La volonté du ministère fédéral de la Santé d’interdire que la citronnelle porte l’appellation « chasse- moustique » est injustifiée et inadéquate, indique le rapport du comité d’experts mandaté par l’organisme fédéral pour évaluer la question. Si les recommandations du comité sont suivies, la citronnelle retrouvera donc sous peu tous ses droits, a appris Le Devoir en consultant le rapport en question, obtenu grâce à la Loi d’accès à l’information.
Le document a été déposé à Santé Canada en mars 2006 et fait encore aujourd’hui l’objet d’une étude approfondie par les scientifiques de l’organisme. La décision finale concernant la citronnelle sera divulguée « à la fin du printemps », indique-t-on. Le ministère avait surpris bien des gens — et probablement aussi quelques mouches — en annonçant en août 2004 que la citronnelle perdrait sous peu le droit de s’afficher comme chasse-moustique.
Non parce que le produit était inefficace, mais parce que Santé Canada se disait incapable de garantir que son usage était inoffensif pour la santé des utilisateurs. Aucune étude n’indiquait une quelconque dangerosité, mais il n’y en avait pas non plus pour prouver son innocuité. Or, dans le doute, l’organisme a préféré jouer de prudence et retirer l’homologation des insectifuges à base d’huile de citronnelle.
Le tollé soulevé par cette décision avait toutefois forcé le ministère et son Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) à mettre le projet en veilleuse. En août 2005, on a donc annoncé que la décision allait être soumise à un deuxième comité d’analyse, formé de cinq experts indépendants. Ce sont les recommandations de ce comité qui ont été présentées à Santé Canada il y a plus de 13 mois.
Et ces conclusions sont claires : la citronnelle n’est pas dangereuse, et rien ne permettait légitimement à l’ARLA d’en douter, lit-on dans le document. Les experts y rappellent que la citronnelle est utilisée depuis fort longtemps comme chasse-moustique et qu’il n’existe à ce jour aucune preuve qu’elle puisse être néfaste pour l’homme.
Le rapport écorche poliment la méthodologie utilisée par l’ARLA. « Les données utilisées pour mener l’évaluation des risques étaient limitées, et le comité émet de sérieuses réserves à propos de la pertinence » de ces études, lit-on.
Plus particulièrement, les cinq scientifiques soulignent que l’ARLA a fait fausse route en s’appuyant sur une étude réalisée sur des rats — pour calculer ce que la peau absorbe du produit — et en supposant que les résultats obtenus étaient aussi valables pour les êtres humains. « La peau de l’humain est 10 fois moins perméable que celle des rats », indiquent les auteurs. Ce faisant, ils évaluent que le calcul d’absorption de la citronnelle par la peau a été « significativement surestimé » et se révèle « non réaliste », ce qui modifie l’ensemble des évaluations faites pour mesurer la toxicité du produit naturel.
En 2004, le ministère fédéral de la Santé avait évoqué sa crainte que les insectifuges à base de citronnelle comprennent une certaine dose de méthyleugénol, un agent potentiellement cancérigène. Sur ce point, le comité d’experts répond qu’il faut s’assurer que le méthyleugénol reste à des concentrations très faibles, si jamais il y en a. Mais, pour bien évaluer les risques liés à l’utilisation de la citronnelle, les experts précisent qu’il faudrait obtenir plusieurs données additionnelles concernant la composition du produit. Autrement, rien ne justifie aujourd’hui son retrait des tablettes.