Garderies

Le Bébé et l'eau du bain : entrevue avec Nathalie Collard

Nathalie Collard est éditorialiste au quotidien La Presse depuis 2005. Auparavant, elle a collaboré à plusieurs magazines dont Elle Québec, Châtelaine, Info Presse, Commerce ainsi qu’à l’hebdomadaire Voir. Elle s’intéresse aux questions de société qui touchent la famille, en particulier la vie des femmes. Elle est l’auteure, avec Pascale Navarro, de Interdit aux femmes, un essai portant sur la pornographie, le féminisme et la liberté d’expression. Elle est mère de deux fillettes.

Beaucoup de parents se sentent interpellés et même culpabilisés par le message du livre…

Ce n’est surtout pas un livre pour faire sentir qui que ce soit coupable. Quand les gens vont le lire, ils vont se rendre compte que c’est une réflexion sur l’espèce de vie de fou qu’on mène, nous les parents de jeunes enfants, sur la dure conciliation travail-famille et la place que les enfants occupent dans notre vie et dans la société en général. Personne n’a à se sentir coupable, mais plutôt à se sentir responsable, à réfléchir sur nos priorités. Et là je ne parle pas juste des parents, mais aussi des gouvernements, des employeurs qui souvent exercent des pressions sur les femmes pour qu’elles reviennent au travail plus tôt que l'année à laquelle elles ont droit. C’est vraiment un livre qui, je l’espère, interpelle tout le monde et pas juste les mamans!

Les pères, par exemple, réfléchissent de plus en plus à cette question-là, se posent beaucoup de questions et revoient leurs priorités. Je suis entourée d'hommes qui prennent des congés de paternité et je ne parle pas de 3 jours ou d’une semaine, mais d’un, deux ou trois mois quand ils le peuvent, pour rester avec l’enfant une fois que le congé de maternité est terminé. Le nouveau régime québécois d’assurance parentale prévoit 5 semaines pour les pères : tant mieux! On peut juste souhaiter que ça s’étire encore un peu!

Les femmes se sentent souvent tiraillées entre le bébé, le travail, le statut social, la reconnaissance des pairs…

Je dirais que la génération des 35-45 ans vit une crise et des questionnements autour de la conciliation travail-famille. Pas que les autres n’y pensent pas, mais entre 35 et 45 ans, ils sont vraiment dedans jusqu’au cou. Et ces femmes sont d’une génération à qui on a dit que tout était possible! On a été élevée et on a fréquenté les mêmes écoles que les garçons, on est allée à l'université, tout nous était ouvert autant dans les métiers que les professions… On ne nous a jamais dit qu’un jour on pourrait être à la maison. Même moi, ça ne m’est jamais passé par la tête! Pour la génération précédente, c’était un projet d’avenir, pour nous ce n’était même pas une option, on allait travailler. Mais dans tout ça, on a oublié de nous dire qu’on voudrait peut-être un jour avoir des enfants et une famille, et que cette famille-là, on aurait le goût de la vivre, pas juste faire un enfant, le placer à la garderie et retourner travailler en courant! Cette réflexion-là, les pères se la font aussi de plus en plus. On se rend souvent compte au bout du mois que le meilleur de nous-mêmes, ce n’est pas à nos enfants qu’on le donne, c’est au travail, à quoi on ajoute le Costco la fin de semaine, la course au lavage et le reste, et à la fin de la journée, quand on a la langue à terre, ça, c’est le temps qu’on est supposé passer et donner à nos enfants. Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui se sentent frustrés de ça, un peu vide et qui se disent « est-ce qu’il est possible d’avoir un bon travail, mais aussi avoir du temps de qualité avec ma famille et que ce ne soit pas toujours à la course? »

Est-ce qu’il ne faut pas s’être un peu brulé les ailes pour faire cette réflexion?

C’est sûr que si on n’a pas d’enfants, on peut avoir une réflexion comme celle-là, mais elle va moins nous toucher et nous prendre aux tripes que si on l’a vécue, c’est certain. Les gens qui ont dans la vingtaine aujourd’hui et qui songent à avoir une famille nous regardent aller nous qui avons des enfants et se disent : ils ont donc l'air fatigués!

Économiquement, comment peut-on défendre le retrait du travail pendant 18 mois?

C’est sûr qu’il y a des employeurs qui exercent des pressions… J’ai parlé cette semaine à une dame qui est obligée de retourner travailler après 2 semaines! Ce n’est pas à elle de se sentir coupable, c’est à son patron qui lui a fait des menaces sous-jacentes de « si tu ne reviens pas, ta job, tu ne l'auras plus »! Ce n’est pas aux mères de se culpabiliser, c’est aux employeurs de se sentir cheap! C’est odieux des situations comme celles-là. Ensuite, dans un couple, quand un des deux arrête de travailler c’est sûr que ça veut dire des sacrifices financiers. Il faut en parler.

Pensez-vous que le livre peut faire une différence?

Je pense que jusqu’à maintenant, le livre a touché une corde sensible… On a été inondé de courriels. Les gens se sentent touchés. Oui, certains parlent de culpabilité, mais tout de suite après, ils racontent comment ils vivent cette situation, ils réfléchissent à la question. Comme je le disais à Tout le monde en parle l’autre soir, comment ça se fait que si notre employeur nous demande de rester 30 minutes de plus au travail, on va se démener comme des fous, on va trouver une gardienne, on va mettre la machine en marche pour nous dépanner, mais si notre enfant le matin nous disait « maman, lis-moi donc une histoire avant qu’on parte », on lui répond qu’on ne peut pas, qu’il faut se dépêcher, qu’on va être en retard! Ce n’est pas tant ces 5 minutes autant que le manque d’ouverture dans notre tête pour dire, « ben oui, c’est correct, je vais arriver un peu plus tard, je serai un peu plus pressé, mais ce n’est pas grave. »

Puisque, par la force des choses, on passe moins de temps avec nos enfants, est-ce que le sentiment de culpabilité est incontournable?

Les pères d’aujourd’hui se comparent à leur père et ils gagnent haut la main! Leur père n’était pas là, il ne savait même pas changer une couche pour la plupart, alors eux le simple fait de savoir où jeter la couche et comment la plier avant de la jeter les fait passer pour des héros! Un homme qui se promène avec une poussette sur la rue, on dit encore de lui « Oh! Que c’est beau! »

Alors que nous les femmes, notre modèle, c’est nos mères. Et nos mères pour la plupart ne travaillaient pas et la plupart faisaient des biscuits et des gâteaux… Si par rapport aux enfants, on se compare à elles, c’est sûr qu’on est perdante! On est la première génération à essayer de faire les deux : travailler et assumer les tâches de nos mères, avec le résultat que ça donne. Les bons jours, pour m’encourager, je me dis : on est des pionnières! Mais il faut aussi apprendre de nos erreurs et de nos succès. Il faut continuer de réfléchir à ce qu’on est. Il y a un déséquilibre, c’est certain! Le livre ne ferait pas autant de bruit, s’il ne touchait pas une corde sensible… Tout le monde au fond de lui, au fond d’elle se dit « ça n’a pas d’allure la vie qu’on mène! » C’est vrai qu’il y en a qui ont trouvé l’équilibre, mais la plupart ont l’impression de courir après leur queue.

Comment peut-on faire pour que ça change ailleurs que dans notre cellule familiale?

En en parlant! Je crois encore au pouvoir du citoyen. On s’est découvert des droits en tant que consommateur, on revendique le droit à des aliments sans gras trans et sans O.M.G., on revendique pour les forêts et le mont Orford, pourquoi on ne se découvrirait pas en tant que parent? On a un pouvoir, on vote, on paie des impôts, alors pourquoi on ne revendique pas des choses en tant que parent? Ce n’est pas quétaine de dire qu’on veut des choses pour nos enfants, qu’on veut le meilleur. On n’obtiendra sans doute pas un système parfait, mais on peut l’améliorer!

Le Bébé et l’eau du bain : Comment la garderie change la vie de vos enfants, Dr Jean-François Chicoine et Nathalie Collard, Québec Amérique, 2006, ISBN : 2-7644-0479-4, 27,95$

(SC, mars 2006)


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