Santé

La lumière au bout de l'hiver

Si vous souffrez du blues de l’hiver et que vous ne pouvez prendre de médicaments à cause des effets nocifs sur le fœtus ou le nouveau-né, il existe une solution éclairante : la luminothérapie!

Vous vous sentez fatiguée, vous n’avez plus d’appétit, vous êtes plus irritable et vous voulez seulement hiberner pour tout l’hiver? Malheureusement, vous n’êtes pas la seule! En fait, 3 % de la population va souffrir d’un type de dépression qui survient de façon récurrente à l’automne ou à l’hiver et qui se résorbe naturellement au printemps : la dépression saisonnière hivernale ou trouble affectif saisonnier (TAS). À un niveau moins sévère, 20 % de la population va ressentir les mêmes symptômes indésirables sans être trop incommodée par ceux-ci.

Si vous êtes enceinte ou venez d’accoucher, il est possible également de souffrir de ce syndrome saisonnier. Par contre, la prise d’antidépresseurs est nocive pour le fœtus et pour le nouveau-né qui s’alimente au lait maternel. Ne vous découragez pas puisqu’il existe une solution qui pourrait certainement illuminer votre hiver : la luminothérapie!

Un phénomène connu depuis longtemps

Bien que depuis des décennies, voire des siècles, on soit conscient que la lumière a un impact sur nos humeurs, c’est seulement au début des années 80 que la luminothérapie est devenue un champ d’études scientifiques. En effet, grâce à la première étude clinique portant sur le TAS et la luminothérapie du Dr Norman Rosenthal1, des centaines d’études ont vu le jour prouvant l’efficacité de la luminothérapie pour traiter ce syndrome saisonnier. 

En plus d’être le traitement de choix pour traiter le TAS, d’autres études ont également pu montrer les bienfaits de la luminothérapie sur d’autres problématiques, dont la dépression post-partum2, le syndrome prémenstruel3, les troubles du sommeil4, l’adaptation chez les travailleurs de nuit5 et le décalage horaire6.

En effet, la luminothérapie semble avoir un effet sur certaines substances chimiques du cerveau, appelées « neurotransmetteurs », ce qui entraîne une augmentation de l’énergie et de l’humeur et une diminution de l’appétit et du besoin de sommeil. Le mécanisme biologique de la luminothérapie n’est cependant pas encore bien connu des scientifiques.

Mode d’emploi – où s’en procurer

L’utilisation de ce traitement est relativement simple. Concrètement, il s’agit de s’exposer le matin (idéalement à la même heure) à une source contrôlée de lumière artificielle pour 20 à 30 minutes.

La lampe doit diffuser une intensité lumineuse de 10 000 lux. En comparaison, un bureau bien éclairé peut diffuser 300 lux, une journée nuageuse est d’environ 2 000 lux, alors qu’une magnifique journée ensoleillée l’été est d’environ 100 000 lux (voir Figure 1). Le standard cliniquement recommandé et reconnu est une exposition lumineuse à 10 000 lux, au niveau des yeux, à une distance d’environ 50 cm et d’une durée de 30 minutes 7,8.

Figure 1. Échelle d’intensité lumineuse en lux

En plus de la forte intensité lumineuse, les lampes de luminothérapie possèdent un spectre lumineux spécifique et sont munies d’un filtre ultraviolet (UV), donc pas de danger de bronzer sous la lampe! Il faut également savoir que l’effet thérapeutique de la lumière passe par les yeux et non la peau, il est donc essentiel de garder les yeux ouverts lors du traitement, ce qui est différent des lumières utilisées dans les salons de bronzage. Bien que ce ne soit pas nécessaire, il n’y a aucun danger à fixer les tubes fluorescents de votre lampe de luminothérapie. Je vous conseille cependant de faire une activité plus stimulante durant votre traitement soit lire, déjeuner, regarder la télévision, prendre ses courriels ou tout simplement vous reposer tant que vous êtes placée à une distance d’environ 50 cm de l’appareil. N’oubliez pas, il faut cependant que le visage soit baigné par la lumière et que vos yeux restent ouverts. Après 1 à 2 semaines d’utilisation régulière, vous pourrez observer une augmentation de l’énergie et du bien-être comme chez 80 % des utilisateurs9

Les effets secondaires

Les résultats ne démontrent pas de changements oculaires après un traitement à court, moyen ou long terme avec la luminothérapie10.

Les effets secondaires de la luminothérapie sont rares et plutôt faibles, surtout comparativement à l’administration d’antidépresseurs, mais certaines personnes peuvent ressentir des maux de tête, de l’insomnie, de la sécheresse oculaire, de l’agitation et parfois des nausées11-13. Si c’est votre cas, il faut diminuer la durée du traitement et l’augmenter graduellement, jusqu’aux 30 minutes recommandées.

Au niveau des contre-indications à l’utilisation de la luminothérapie, les spécialistes s’entendent pour éviter ce traitement chez les gens souffrant de rétinite pigmentaire, de glaucome, de cataracte ainsi que d’autres maladies pouvant affecter la rétine (par exemple, le diabète)14,15. Aussi, les gens prenant des médicaments aux effets photosensibles, dont le lithium16, ne peuvent utiliser ce traitement par la lumière. Finalement, les personnes âgées ayant des risques de dégénération maculaire sont exclues du groupe de personnes pouvant bénéficier de la luminothérapie.

Où me procurer une lampe? 

La plupart des pharmacies, les grands magasins de luminaires et de matériels orthopédiques vendent des lampes de luminothérapie. Il est important de choisir une lampe selon certains critères :

  • Elle doit diffuser 10 000 lux d’intensité lumineuse;
  • Elle doit posséder un filtre UV (qui est en fait une membrane de plastique rigide);
  • Elle doit avoir un large champ lumineux afin de continuer à être efficace si vous bougez sous la lampe (méfiez-vous des lampes portatives qui tiennent dans la main);

La lumière blanche est à recommander puisqu’elle est sans danger, contrairement à la lumière bleutée (attention aux  lampes de luminothérapie qui utilise la technologie des diodes électro-luminescentes car certaines études ont montré qu’elles pourraient être nuisibles pour la rétine15,17-19).

Il faut compter environ 200 $ pour une lampe de luminothérapie sécuritaire. Cependant, depuis quelques années, certaines compagnies d’assurances assument certains frais lorsque vous avez la prescription d’un médecin. À long terme, il s’avère que ce traitement est moins coûteux que des antidépresseurs.

Et la marmaille?

Il a été démontré que les enfants et les adolescents peuvent également souffrir de TAS. Ainsi, la luminothérapie peut leur être bénéfique20. De même, à l’adolescence, les rythmes internes de veille et de sommeil sont décalés. Comme vous l’avez sûrement remarqué, le lever du corps demande de gros efforts et ils préfèrent vivre comme des oiseaux de nuit. Une explication de ce décalage serait la production plus tardive de la mélatonine, un neurotransmetteur sécrété le soir par une partie de notre cerveau, l’hypophyse. C’est la mélatonine qui nous amène des signes d’endormissement après le bulletin de nouvelles du soir par exemple. Il a été démontré qu’une exposition à une lumière intense supprimait la sécrétion de la mélatonine 21. Ainsi, pour régulariser la sécrétion de la mélatonine, la luminothérapie peut être utilisée et aide à améliorer la qualité du sommeil et à diminuer l’irritabilité chez nos « ados ».

Il existe également un nouvel appareil, le simulateur d’aube, qui reproduit le lever du soleil dans notre chambre à coucher. En effet, cet appareil est un réveille-matin muni d’une lampe qui s’éclaire graduellement 30 minutes précédant l’heure à laquelle vous voulez vous réveiller. De cette façon, le réveil se fait de façon naturelle et en douceur. Les résultats sont encourageants pour le moment et montrent que chez certaines personnes la qualité du sommeil serait améliorée22. Chez les enfants et les adolescents, cet appareil semble efficace pour les lever du lit si c’est un problème. Pour les gens atteints de TAS, son efficacité est possible, mais les études sont beaucoup moins nombreuses que dans le traitement de première ligne : la luminothérapie.

Autres stratégies

Puisque la luminothérapie n’est pas efficace chez tous les utilisateurs et qu’elle peut être limitée dans son efficacité chez certains, il existe d’autres types de traitements alternatifs qui peuvent traiter votre syndrome saisonnier.

Ainsi, si malgré la luminothérapie vous sentez que vos symptômes de fatigue demeurent et que votre détresse est toujours présente, il ne faut pas hésiter à consulter d’abord votre médecin. Il est également possible de consulter un psychologue pour vous aider à surmonter cette épreuve. Sachez qu’il existe plusieurs approches, ou écoles de pensée, en psychologie. L’approche que je privilégie est l’approche cognitivo-comportementale qui axe le traitement sur le changement des pensées et de comportements inappropriés. C’est une technique concrète qui a montré son efficacité pour traiter l’anxiété et les troubles de l’humeur, entre autres23,24. Donc, pas de danger d’être en thérapie durant 10 ans!

Vous pouvez consulter l’Ordre des Psychologues du Québec qui vous renseignera sur les différentes approches et les psychologues dans votre région.

L’activité physique est également une autre stratégie à essayer puisqu’il a été démontré qu’elle pouvait diminuer les symptômes dépressifs et anxieux25. Profitez des belles journées hivernales pour pratiquer un sport qui pourrait vous plaire seule, en famille ou avec des amis; vous vous sentirez énergisée.

Finalement, la médication, bien qu’elle soit en dernier recours dans le cas du TAS, peut être justifiée pour une période. Dernièrement, la Food and Drug Administration des États-Unis mentionnait que le Bupropion (Wellbutrin) était l’antidépresseur privilégié pour traiter les symptômes du TAS26. Informez-vous auprès de votre médecin.

Ainsi, la luminothérapie est un traitement naturel ayant démontré son efficacité depuis plus de 20 ans pour traiter le TAS. Alors, pourquoi ne pas illuminer votre hiver?

Lectures inspirantes

  • Du soleil plein la tête : Démystifier le trouble affectif saisonnier et ses traitements. Marie-Pier Lavoie en collaboration avec Gérard Pons. Éditions Quebecor. 2009
  • Soif de lumière. La luminothérapie : une solution à la dépression saisonnière. Dr Norman E. Rosenthal & Gérard Pons. Éditions Jouvence. 2006
  • Information sur le TAS et ses traitements
  • Ordre des Psychologues du Québec : pour en savoir plus sur les différentes approches et pour repérer un psychologue près de chez-vous
Références
  1. Rosenthal, N., D. Sack, et al. (1984). Seasonal affective disorder : a description of the syndrome and preliminary findings with light therapy. Arch Gen Psychiatry 41: 72-80.
  2. Epperson, C., M. Terman, et al. (2004). Randomized clinical trial of bright light therapy for antepartum depression : preliminary findings. J Clin Psychiatry 65: 421-425.
  3. Lam, R., D. Carter, et al. (1999). A controlled study of light therapy in women with late luteal phase dysphoric disorder. Psychiatry Res 86: 185-192.
  4. Chesson, A. J., M. Littner, et al. (1999). Practice parameters for the use of light therapy in the treatment of sleep disorders. Standards of Practice Committee, American Academy of Sleep Medicine. Sleep 22: 641-660.
  5. Eastman, C. and S. Martin (1999). How to use light and dark to produce circadian adaptation to night shift work. Ann Med 31: 87-98.
  6. Cole, R., J. Smith, et al. (2002). Bright-light mask treatment of delayed sleep phase syndrome. J Biol Rhythms 17: 89-101.
  7. Magnusson, A. and H. Kritsbjarnarson (1991). Treatment of seasonal affective disorder with high-intensity light : a phototherapy study with an Icelandic group of patients. J Affect Disord 21: 141-147.
  8. Terman, M., J. Terman, et al. (1990). Experimental design and measures of success in the treatment of winter depression by bright light. Psychopharm. Bull. 26: 505-510.
  9. Lam, R., M. Terman, et al. (1997). Light therapy for depressive disorders: indications and efficacy. Mod Probl Pharmacopsychiatry 25: 215-234.
  10. Gorman, C., P. Wyse, et al. (1993). Ophthalmological profile of 71 SAD patients: a significant correlation between myopia and SAD (Abstract). SLTBR 5:8.
  11. Terman, M. and J. Terman (1999). Bright light therapy : side effects and benefits accross the symptom spectrum. J Clin Psychiatry 60: 799-808.
  12. Labbate, L., B. Lafer, et al. (1994). Side effects induced by bright light treatment for seasonal affective disorder. J Clin Psychiatry 55: 189-191.
  13. Kogan, A. and P. Guilford (1998). Side effects of short-therm 10,000-lux light therapy. Am J Psychiatry 155: 293-294.
  14. Lam, R., E. Tam, et al. (1999). Light treatment. Canadian consensus guidelines for the treatment of seasonal affective disorder. R. Lam, Clinical & Academic Publishing.
  15. Terman, M., C. Remé, et al. (1990). Bright light therapy for winter depression: potential ocular effects and theoretical implications. Photochem Photobiol 51: 781-792.
  16. Seggie, J. (1988). Lithium and the retina. Prog Neuropsychopharmacol Biol Psychiatry 12: 241-253.
  17. Remé, C., F. Hafezi, et al. (1996). Light damage to retina and pigement epithelium. The retinal pigment epithelium : Current aspects of function and disease. T. Wolfensberger and M. Marmor. New York, Oxford University Press.
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  20. Rosenthal, N. (1995). Syndrome triad in children and adolescents. Am J Psychiatry 152: 1402.
  21. Lewy, A., R. Sack, et al. (1987). Antidepressant and circadian phase-shifting effects of light. Science 235: 352-354.
  22. Leppamaki, S., Y. Meesters, et al. (2003). Effect of simulated dawn on quality of sleep--a community-based trial. BMC Psychiatry 3: 14.
  23. Feldman, G. (2007). Cognitive and behavioral therapies for depression : overview, new directions, and practical recommandations for dissemination. Psych Clin N Am 30: 39-50.
  24. Norton, P. and E. Price (2007). A meta-analytic review of adult cognitive-behavioral treatment outcome across the anxiety disorders. J Nerv Ment Dis 195: 521-531.
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  26. Food and drug Administration (2006). First drug for seasonal depression. FDA consum. 40: 7.
Marie-Pier Lavoie
Psychologue

Dre Marie-Pier Lavoie est psychologue et fondatrice de l’entreprise Du soleil plein la tête qui sensibilise le grand public et les professionnels de la santé sur le trouble affectif saisonnier et ses traitements. Titulaire d’une maîtrise en psychologie, ce sont ses recherches doctorales en Médecine Expérimentale (Sciences Psychiatriques) à l’Université Laval qui l’ont inspirée pour le démarrage de son entreprise. Ainsi, en plus de la pratique privée qui occupe la majorité de son temps, elle promeut les traitements disponibles pour le trouble affectif saisonnier auprès des médias et en présente les fondements scientifiques. De plus, elle est invitée régulièrement à titre de conférencière auprès de divers organismes voulant sensibiliser leurs membres à ce syndrome saisonnier. Elle a récemment publié un livre sur le sujet aux éditions Quebecor afin d’atteindre son objectif d’informer le plus de gens possible sur ce syndrome saisonnier et ses traitements. Pour la rejoindre, visitez son site Du Soleil plein la tête.


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