, à Montréal et Québec, et le Centre de fertilité de Montréal. Dans le réseau public, la technique est pratiquée au Centre de reproduction McGill (CUSM). Tous fonctionnent à pleine capacité. Selon le docteur Bissonnette, la situation est la même dans chacune d'elles. « La problématique, elle est générale », a-t-il dit. Pour expliquer les ratés du programme, il blâme le ministre Bolduc pour la précipitation avec laquelle il a annoncé la gratuité du service. « C'est sûr que cela aurait pu être fait de façon beaucoup plus posée et réfléchie, si dès le départ on ne nous avait pas exclus, et si on avait participé à l'élaboration de ce programme-là », selon lui.