Le destin des femmes était tracé : mettre au monde des enfants, qu’elles le veuillent ou non. Aujourd’hui, avoir un enfant résulte d’une démarche supposément volontaire, consciente et planifiée, notamment grâce à la contraception.
Un désir légitime, profond, fort et complexe
Ce souhait de procréation conscient est partagé au sein d’un couple et s'intègre dans les idéaux de vie de nombreux êtres humains. Il est soumis à des influences culturelles, sociales, familiales et religieuses. L’envie de vivre une nouvelle expérience, de renforcer le lien amoureux, d’accéder au statut de parent, de transmettre ce que l’on a reçu ou pas reçu, d’aider un être humain à grandir et à s’épanouir, de perpétuer des traditions familiales et de transmettre son héritage génétique sont parmi les raisons de vouloir fonder une famille. N’oublions pas également que le désir d’enfant s’origine dans l’enfance et dans l’histoire personnelle de chaque individu. Une part de ce désir est inconsciente et énigmatique ; nous ne savons pas complètement ce qui nous pousse à vouloir devenir parent et nous pouvons être ambivalent à l’idée de le devenir. Considérons alors le désir d’enfant comme légitime, profond, fort et complexe.
L’infertilité réveille des questionnements existentiels
Lorsqu’un couple décide de débuter cette grande aventure du « devenir parent » et qu’au fil des mois, cet enfant tant attendu ne vient pas, ce besoin ne se comble pas, la déception, l’incompréhension et la peur de ne jamais être parent, de ne jamais vivre l’expérience de la grossesse sont au premier plan. L’infertilité réveille chez les couples des questionnements existentiels et identitaires : Qu’allons nous faire dans notre vie si nous ne sommes pas parents? Qui suis-je si je ne suis pas une mère? La maternité est souvent perçue comme un élément essentiel, un moyen d’accomplissement de l’identité des femmes. Nous pouvons alors comprendre l’état de crise que peut vivre un couple qui fait face à l’infertilité.
Entre souffrance et espoir
Venir en clinique de fertilité, c’est loin du projet initial, c’est loin de l’idée de concevoir un enfant dans l’intimité de chez-soi. La contraception donne très souvent l’illusion aux couples qu’ils auront un enfant quand ils le souhaiteront. Toutefois, se sentir prêt et arrêter sa contraception ne suffisent pas toujours pour devenir parent. Les couples arrivent généralement en clinique de fertilité plein d’espoir, mais aussi très affectés par cette impossibilité de concevoir. Ils laissent entrer progressivement dans leur intimité la médecine reproductive : rendez-vous, examens, attente de résultats etc. L’infertilité et les traitements de procréation assistée sont stressants pour les couples qui sont alors déstabilisés et blessés face aux échecs. Nous ne pouvons pas faire l’impasse sur la dimension psychologique ; l’infertilité et le recours à la procréation médicalement assistée sont une aventure physiologique et psychique aux conséquences à la fois souffrantes et heureuses.
L'accompagnement psychologique : nécessaire
Notre travail clinique auprès des couples qui vivent des difficultés à concevoir un enfant nous montre que cette expérience de vie conduit de nombreuses femmes et hommes à débuter un travail sur soi pour mieux comprendre ce qu’ils ressentent, ce qu’ils veulent ici et maintenant, mais aussi pour l’avenir. Certains revisitent leur histoire personnelle pour mieux comprendre comment ils vivent cette étape de leur vie et d’autres réfléchissent aux façons concrètes de mieux vivre l’infertilité dans leur quotidien. L’accompagnement psychologique, l’empathie et la bienveillance du personnel soignant ainsi qu’un entourage compréhensif et à l’écoute nous paraissent être des éléments clés pour mieux vivre l’infertilité et ses traitements.
Par Marie-Alexia Allard, Ph.D , Psychologue