Il n’est pas illégal de renier la paternité de l’homme avec qui vous avez conçu un enfant, sauf si vous êtes légalement mariés ou en union civile avec lui.
Le couple éclate? La nouvelle maman peut refuser de reconnaître la paternité du géniteur si l’enfant est né plus de 300 jours après le jugement de la séparation. Elle peut également l’omettre si l’enfant vient au monde avant ce délai de 300 jours, mais après son remariage.
Avant d’aller plus loin, précisons que la confirmation de l’identité de tout petit Québécois à sa naissance, se fonde sur ces bases : il faut d’abord établir le type de filiation qui lie l’enfant aux parents : ce peut être un lien par le sang, par la procréation assistée ou par adoption.
À la naissance de l’enfant, l’accoucheur remplit les cases d’un formulaire qui mentionne le lieu, la date et l'heure de la naissance de l'enfant et son sexe, de même que le nom et l'adresse du domicile de la mère. Ce sont les renseignements qu’on retrouvera ensuite sur le certificat de naissance et qui établissent l’identité légale de l’enfant.
La mère peut aussi ne pas inscrire le nom du père biologique s’ils ne sont pas mariés, si la relation est terminée et qu’en plus il n’était pas présent lors de l’accouchement.
La nouvelle maman n’est pas forcée de justifier sa décision, signale Me Marina Crivello, avocate et collaboratrice du cabinet de Me Yves Ménard, qui a accepté de décortiquer ce thème un peu complexe qu’est la reconnaissance – ou plutôt, la non-reconnaissance - de paternité. Le recours à ce droit est d’ailleurs assez fréquent, signale-t-elle.
La responsabilité financière
Par contre, si le père a quitté sa nouvelle famille et qu’il s’est ainsi désisté de ses responsabilités envers elle, mais que son nom se trouve sur le certificat de naissance, la mère peut réclamer une pension alimentaire si elle a des difficultés financières, par exemple parce qu’elle est bénéficiaire de l’aide sociale.
Le papa est disparu dans la nature et il est introuvable? La Justice tentera de le retrouver, mais il ne faut pas fonder trop d'espoirs là-dessus non plus.
La mère ne peut toutefois pas exiger le paiement rétroactif d’une pension si le père non déclaré refait surface un jour.
Remords de conscience et retour
L’homme qui souhaite établir ses droits et son titre, et assumer de son rôle de père après avoir été déclaré « père absent » ou « père inconnu » va devoir parcourir un chemin long et coûteux pour y parvenir, car il devra d’abord se soumettre à un test d’ADN (environ 400 $) pour prouver sa filiation avec l’enfant. Une fois le lien biologique établi, il devra déposer une demande de droit d’accès à l’enfant ou aux enfants à la Cour.
Ce droit est généralement accordé aux hommes dont l’ADN prouve le lien de sang avec l’enfant, souligne l’avocate. Toutefois, comme l’enfant ne connaît pas ce père dont il est issu, la maman pourra exiger que ses visites soient supervisées.
Me Crivello cite cet exemple : la mère accouche en présence du nouvel homme de sa vie et en l’absence de l’homme avec qui elle a conçu son bébé. Le nom de son nouvel amoureux est inscrit dans l’acte de naissance, là où il faut inscrire le nom du père de l’enfant. L’enfant l’appelle d’ailleurs papa.
Quelque temps plus tard, le père biologique dépose une requête pour contester la paternité de ce « père substitut » et reprendre ainsi ses droits de père. L’avocate rejette la demande, en invoquant l’esprit de la Loi qui place la stabilité avant les liens de sang lorsque vient le temps de déterminer avec quel père l’enfant pourra vivre. De plus, le nom du nouveau conjoint est inscrit sur le certificat de naissance : sa paternité est tout ce qu’il y a de plus légal.
En fait, la paternité confirmée par l’acte de naissance n’est pas coulée dans le béton à tout jamais, mentionne Me Crivello. Une maman peut déposer une requête en déchéance d’autorité parentale. L’avocate donne cet exemple. « La mère déclare le père biologique sur l’acte de naissance, et trois mois avant l’accouchement, il est incarcéré. S’il est libéré, disons cinq ans plus tard, et qu’il souhaite revoir son enfant, la mère pourra déposer cette requête, en utilisant comme argument le fait que le père a abandonné l’enfant ».
La déchéance d’autorité parentale constitue une mesure draconienne exceptionnelle, précise l’avocate. L’intérêt de l’enfant, bien sûr, mais également des motifs graves doivent justifier son recours, souligne-t-elle. Ces motifs sont : la négligence grave, l’abandon, le fait de ne pas assumer son devoir d’éducation, le fait de ne pas pourvoir aux besoins alimentaires de l’enfant et l’absence d’intérêt pour celui-ci.
La mère peut également y avoir recours si le père s’est envolé dans la nature, malgré le fait que l’acte de naissance contienne bien son nom.
Et l’enfant dans tout ça?
Les mamans qui ont exclu le père dès les premiers instants de la vie de leur enfant croient le protéger en ne mentionnant pas l’existence de ce papa biologique. Pourtant, signale Marie-Josée Mercier, psychologue, ce silence peut être malsain pour l’enfant. « Si on ne lui dit rien, il risque d’interpréter ce qui n’est pas révélé en faisant appel à son imaginaire ». La réalité camouflée est susceptible d’être déformée quand elle reviendra plus tard dans la vie de l’enfant ou de l’adolescent.
La filiation constitue une base importante du développement de l’identité de l’enfant, de même que de son sentiment d’appartenance. Il vaut donc mieux lui expliquer sa réalité, sans forcément dévoiler tous les détails. La maman peut par exemple mentionner qu’il a bien un père, mais que celui-ci ne se sentait pas prêt à s’occuper de lui après sa naissance. Évidemment, il est inutile de se lancer dans cette explication si l’enfant est âgé de moins de cinq ans, car il ne sera pas en mesure de comprendre. Dès la maternelle cependant, il posera probablement des questions au sujet de son père puisqu’il sera alors confronté à la réalité familiale de ses camarades de classe, différente de la sienne.