Au Québec, une femme peut choisir d'accoucher à l’hôpital, dans une maison de naissance ou dans sa propre maison. Même quand on choisit l’hôpital pour donner naissance, on peut être suivi par une sage-femme plutôt qu’un médecin, ce qui peut représenter un compromis pour celle qui souhaite l’approche sage-femme, tout en ayant besoin de l’équipement/surveillance d’un environnement hospitalier en raison du déroulement à risque de sa grossesse.
Cela étant dit, l’expression « peut choisir » est peut-être un peu exagérée quand on sait que la demande en sages-femmes et en maisons de naissance dépasse largement l’offre! C’est bien beau de vouloir, encore faut-il pouvoir!
C’est quoi une maison de naissance?
La maison de naissance est un lieu convivial et chaleureux où les familles peuvent avoir un suivi de grossesse avec une sage-femme et y accoucher bien sûr! Comme la philosophie sage-femme considère ce processus comme une continuité dans la vie de cette famille, cette spécialiste fait vraiment de l’accompagnement personnalisé (renseignements, support, démystification, encouragement, etc.), en plus d’offrir des soins de santé de qualité en raison de sa formation universitaire de 4 ans.
*chambre de la Maison de naissance Mimosa
C’est aussi un lieu où les familles peuvent se retrouver, obtenir de l’information sur la grossesse, l’accouchement, la vie avec bébé, des ressources périnatales comme le soutien à l’allaitement, au deuil, des cours prénataux, des groupes de discussions, des gens avec qui développer des relations et un environnement où on leur permet de vivre ces moments dans la normalité.
Peu importe le lieu, la sage-femme a avec elle tout le matériel médical qui pourrait s’avérer nécessaire lors de l’accouchement normal. Cela inclut aussi le matériel pour répondre à une situation d’urgence. La grande majorité de ces situations sont contrôlées par les interventions de la sage-femme sans nécessiter de transfert en centre hospitalier. Il s’agit alors surtout de transferts avant l’accouchement ou des transferts non urgents au moment du travail, car la santé de la mère et du bébé est stable, mais une intervention est jugée nécessaire.
Interventions que peuvent effectuer les sages-femmes :
- Installer une perfusion intraveineuse
- Donner des antibiotiques (IV)
- Donner de l’oxygène
- Effectuer une épisiotomie
- Appliquer une ventouse
- Effectuer des manœuvres pour dégager une dystocie des épaules
- Donner des médicaments afin de stopper les saignements maternels
- Effectuer la RCR de la mère
- Effectuer une RCR du nouveau-né, etc.
Interventions réservées aux médecins
- Appliquer des forceps
- Effectuer une césarienne
- Effectuer une transfusion sanguine.
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Les besoins
Il existe actuellement huit maisons de naissance à travers tout le Québec, alors que les besoins dépassent facilement la trentaine! Selon un sondage SOM réalisé en juillet 2005 pour le compte du gouvernement du Québec, environ 10 % des femmes souhaiteraient utiliser les services en maison de naissance, ce qui représente environ 8 000 accouchements par année, alors que les huit maisons actuelles en font à peine plus d’un millier! Uniquement dans la région de Montréal, sur quatre demandes de suivi, seulement une femme aura accès aux services de sages-femmes.
La solution évidente est donc d’ouvrir d'autres maisons de naissance, sur tout le territoire québécois, non? Oui, mais… il n’y a pas non plus assez de sages-femmes reconnues et diplômées au Québec non plus! « L’un ne va pas sans l’autre, » explique Cynthia Perreault, sage-femme. « Le ministère de la Santé et des Services sociaux ne donnera pas son accord pour inaugurer une maison de naissance s’il n’y a pas de sages-femmes accessibles à la population. Nous espérons que le MSSS va répondre aux besoins de la population en soutenant le développement de la profession. »
Plus de sages-femmes
Un premier pas dans cette direction sera fait dans quelques mois alors que le programme de l’Université du Québec à Trois-Rivières (le seul au Québec) prévoit accueillir 24 étudiantes plutôt que 16 à l’automne 2007. Mais comme c’est un programme de quatre années, ce sera quand même long avant de voir une réelle augmentation des membres de l’ordre des sages-femmes! L’ordre des sages-femmes du Québec dispose aussi de divers mécanismes afin de reconnaître des sages-femmes formées à l’extérieur du pays pour se joindre aux sages-femmes québécoises. Elle reçoit régulièrement des demandes de sages-femmes étrangères en ce sens, mais force est d'admettre que peu réussissent à franchir tous les critères d’admissibilité.
Projets de maisons de naissance
Une 9e maison de naissance ouvrira ses portes en août à Blainville pour desservir la clientèle des Laurentides. Un projet suit son cours dans Limoilou (aucune date d’ouverture encore), alors que celui du Plateau, à Montréal, est sur les tablettes pour une durée indéterminée. La Montérégie pourrait aussi être desservie avant longtemps par une maison de naissance grâce à l’acharnement d’un groupe, le Mouvement Maison de naissance Montérégie, qui fait signer des pétitions et qui multiplie les démarches pour faire reconnaître l’urgence d’agir.
L’espoir est d'autant plus grand que le ministre de la Santé et des Services sociaux, Philippe Couillard, a confirmé le 19 janvier 2007, dans le cadre d'une conférence de presse, qu'il voulait accroître l'offre de services des sages-femmes, mais sans donner plus de détails sur la réalisation de son souhait. Le quotidien Le Devoir avançait même le chiffre de 20 maisons en 10 ans.
Cynthia Perreault est confiante dans cette ouverture du gouvernement à agir, mais demeure quand même prudente. « Il faut leur rappeler leurs engagements et leur permettre de prendre conscience des avantages de ce mode de fonctionnement pour offrir des services de santé aux femmes enceintes. Le manque actuel de professionnels pour effectuer les suivis de grossesse et assister aux accouchements est un des problèmes auxquels fait face le ministère de la Santé. Le développement des services de sages-femmes et de maisons de naissance fait partie de la solution, et c’est beaucoup moins coûteux qu’un méga-hôpital, à plusieurs niveaux. »
Avantages financiers et plus!
L'Équipe d'évaluation des projets-pilotes sages-femmes lui donne d'ailleurs raison : cette équipe qui avait été mandatée par Québec pour vérifier la pertinence de leur « légalisation » a estimé en 1999 que les coûts d'une grossesse et d'un accouchement atteignaient 2 300 $ dans un groupe de 1 000 femmes suivies par des sages-femmes contre 3 000 $ dans un groupe équivalent de femmes suivies par des médecins. L'étude déterminait également que les frais de séjour dans une maison des naissances atteignent en moyenne 1 050 $, auxquels s'ajoutent 395 $ de frais d'hospitalisation contre 1 650 $ pour l'hospitalisation.
De plus, les projets pilotes menés avant la légalisation de la pratique sage-femme en 1999 ont montré que le nombre d'interventions obstétricales pendant la grossesse a effectivement été plus faible chez les clientes de sages-femmes que chez les clientes de médecins : pour les échographies, 81 % contre 98 %; pour les amniocentèses génétiques, 6 % contre 11 %; pour les hospitalisations, 3 % contre 10 %. Même constat pour les interventions médicales au moment de l'accouchement : ruptures artificielles des membranes, 33 % contre 58 %; péridurales, 11 % contre 49 %; épisiotomies, 7 % contre 37 %; césariennes, 6 % contre 13 %. Il faut toutefois mentionner que les femmes ayant participé aux projets pilotes étaient considérées comme à faible risque puisqu'elles ne devaient avoir aucun antécédent médical ou obstétrical.
Un article dans la revue Forum de l'Université de Montréal rapportait que les clientes des sages-femmes ont par ailleurs été 50 % moins nombreuses que les autres à accoucher prématurément ou à donner naissance à des bébés de moins de 2500 grammes.
À savoir
- Plus de 80 % des femmes peuvent être sous les soins d'une sage-femme durant la grossesse. Celles qui ont une grossesse à risque ou qui ont un problème de santé demandant une supervision médicale ne peuvent pas être suivies par une sage-femme.
- Leurs services sont gratuits, au même titre que ceux d'une infirmière ou d'un médecin. On s’adresse à son CLSC pour plus de détails.
- Les femmes suivies par des sages-femmes ont un taux d’allaitement de plus de 98 %.
Un merci particulier à Cynthia Perreault pour sa très grande collaboration dans l’élaboration de cet article.
SC, mars 2007