« Si on ne met pas en place des structures où les enfants ont un réel défi, où les grands peuvent monter très haut, ils vont le faire ailleurs, et à ce moment-là, ça sera dangereux. La pulsion motrice est très forte, alors mieux vaut leur permettre d’explorer », croit la directrice technique de l’Institut québécois de la Sécurité dans les Aires de Jeu (IQSAJ), Sylvie Melsbach.
En banlieue de Vancouver, l’aire de jeu Terra Nova admet le risque et le danger dans ses installations. Elle propose notamment une maison dans les arbres haute de 10 mètres et une longue glissade qui fait froid dans le dos. Le Japon est aussi un précurseur avec l’aire de jeu Hanegi. Là-bas, les enfants grimpent haut dans les airs, puis se laissent tomber sur une pile de matelas.
« Le besoin de suspension survient rapidement chez l’enfant. Il peut le faire en se déplaçant, en tournant ou en se balançant, et c’est nécessaire. Ce sont des mouvements qu’il peut surtout faire dans les modules », remarque l’experte en psychomotricité.
Tomber pour mieux se relever
Une mère racontait récemment que sa fille s’était cassé le bras dans les monkey bars. Ce module est fait d’échelles horizontales que les enfants doivent franchir pour arriver de l’autre bord. L’été suivant, plutôt que de s’en tenir loin, la petite y est retournée, sous l’œil vigilant de sa mère. « Elle a affronté ses peurs. Je ne voulais pas qu’elle reste sur une impression de crainte », raconte cette dernière.
Les normes de sécurité dans les aires de jeu ont été mises en place à la suite d’accidents. Le Guide des aires et appareils de jeu publié en mars 2016 par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) estime à 28 500 le nombre de blessures anuelles au Canada. De ce nombre, 70 % sont dues à des chutes, mais les blessures les plus graves découlent de coincements de tête.
« Les plus grands dangers actuels, c’est les objets extérieurs apportés par les enfants eux-mêmes. Par exemple, un enfant qui va garder son casque de vélo : son corps passe dans une ouverture, mais sa tête reste coincée », déplore Mme Melsbach. Il est impossible de parer à tous les risques et imprévus, quelles que soient les normes mises en place.
À chacun son rythme
Dans cette optique, la directrice technique recommande de se fier au jugement de l’enfant. « La période où lui se sent le plus apte à y aller, à suivre son instinct, c’est le meilleur moment. L’enfant va alors apprendre très rapidement », constate-t-elle. C’est la même chose pour un enfant qui apprend à marcher : certains le font plus rapidement que d’autres, sans pour autant qu’on les en empêche. Que l’enfant ait 3, 4 ou 5 ans a peu d’importance quant à sa capacité à attaquer un module.
C’est notamment ce qu’a remarqué Karine, éducatrice à la petite enfance. « Il y a des plus vieux qui ne feront jamais le poteau de pompier, parce que ça ne les attire pas. À l’inverse, j’ai vu des enfants très jeunes réussir. Ils se sentaient prêts, alors ils sont allés », se souvient-elle. Souvent, une tranche d’âge est indiquée sur le module, mais il s’agit plutôt d’une indication pour l’acheteur que d’une restriction.
Admirez-moi
« Le plus important, c’est de ne jamais mettre l’enfant directement dans le module », avertit la directrice technique de l’IQSAJ. Le danger serait alors de brûler des étapes et que l’enfant se retrouve dans une situation où il n’est pas à l’aise. Mieux vaut lui permettre d’y aller à son rythme. « Par contre, ce dont il a besoin, c’est du regard admiratif de l’adulte. Lorsque l’enfant s’apprête à faire quelque chose qu’il n’a jamais fait, son premier réflexe est de jeter un coup d’œil vers l’adulte », note Sylvie Melsbach.
L’encadrement est donc primordial, mais à distance, pour permettre à l’enfant de connaître ses propres limites. « Un danger : quelque chose que l’enfant ne voit pas; un défi : un risque que l’enfant perçoit et qu’il décide ou non d’affronter », d’après le Guide de l’INSPQ.
De nombreux bénéfices découlent du jeu libre. Trouver l’équilibre entre la sécurité et l’obstacle confrontant n’est pas un jeu d’enfant, mais il en vaut certainement la chandelle.
Écrit par Ericka Muzzo
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