Trouver un obstétricien pour pratiquer un accouchement en janvier pourrait être difficile. Mais trouver un obstétricien aujourd'hui même pour un suivi de grossesse l'est tout autant. Avec un petit baby-boom à Montréal, les médecins débordés refusent des patientes. Et quand finalement elles réussissent à obtenir un rendez-vous, il est parfois trop tard pour certains tests de dépistage de malformations.
À l'hôpital Sainte-Justine, par exemple, plus aucune future maman n'est acceptée pour un suivi de grossesse depuis trois semaines. Dans d'autres cliniques montréalaises, il est très difficile d'obtenir un rendez-vous avant d'avoir fait trois mois de grossesse."Ce ne sont pas des moyens de pression parce qu'on respecte la loi, précise Diane Francoeur, présidente de l'Association des obstétriciens et gynécologues du Québec et chef du département d'obstétrique à l'hôpital Sainte-Justine. Mais je regrette, des femmes enceintes assises dans le couloir, plus jamais."
Règle générale, les femmes enceintes rencontrent pour la première fois leur médecin vers la 10e semaine de grossesse, quand elles ne sont pas à risque. Certains tests de dépistage prénatals, comme pour déterminer les anomalies chromosomiques, doivent être effectuées avant la 14e semaine de grossesse. "Mais on voit des femmes très avancées dans leur grossesse", dit le Dr Francoeur. C'était le cas de Caroline, qui a accouché l'été dernier. "J'ai pris le premier que j'ai trouvé, même si ce n'était pas l'endroit où je préférais aller, dit la jeune maman qui préfère taire son nom de famille. Et j'ai eu mon premier rendez-vous à 16 semaines de grossesse!" "Ça fait 15 ans que je suis ici et je n'ai jamais vu une situation aussi pathétique que maintenant, dit le Dr Francoeur. Ce n'est pas normal d'avoir besoin de contacts pour un suivi de grossesse où on a envie d'aller."
La hausse des naissances combinée à un manque de gynécologues et obstétriciens dans la région montréalaise est les causes du débordement, dit le Dr Francoeur. "Le ministère envoie tout le monde dans les régions. Ce n'est pas nécessairement mauvais, sauf qu'ici, à Montréal, on a la langue à terre, on ne fournit plus." Hélène, elle, savait dès le début qu'elle aurait besoin d'un suivi particulier pour sa grossesse. "J'ai une grossesse à risque, dit la jeune femme diabétique. J'ai fait une fausse couche une première fois. Et présentement, je dois avoir une prescription d'insuline par le médecin qui va suivre ma grossesse."
La quête d'un obstétricien a été difficile. Un appel dans une clinique, un premier refus. Puis un autre. Et un autre. "Tous les hôpitaux où j'ai appelé ou me suis rendue ne pouvaient me donner un rendez-vous, même après 12 semaines."
À six semaines de grossesse, Hélène a finalement trouvé un médecin en insistant auprès de la secrétaire d'une clinique. "Elle m'a bien fait comprendre que j'étais celle en surplus", dit-elle.
Hélène a trouvé son obstétricien, mais celui-ci l'accouchera-t-il en 2007? Car pour pouvoir pratiquer, un obstétricien doit être couvert par des assurances. Celles-ci se chiffreront à 35 000 $ pour l'année 2007. Au cours des dernières années, les médecins payaient 4 900 $ par année et le ministère absorbait le reste. Mais il n'y a pas encore d'entente entre Québec et les médecins pour le paiement d'une partie de la prime d'assurance. Selon le Dr Francoeur, un obstétricien doit faire 100 accouchements par année pour absorber les coûts d'une prime d'assurance de 35 000 $. "Il y a 51 % des obstétriciens qui ne font pas 100 accouchements par année", dit-elle.
Le ministre de la Santé, Philippe Couillard, dit reconnaître la nécessité d'apporter des correctifs au revenu des spécialistes, mais répète que cela doit être réalisé en tenant compte de la capacité de payer des contribuables. Les négociations sont au point mort depuis que les conditions de travail des spécialistes ont été fixées par l'adoption d'une loi spéciale.
Source : Presse Canadienne, 15 novembre 2006