Les parents ont souvent l'impression que le bébé passe du jour au lendemain du babillage à la parole et que tout à coup son vocabulaire s'enrichit comme par magie. Il n'en est rien.
Si Bob McMurray, l'auteur de cette étude publiée le 3 août 2007 dans la revue Science, dit vrai, sa découverte ne sera pas sans conséquence pour des parents assaillis de gadgets technologiques censés stimuler l'apprentissage du langage. Car selon ce professeur de psychologie de l’université de l'Iowa, parler simplement à un enfant et lui lire des histoires est la clé de l'apprentissage. Son explication est plus simple que les hypothèses scientifiques jusque-là admises selon lesquelles des mécanismes cérébraux spécifiques doivent être enclenchés pour entraîner l'explosion du vocabulaire. Selon lui, ce qui étonne les parents n'est en réalité que l'expression du travail souterrain que font les bébés pour aboutir aux 60 000 mots qu'ils connaîtront une fois adultes. « Les enfants absorbent tout », explique-t-il. Un enfant devra entendre des centaines, voire des milliers de fois, un mot compliqué avant d'en comprendre la signification, ajoute-t-il. « Pourquoi ne pas commencer tôt? »
Quelquefois le premier mot, « maman » est prononcé avant le premier anniversaire. Un mois après environ, c'est « papa ». On pourrait croire qu'il a fallu un an à l'enfant pour apprendre « maman » et un mois seulement pour apprendre « papa ». En réalité, il a travaillé les deux mots en même temps, c'est l'apprentissage parallèle, comme le nomment les scientifiques. C'est vers l'âge de 14 mois en moyenne que des mots surgissent ici et là. Puis le rythme s'accélère, et quand ils peuvent dire quelque 50 mots, alors vient l'explosion du langage, aux alentours de 18 mois environ, souligne McMurray.
Comment ce jaillissement est-il possible? Il existe de nombreuses théories à ce sujet qui tournent autour de l'idée qu'un cerveau de bébé doit d'abord développer des outils spécifiques à l'apprentissage, comme la capacité à reconnaître que les objets portent un nom. Si les travaux de McMurray ne contredisent en rien ces théories, ils suggèrent néanmoins qu'« on rate peut-être le principal », selon le chercheur qui a mis au point un modèle informatique simulant la vitesse d'apprentissage de 10 000 mots. Il a découvert que tant que les bébés s'échinent à déchiffrer plusieurs mots à la fois - l'apprentissage parallèle - et qu'ils entendent des mots de plus en plus difficiles, l'émergence du langage est garantie.
Les scientifiques savent que les enfants procèdent par élimination. Par exemple, quand une mère demande à son enfant de lui passer une assiette et que l'enfant voit sur la table une fourchette, une cuiller et un objet rond, il en déduit, dès l'âge de deux ans, que cet objet rond n'est rien d'autre que l'assiette. Ce qui correspond bien au modèle de McMurray. Car selon lui, plus l'enfant acquiert de mots, plus il lui est facile de déduire la signification des nouveaux qu'il entend. McMurray a par ailleurs comparé les mots simples que les parents utilisent avec les bébés à un langage adulte plus sophistiqué. Il souligne que le bébé apprend plus vite quand il est exposé à des mots simples, mais que dans ce cas, son nouveau vocabulaire se ralentit, et ne peut se développer à nouveau que lorsqu'il est confronté à des mots plus difficiles.