« Il est souvent difficile d'identifier les bébés à risque parce que les mères ont souvent tendance à cacher qu'elles ont eu des problèmes d'alcool durant la grossesse », explique l'auteur de l'étude, le pédiatre Gideon Koren, de l'Université de Toronto, joint par téléphone à Vancouver. « Nous avons identifié une molécule dans le méconium, les premières selles du bébé, qui reflète très bien l'abus d'alcool durant la grossesse. »
Le Dr Koren a essayé son test sur 1000 bébés nés dans une région au nord de Toronto qui reflète bien la population canadienne. « Nous avons été renversés par les résultats, dit-il. Plus de 3 % des bébés avaient été exposés à des abus d'alcool durant la grossesse. Ce taux est de deux à 12 fois plus élevé qu'on ne croyait. Sur le questionnaire rempli par les mères dans notre test, seulement 0,5 % avaient admis avoir abusé de l'alcool durant leur grossesse. » Le syndrome d'alcoolisme fœtal est causé par des abus fréquents d'alcool durant la grossesse. Les enfants qui en souffrent ont des problèmes cognitifs et comportementaux graves, et 90 % d'entre eux n'arrivent pas à avoir une vie indépendante. « Quand on dit qu'ils sont incapables d'être indépendants, cela veut dire que beaucoup vont se retrouver en prison », précise le Dr Koren.
Un dépistage précoce a deux avantages, selon le pédiatre torontois, qui est le fondateur du Journal of Fetal Alcool Syndrome International et dirige le programme Motherisk au Sick Children Hospital. « Nous pouvons intervenir à la prochaine grossesse. Et nous pouvons intervenir rapidement, au plan cognitif et au plan social, auprès de la mère et de l'enfant. L'alcoolisme maternel est souvent lié à des problèmes de pauvreté, de négligence et de troubles psychiatriques. » Le syndrome d'alcoolisme fœtal n'est pas toujours lié aux problèmes de la mère, observe le Dr Koren. « La moitié des grossesses ne sont pas planifiées. Il se peut qu'une femme ait eu des soirées bien arrosées avant de se rendre compte qu'elle était enceinte. »
Entre 0 et 2 ans, le cerveau de l'enfant est très malléable, selon le Dr Koren. «Des études sur les rats exposés à l'alcool quand ils étaient des fœtus montrent qu'une intervention précoce diminue beaucoup les problèmes comportementaux. On a même vu que les rats ayant bénéficié d'une intervention avaient plus de connexions entre les neurones que les autres. »