Bref et pourtant inoubliable, le moment du premier sourire constitue la toute première pierre de la construction du sens de l’humour de votre enfant. Il apparaît généralement au cours des premiers mois de sa vie. Le plaisir des enfants est par la suite attisé par les stimuli qui sont à la hauteur de leur niveau de compréhension.
Devant une nouvelle stimulation, bébé sera d’abord impassible. Il esquissera ensuite des sourires, émettra quelques sons, puis lèvera les bras en l’air et se mettra à donner des coups de pied dans le vide pour exprimer son plaisir. Un moment que tous les parents recherchent avec enthousiasme, avouons-le!
Naturellement, l’enfant réagira selon son âge et son niveau de développement. Si la stimulation est trop simple ou trop complexe, il ne répondra pas nécessairement. Par exemple, les devinettes comiques qui font rire les enfants d’âge préscolaire les laisseront indifférents quand ils seront plus vieux, alors qu’une blague qui repose sur des jeux de mots ou qui contient des références « adultes » ne les rejoindra pas s’ils n’ont pas encore atteint ce stade de développement.
L’imprévisibilité et l’inattendu sont assurément des éléments gagnants! Des premiers coucous derrière les mains cachés pour faire réagir les bébés aux surprises plus élaborées pour les plus vieux, les enfants en raffolent!
C’est vers l’âge de quatre ans, au moment où ils ont acquis la capacité de distinguer réalité et imagination que les enfants sont en mesure de ne plus mettre dans le même panier les blagues et les mensonges.
L’humour verbal
Les bébés et les tout-petits réagissent d’abord à l’humour qui fait appel aux stimuli moteurs, c’est-à-dire aux gestes et aux actions physiques : c’est ce que le psychologue Bruno Fortin appelle l‘humour visuel. Le bambin rira, par exemple, en voyant une personne avec un nez de clown. Il tentera par la suite de faire rire lui aussi avec ce type d’humour. Puis, en grandissant, son sens de l’humour utilisera davantage le langage verbal et les jeux de mots.
L’humour verbal émerge vers l’âge de trois ans, alors que l’enfant est amusé lorsque l’on joue avec les mots simples, après quoi, vers l’âge de quatre ans, ce sont les rimes ridicules qui le feront réagir. Ce sont les sons produits par ces rimes (pensez aux comptines et aux ritournelles de votre enfance !) qui le font rire, plus que leur signification, à laquelle il répondra seulement un peu plus tard au cours de son développement.
Il faudra attendre autour de l’âge de six ans pour que votre petit clown commence à répéter des blagues d’adultes. Et à ce moment-là, attention! Les moments embarrassants peuvent se multiplier puisque l’enfant d’âge scolaire est exposé à un plus grand bassin de personnes… et d’humour!
Les recherches révèlent que les enfants du premier cycle du primaire tentent de faire rire avec des devinettes phonétiques ou qui font appel aux mots à double ou triple sens. Vers la fin du primaire, leurs devinettes et blagues seront plus raffinées et démontreront qu’ils comprennent mieux les subtilités de la langue.
Les grandes étapes
Plusieurs théories décortiquent les étapes du développement du sens de l’humour. En voici les grandes lignes.
La première étape qui se caractérise par l’aptitude d’attribuer un usage inhabituel aux objets apparaît généralement vers l’âge de deux ans. L’enfant pose par exemple un bol sur la tête de son père, en prétendant qu’il s’agit d’un chapeau.
Quand les mots remplacent peu à peu les gestes et que l’enfant peut inventer de petits jeux de mots, c’est le signe qu’il a atteint la deuxième étape; il maîtrise petit à petit les liens entre les mots.
À la troisième étape, l’enfant de quatre ou cinq ans peut placer les objets et les situations dans des catégories; il est maintenant en mesure de reconnaître une situation anormale ou inhabituelle (un homme tout habillé dans son bain par exemple). Il commence aussi, entre cinq et sept ans, à apprécier les blagues teintées d’exagération.
La quatrième étape du développement du sens de l’humour chez l’enfant (vers l’âge de sept ans) marque sa capacité de transformer une situation ou un objet en fonction de ses propres désirs. C’est alors qu’il commence à épater la galerie avec ses devinettes et ses jeux de mots. Ou à tout le moins, à essayer de le faire!
Votre enfant vous fera rire avec un humour de plus en plus subtil à partir de l’âge de 10 ans; les bouffonneries maladroites et de premier niveau feront place aux blagues un peu plus étoffées… C’est toutefois aussi à cet âge qu’il tentera, souvent malhabilement, de provoquer la rigolade avec des farces à contenu sexuel…!
Apprendre à rire et à faire rire
Ne vous cassez pas la tête dans le but de faire de votre enfant le bouffon de la classe ou le futur humoriste de l’heure. Selon Thomas Shultz, professeur de psychologie de l’Université McGill ayant effectué des recherches sur le sens de l’humour chez les enfants, pour faciliter le développement du sens de l’humour des enfants, « jouez et soyez heureux avec vos enfants et l’humour viendra naturellement… ».
L’apprentissage commence d’ailleurs très tôt : bébé sourit lorsque papa ou maman rit, se met en mode « mimiques comiques » ou le chatouille et un peu plus tard, il rira à son tour. Il va de soi que des parents qui s’esclaffent en voyant ou en entendant leur enfant faire le clown l’encouragent à recommencer l’expérience et favorisent le développement de son sens de l’humour.
Aucune recherche n’a par ailleurs démontré que le visionnement de films ou de séries télévisées humoristiques contribue à faire des enfants des personnes plus drôles. Les enfants d’humoristes professionnels ne seront pas forcément mieux outillés pour développer un grand sens de l’humour, ajoute Dr Shultz.
Les guili-guili, les chatouilles, les rimettes, les personnifications, et toutes les autres situations rigolotes possibles ne sont pas inutiles, bien au contraire… Riez en famille à toutes les occasions, chacun en retirera un grand bénéfice!