Dans son plus récent ouvrage TDAH? Pour en finir avec le dopage des enfants, Jean-Claude St-Onge, professeur de philosophie à la retraite et docteur en socioéconomique, s’inquiète du fait qu’au Québec, au cours de la dernière décennie, les prescriptions de psychostimulants (comme le Ritalin) ont été multipliées par quatre. Effectivement, depuis dix ans, on assiste à une véritable explosion de diagnostics. « C’est un problème qu’on note dans nos inspections professionnelles : les médecins sont parfois mal outillés ou ne sont pas tout à fait à jour sur ce trouble de santé là », a confié Leslie Labranche au quotidien La Presse. Porte-parole du Conseil des médecins, elle nuance tout de même son propos en ajoutant que le « problème de surdiagnostic de TDAH » n’est toutefois pas généralisé ou relevé « de manière très fréquente […] Mais c’est quand même un sujet qu’on suit. On sait que le problème existe. »
Sujet délicat
D’un côté, il y a ceux qui affirment que le TDAH (Trouble déficitaire de l’attention et hyperactivité) est une fausse maladie : une invention récente qui profite particulièrement aux géants de la pharmacologie. Alors que pour la majorité des pédopsychiatres, le TDAH est bel et bien réel, et parfois, la médication est la seule solution. Mais pourquoi le TDAH soulève-t-il autant les passions? Pourquoi ce diagnostic de plus en plus fréquent est-il à ce point controversé?
D’une part, comme le souligne J.-Claude St-Onge dans son livre très bien documenté, les critères pour identifier le TDAH manquent de scientificité. De plus, il n’existe toujours pas de preuve que ces symptômes, si répandus dans notre société, soient effectivement le résultat d’un déséquilibre chimique du cerveau et, donc, une maladie héréditaire, une condition dont on ne se débarrasse jamais. De plus, si le TDAH devrait, dans le meilleur des mondes, être diagnostiqué par un spécialiste, comme un pédopsychiatre, il l’est souvent par un médecin de famille, parfois mal outillé pour le faire.
Médicalisation des enfants
En outre, la médicalisation des enfants demeure un sujet très, très délicat. Psychologue et professeure à l’Université du Québec à Montréal, Marie-Claude Guay a déclaré : « J’ai vu des enfants et des adolescents qui se ramassaient dans des classes pour jeunes avec troubles du comportement, ou en échec scolaire, et voilà que lorsqu’on introduit la médication, l’enfant réussit à l’école et les problèmes de comportement diminuent. On entend toujours parler du surdiagnostic, mais l’envers de la médaille, le préjudice qu’on cause à un enfant qui a un problème neurologique et qu’on ne traite pas est aussi grand que de traiter un enfant qui n’en a pas besoin. » Ce à quoi répond J.-Claude St-Onge : « Oui, effectivement, à court terme [la médicalisation] fait une différence. C’est vrai qu’ils peuvent être plus attentifs, mais parmi les études indépendantes à long terme — j’en cite quatre dans le livre —, il n’y en a pas une qui montre que c’est efficace à long terme. [...] Après trois ans, les enfants qui n’étaient pas médicamentés ne se portaient pas plus mal que ceux qui continuaient à être médicamentés, au contraire : ils n’avaient pas de moins bonnes notes, ils n’avaient pas plus de problèmes de comportement. » C’est effectivement ce qu’a souligné l’étude MTA (Multimodal Treatment of ADHA), pour laquelle on a suivi 579 enfants de 7 à 9,9 ans pendant 8 ans : l’efficacité de la médication s’estompe après 14 mois, et elle est nulle après 3 ans.
Une question de ressources
D’une part, la prise de médicament ne devrait jamais être la première solution : en effet, comme tout médicament, les psychostimulants ont aussi des effets secondaires indésirables. De plus, il y a plusieurs recherches et études qui prouvent qu’il existe des alternatives aux médicaments.
Le Dr Martin Gignac confiait lui aussi à La Presse : « Est-ce qu’il doit toujours y avoir une prescription, ou est-ce qu’il doit y avoir aussi des approches non pharmacologiques mises en place? C’est une question de ressources. Qu’est-ce qu’on a à la disposition de ces enfants-là dans les écoles pour compenser certaines difficultés? C’est important d’avoir cette discussion-là. » Bien entendu, on sait que les écoles publiques, par les temps qui courent, n’ont guère plus de ressources de ce genre : la pilule deviendrait-elle alors, trop souvent, la seule option?
Dans une entrevue récente à l’émission Médium Large, Madame Claire Lamarche soulignait que, devant une telle polémique, il ne devait pas s’avérer facile d’être le parent d’un enfant qui doit prendre des psychostimulants. Confronté à tant d’opinions contradictoires, il semblerait donc que la meilleure chose à faire soit, toujours, de bien s’informer.
TDAH? Pour en finir avec le dopage des enfants, J.-Claude St-Onge, Écosociété, ISBN 9782897192105, 24 $