Tout a commencé en mai 2003 quand mon copain m’a amenée en weekend à Marineland, à Toronto pour me demander en mariage. Une fois la demande faite, nous avons décidé que la cérémonie attendrait puisque j’étais à l’université et mon amoureux y entrait bientôt. Le mariage attendrait donc notre diplôme!
Mais, en octobre 2003, nos plans ont changé en raison d’un test de grossesse positif. Cette grossesse n’était pas du tout planifiée, mais nous étions tous deux heureux. Nous avons terminé notre session universitaire en décidant de ne pas nous inscrire à la session d’hiver pour pouvoir… nous marier en mars, à temps pour accueillir bébé!
Suivi médical
Après quelques recherches, j’ai trouvé un médecin pour mon suivi de grossesse dans un hôpital près de l’Université pour faciliter le transport et la gestion des rendez-vous. C’était ma première grossesse et je n’y connaissais pas grand-chose en maternité et en bébé. Lors de mes rendez-vous, j’ai posé plusieurs questions à mon médecin et elle ne me répondait pas toujours gentiment, pour ne pas dire jamais. Selon elle, j’aurais dû tout connaître, tout savoir, comme si c’était ma dixième grossesse! Dans ce temps-là, on se sent bien petite devant un médecin qui nous juge!
Quand j’ai passé ma première échographie pour la clarté nucale, tout était beau. Ensuite, j’ai demandé à ma sœur de m’accompagner au rendez-vous suivant pour essayer d’avoir plus de réponses à mes questions… et aussi pour lui montrer comment le médecin agissait avec moi. Surprise! Mon médecin était tout à coup super gentille. Je pouvais maintenant poser toutes mes questions, sans problème, sans jugement, et elle me répondait calmement. Wow! J’étais bien surprise… mais surtout soulagée.
Quand le temps de la deuxième écographie est arrivé, ma mère m’accompagnait. La personne responsable de mon échographie ne me dit rien de spécial, tout semblait beau. Mais, à mon rendez-vous suivant, mon médecin m’a expliqué que bébé avait les pieds bots, que ce n’était pas grand-chose et que, selon les cas, lors de la naissance, on casse les chevilles du bébé, on lui met des plâtres et tout rentre dans l’ordre. Mon erreur, c’est d’avoir cru que cela pouvait être vrai.
Mais après ce rendez-vous, j’étais beaucoup plus attentive et à l’écoute de ma bedaine. J’ai demandé conseil à une amie pour savoir quand on commençait à sentir bébé bouger et ce qu’on sentait exactement. Elle m’a raconté qu’au début, c’est comme des bulles ou des gaz. Je ne ressentais rien de cela. Lors de mon rendez-vous, j’en ai parlé à mon médecin qui, une fois de plus, ne s’est pas montré sympathique du tout. Elle m’a dit que tout était normal et que je ne devais pas m’inquiéter, même si je ne sentais pas bébé bouger. J’ai reposé des questions au sujet des pieds bots, car cela m’inquiétait de plus en plus, mais encore une fois, elle a écarté mes inquiétudes en me disant de ne pas m’en faire.
Le mariage
Avec tout ça, le mariage arrivait à grands pas. La journée du 13 mars s’est déroulée sans problème, nous étions heureux et le dimanche, nous nous sommes envolés vers Cuba pour notre lune de miel. À notre retour, le travail a repris son cours. La fin de semaine suivant notre retour, nous sommes allés à Toronto pour rendre visite à une cousine. En chemin, j’ai mentionné à mon chum (mon mari maintenant, mais je ne suis pas habituée de l’appeler comme ça!) que j’avais mal au ventre. Nous nous sommes arrêtés souvent et la douleur finissait toujours par passer.
La semaine suivante, au travail, un homme que je ne connaissais pas m’a demandé si je devais accoucher bientôt, car j’avais une très grosse bedaine. Quand je lui ai dit que je terminais seulement ma 27e semaine, il a eu l’air surpris, mais ne m’a pas fait de remarque supplémentaire.
La surprise
Depuis le début de la semaine, je ne dormais plus bien, car les crampes revenaient régulièrement. Le mercredi 7 avril 2004 dans la nuit, j’ai réveillé mon mari pour lui dire que je n’en pouvais plus et que je voulais aller à l’hôpital où j’étais suivie. Une fois sur place, nous avons été transférés directement à l’unité des naissances. Je n’étais pourtant pas prête pour l’accouchement puisque je n’étais qu’à 28 semaines. Ça ne se pouvait pas! Le médecin de garde est venu me dire que mes crampes étaient effectivement des contractions et que j’étais en travail. Ils devaient donc me transférer dans un hôpital spécialisé pour les accouchements prématurés.
J’étais toute perdue et mon mari aussi. Ça ne se pouvait pas. Nous n’étions pas prêts. Le bébé devait arriver en juillet, pas en avril! Je suis donc partie en ambulance, direction salle d’accouchement de l’hôpital Sainte-Justine de Montréal.
L’accouchement
Une fois sur place, on m’a donné un médicament pour arrêter les contractions et le travail. Cela a fonctionné, mais je devais rester alitée à l’hôpital. Le lendemain, après plusieurs échographies et des tests, des spécialistes sont venus nous parler des bébés prématurés et des conséquences de la prématurité sur un enfant. Ils nous ont aussi montré différentes photos de bébés prématurés nés à Sainte-Justine. Nous avons eu un peu de difficulté à « avaler la pilule », mais nous voulions notre petit bébé, en santé le plus possible.
La journée du jeudi s’est bien déroulée malgré le stress et la fatigue. Ma voisine de chambre attendait des jumeaux, mais elle savait qu’un seul survivrait à l’accouchement. Elle et son conjoint étaient très tristes. Puis, le vendredi, lorsque mon souper a été servi, les contractions ont repris. J’ai donc appelé l’infirmière qui a fait venir le médecin rapidement. Je suis alors entrée en salle d’accouchement.
Mon stress avait repris de plus belle. J’étais loin de l’accouchement simple et heureux que j’espérais. Il y avait beaucoup de monde dans la salle d’accouchement. J’ai poussé le plus possible, j’ai fait de mon mieux. Mon mari et ma mère m’aidaient. Ils avaient chaud. Je crois même qu’ils transpiraient plus que moi.
La naissance d’Anaïs
Et voilà qu’Anaïs est arrivée. Je n’ai pas pu la prendre. Le neurologue et autres spécialistes l’ont tout de suite emmenée sous une grosse lumière et ont essayé de regarder ce qu’il n’allait pas. Nous étions juste à côté sans savoir ce qui se passait. Nous avions une petite fille prématurée… pour nous, c’était juste cela. Mais pas pour les médecins.
Ils lui ont mis un petit chapeau rose et l’ont emmailloté dans une petite couverture. Ensuite, ils sont venus me dire que ma petite Anaïs n’avait pas survécu. Elle était décédée 2 minutes à peine après sa naissance.
Quel choc cela a été! Nous nous étions faits à l’idée d’avoir un petit bébé prématuré, mais pas de ne rien avoir du tout. Nous n’avions pas notre petite princesse. Nous n’aurions jamais notre bébé. Les médecins m’ont demandé si je désirais la prendre dans mes bras. En larmes, j’ai dit oui, car je ne pouvais pas ne jamais prendre mon bébé. C’était ma seule et unique occasion de tenir mon bébé dans mes bras, tout contre mon cœur. Par la suite, un prêtre nous a rendu visite pour bénir Anaïs.
Le vide
Je suis restée seule avec mon mari dans une chambre d’hôpital vide, à l’étage des naissances. J’entendais tous les nouveau-nés pleurer… tous, sauf la mienne.
Cette naissance précipitée et surtout cette mort subite n’a vraiment pas été facile à accepter puisque la mort n’était pas une option au départ. Nous n’avions eu aucun signe ni avertissement pour nous préparer à cette éventualité. Après 28 semaines d’attente, nous allions rentrer seuls à la maison, et nous ne comprenions rien.
Tenter de comprendre
Par la suite, les médecins ont effectué plusieurs recherches pour comprendre ce qui s’était passé. Une seule conclusion : le destin ou une erreur de la nature. Ce n’était pas en lien avec les chromosomes ni avec rien. Anaïs n’avait pas de muscle. C’est pour cette raison que je ne sentais pas ses petits coups dans mon ventre.
Mais, mon médecin m’a clairement expliqué que lors du résultat des pieds bots de l’échographie, mon médecin aurait dû pousser plus loin les recherches. Il nous a dit que dans la majorité des cas, les pieds bots ne viennent pas seuls et que plusieurs autres problèmes de santé sont reliés. En poussant les tests et examens plus loin, mon médecin aurait vu qu’Anaïs n’avait pas de muscle et qu’elle ne survivrait pas à l’accouchement. Et dans cette issue inévitable, mon médecin m’aurait fortement recommandé un avortement puisque mon bébé n’était pas viable.
J’ai rencontré mon médecin de suivi de grossesse après mon accouchement et ses seuls mots ont été : « Ça arrive tous les jours, je n’y peux rien. » J’étais hors de moi, mais sans la force nécessaire pour me battre. J’avais besoin de temps pour apprendre à vivre sans mon bébé, ma petite princesse qui ne rencontrerait jamais son petit prince.
Plus de 9 ans ont passé depuis la naissance d’Anaïs, et malgré les jours, les mois et même les années et les trois belles filles que nous avons eu depuis, il nous manque toujours quelque chose. Anaïs sera toujours présente dans nos vies et elle nous manque terriblement.
Anaïs, papa et maman t’aiment beaucoup.
Par Anne Desaulniers