Le calendrier scolaire canadien porte l’héritage des contraintes imposées anciennement par le cycle agricole. Les élèves fréquentent l’école l'automne, l'hiver et au printemps, mais pas pendant l’été, saison des récoltes. Bien que notre société, autrefois rurale et agraire, soit maintenant principalement urbaine, ce calendrier scolaire demeure prédominant au pays.
Les vacances d’été prévues dans le calendrier actuel représentent une interruption du cycle d’apprentissage, pendant laquelle les élèves oublient une partie de ce qu’ils ont appris, obligeant les enseignants à consacrer un temps considérable à la révision à la rentrée. Les vacances d’été contribuent également à creuser l’écart sur le plan de la réussite entre les élèves provenant d’un milieu socioéconomique favorisé par rapport à leurs camarades moins avantagés1.
Les élèves perdent des acquis pendant les vacances d’été
Selon le résumé de 39 études (y compris trois études canadiennes) sur la perte des acquis pendant l’été, la différence dans les résultats aux tests normalisés que les élèves passent à l’automne et au printemps indique qu’en moyenne la perte des acquis pendant l’été correspond à au moins un mois d’enseignement. Ces travaux montrent également que le recul est plus marqué dans les matières liées aux mathématiques qu’en lecture ou en langues, ce qui s’explique probablement par le fait que nombre d’élèves continuent de lire pendant l’été, mais rares sont ceux qui mettent en pratique leurs compétences en mathématiques2.
On observe un recul plus marqué chez les élèves défavorisés
Tout au long du primaire, la perte d’acquis été après été contribue à creuser l’écart quant aux compétences en lecture entre les élèves de famille à revenu faible et moyen3,4. Tous les élèves, quel que soit leur milieu, perdent des acquis en mathématiques pendant l’été. Toutefois, en lecture, il semble que seuls les élèves de familles à revenu faible perdent du terrain. Par exemple, selon une étude, la comparaison des résultats en lecture au printemps et en automne révèle une légère amélioration chez les élèves de familles à revenu moyen, tandis que les élèves de familles à revenu faible présentent une régression considérable5.
Teach Baltimore Summer Academy Program
Le programme commence par une formation de trois semaines à l’intention des enseignants bénévoles, suivie d’un programme de sept semaines. Un déjeuner est servi aux élèves, après quoi ces derniers reçoivent des leçons de lecture et d’écriture. Dans l’après-midi, ils s’adonnent à des activités physiques et pratiques, notamment des projets d’arts et d’artisanat et des projets scientifiques. Une visite hebdomadaire dans un musée est également prévue.
Carnet du savoir : comment contrer la perte d’acquis pendant l’été?
Programmes estivaux de lecture
Les programmes estivaux de lecture constituent un moyen d’améliorer le rendement des élèves en lecture et de contribuer à réduire l’écart entre les élèves de milieux aisés et leurs camarades défavorisés. Une étude menée récemment sur les progrès réalisés au cours de trois étés par les élèves inscrits à la Teach Baltimore Summer Academy révèle des gains importants. Lorsqu’on les compare à leurs camarades n’ayant pas pris part à ce programme, les élèves qui y ont participé ont acquis du vocabulaire (l’équivalent d’une demi-année), se sont améliorés en compréhension écrite (amélioration correspondant à 40 % d’une année scolaire) et se sont améliorés de façon générale en lecture (amélioration correspondant à 41 % d’une année scolaire)6. Une autre étude récente portant sur le programme d’apprentissage d’été BELL montre d’importantes retombées sur les compétences en lecture des participants de même qu’une amélioration de la participation des parents dans l’expérience de lecture de leurs enfants7.
Il existe au Canada un certain nombre de programmes estivaux d’alphabétisation destinés à prévenir ou à atténuer la perte des acquis en lecture pendant l’été. Certains ciblent précisément les élèves défavorisés. Par exemple, en Ontario, l’initiative des colonies de vacances d’alphabétisation organise 35 camps d’alphabétisation d’été dans 29 collectivités des Premières nations du nord-ouest de l’Ontario. Pour le fondateur, l’ancien lieutenant-gouverneur de l’Ontario James Bartleman, ces colonies de vacances visent à ce que les enfants autochtones « [restent] en contact avec les livres et la littérature et également [à ce] qu’ils participent à des activités qui sont amusantes et qui les valorisent »8.
À Winnipeg, le camp d’été Digital Media Education va au-delà de la formation traditionnelle en littératie et offre aux enfants autochtones habitant en région urbaine une expérience pratique de manipulation d’outils numériques. La transmission de la culture et d’une vision du monde par l’intermédiaire de médias numériques est au cœur de la mission de ce programme. Pour compléter l’expérience, les participants créent un produit en ligne qui est ensuite affiché sur le Web.
D’autres programmes estivaux d’alphabétisation ciblent un segment plus étendu de la population. Par exemple, les clubs de lecture d’été TD représentent les programmes d’alphabétisation les plus étendus et les plus nombreux au Canada. Des 747 réseaux de bibliothèques répartis dans les 11 provinces et territoires, 575 ont participé à cette initiative pendant l’été 2007 où près de 250 000 enfants ont pu vivre l’expérience. Les parents, les gardiens et les enseignants affirment que les enfants ayant fait partie de l’un de ces clubs lisent plus et mieux qu’avant9.
Programme accéléré d’apprentissage pendant l’été Building Educated Leaders for Life (BELL)
Ce programme prévoit des activités de lecture et de mathématiques encadrées en petits groupes, du mentorat avec un adulte jouant un rôle de modèle; des sorties éducatives; la visite de conférenciers, des activités communautaires; un soutien aux parents destiné à accroître leur participation à l’éducation de leurs enfants; des évaluations et un suivi fréquents.
Au Canada, de nombreuses instances scolaires offrent des programmes estivaux d’apprentissage. Outre les cours de rattrapage obligatoires pendant l’été, ces programmes font en sorte que les jeunes sont en sécurité et sont actifs et qu’ils continuent d’apprendre pendant la saison chaude. Au centre-ville de Winnipeg, par exemple, le programme estival d’apprentissage enrichi Community Schools Investigators (CSI) est le résultat d’une entreprise conjointe menée par plusieurs organisations, à savoir le Conseil de planification sociale de Winnipeg, l’Université de Winnipeg, la division scolaire de Winnipeg et le Centre for Aboriginal Human Resource Development. Mis sur pied en juillet 2005, le programme avait pour but d’éviter que les élèves jugés à risque d’échec scolaire ne perdent des acquis; il s’agissait de leur fournir des occasions d’apprentissage tout au long de l’été. Ce programme met l’accent sur la participation des parents, fait appel à des éducateurs qui proviennent directement de quartiers défavorisés, visent à ce que les enfants s’amusent en apprenant et accordent une place importante aux activités culturelles10.
La Ottawa Catholic School Board offre aux élèves de 6e, 7e et 8e année un enseignement d’été axé sur la numératie et la littératie. Les cours, non crédités, durent une demi-journée et visent à améliorer les connaissances et les compétences des élèves en langues et en mathématiques. Il s’agit également d’apporter à ces élèves un soutien, de consolider leur confiance en eux et de renforcer les aptitudes dont ils auront besoin sur le plan des études et de l’organisation en 7e, 8e ou 9e année.
Les universités canadiennes contribuent également de façon importante à contrecarrer la perte des acquis pendant l’été puisqu’elles offrent des programmes d’apprentissage d’été couvrant d’autres matières que la lecture et les mathématiques. Par exemple, la faculté des sciences appliquées et de génie de l’Université de Toronto propose un programme de camp d’été sans but lucratif en sciences, technologies et génie destiné aux élèves de la 1re à la 12e année, comprenant des activités pédagogiques pratiques. L’Université de Waterloo offre plusieurs programmes d’enseignement d’été destinés aux élèves, y compris des camps de jour en arts, en musique et en danse de même qu’en informatique et en génie.
Calendriers scolaires modifiés
Certains commentateurs font valoir qu’un remaniement du calendrier scolaire permettrait de faire une utilisation plus efficace des installations scolaires, de mobiliser davantage d’élèves11 et de contrer la perte d’acquis pendant l’été. Aux États-Unis, deux millions d’élèves sont inscrits dans une école qui a adopté un calendrier scolaire modifié n’éliminant pas les vacances d’été, mais prévoyant des pauses plus brèves12. Des comptes rendus de recherches menées aux États-Unis permettent de croire qu’une telle restructuration du calendrier scolaire influe de façon très limitée, mais positive sur la plupart des élèves13 et que les effets sont plus importants chez les élèves provenant de milieux défavorisés14.
Les révisions quotidiennes, hebdomadaires et mensuelles aident les élèves à consolider leurs apprentissages et diminuent le risque de perte des acquis. Le fait de procéder à des révisions plus fréquentes pourrait freiner le recul observé chez les élèves pendant la saison estivale, tout particulièrement dans le cas des élèves vulnérables à l’échec scolaire. En effet, les pratiques d’enseignement systématique, qui accordent une place importante aux révisions et à l’enseignement par petites étapes, semblent particulièrement bénéfiques dans le cas de ces élèves15, 16, 17.
La perte des acquis pendant l’été préoccupe manifestement les éducateurs, les parents et les élèves canadiens, mais peu de travaux de recherche ont été menés sur le sujet au Canada. En raison de cette lacune, il est difficile de connaître la portée du problème et de cerner les initiatives canadiennes les plus fructueuses pour contrer les effets des vacances d’été.
La perte d’acquis pendant l’été, d’année en année, creuse le fossé qui existe déjà entre les élèves de familles à revenu faible et moyen en ce qui a trait à la réussite scolaire. Certaines pratiques d’enseignement efficaces et de solides programmes d’apprentissage d’été à l’échelle locale sont des avenues prometteuses pour s’attaquer à ce problème. Il pourrait également être bon que le milieu canadien de la recherche se penche de façon plus concertée sur la régression au chapitre de la réussite scolaire attribuable aux vacances d’été.
1 ERIC Digest. Summer Learning Loss: The Problem and Some Solutions, 2003.2 Cooper, Harris, Kelly Charlton, Scott Greathouse, James Lindsay et Barbara Nye. « The Effects of Summer Vacation on Achievement Test Scores: A Narrative and Meta-Analytic Review », Review of Educational Research, vol. 66, 1996, p. 227-268.
3 Alexander, Karl L., Doris Entwisle et Linda Olson. « Schools, Achievement, and Inequality: A Seasonal Perspective », Educational Evaluation and Policy Analysis, vol. 23, p. 171-191.
4 Chaplin, Duncan et Jennifer Capizzano. Impacts of a Summer Learning Program: A Random Assignment Study of Building Educated Leaders for Life (BELL), 2006.
5 Burkham, David T., Valerie Lee, Laura F. LoGerfo et Douglas D. Ready. « Social Class Differences in Summer Learning Between Kindergarten and First Grade: Model Specification and Estimation », Sociology of Education. vol. 77, 2004, p. 1-31
6 Borman, Geoffrey D. et Martiza N. Dowling. « Longitudinal Effects of a Multiyear Summer School: Evidence from the Teach Baltimore Randomized Field Trial », Educational Evaluation and Policy Analysis, vol. 28, 2006, p. 25-48.
7 Chaplin, Duncan et Jennifer Capizzano. Impacts of a Summer Learning Program: A Random Assignment Study of Building Educated Leaders for Life (BELL), 2006.
8 Bartleman, J.K. L'été de l'espoir, consulté le 22 mai 2008.
9 Centre de recherche Décima. Club de lecture d’été TD – Rapport sommaire des statistiques du programme pour Bibliothèque et Archives Canada, 2007.
10 Lutter, Shannon. « Preventing Summer Learning Loss »,Manitoba Association of School Superintendents Journal, 2005, p. 27-29.
11 Sharp, Caroline. The Learning Benefits of Restructuring the School Year: What is the Evidence?, National Foundation for Educational Research, 2000.
12 Davies, Brent et Trevor Kerry. « Improving Student Learning Through Calendar Change », School Leadership and Management, vol. 19, 1999, p. 359-371.
13 Ibid.14 Cooper, Harris, Kelly Charlton, April Melson et Jeffrey C. Valentine. « The Effects of Modified School Calendars on Student Achievement and on School and Community Attitudes », Review of Educational Research, vol. 73, 2003, p. 1-52.
15 Brohy, J. « Teacher Influences on Student Achievement », dans Smith, P.K. et A.D. Pellegrini (dir.), Educational Psychology, Londres, Routledge Falmer, 2001, p. 365-384.
16 Rosenshine, B. « Teaching functions in instructional programs », The Elementary School Journal, vol. 83, no 4, numéro spécial sur la recherche sur l’enseignement, 1983, p. 335-351.
17 Ehri, L.C. et S.R. Nunes. « Systematic phonics instruction helps students learn to read: Evidence from the national reading panel’s meta-analysis »,Review of Educational Research, vol. 71, no 3, 2001,p. 393-447.
Ce texte appartient au Conseil canadien sur l’apprentissage (CCA)