D’emblée, il faut se poser la question : mais qu’est-ce que le souvenir? Dans son ouvrage Tout sur la mémoire, le neurologue et auteur Bernard Croisile explique que le souvenir est l’une des formes de la mémoire. On peut donc distinguer plusieurs formes. Par exemple, la mémoire des gestes, nommée « procédurale », permet à l’enfant d’apprendre à marcher, à manger avec des ustensiles, à empiler des cubes… Il existe aussi la mémoire « sémantique », ou mémoire du travail : c’est grâce à elle que l’enfant se souvient de certains visages, où sont rangées les choses, la voix de quelqu’un…
Mémoire épisodique
Finalement, il existe aussi une mémoire dite « épisodique », grâce à laquelle nous nous souvenons de certains moments. Ceux-ci, qu’on appelle « souvenirs », sont datés, localisés et s’accompagnent d’émotions. Ainsi, l’enfant se souvient de certains moments dès sa naissance – et certains diront avant. Le problème, c’est que le souvenir a une durée de vie limitée, et plus l’enfant est jeune, plus il oubliera rapidement. Par exemple, si vous jouez avec bébé avec un jouet qui le fait beaucoup rire, toute la semaine, il regardera le jouet en se souvenant de ce moment si comique. Seulement, il finira aussi par l’oublier. Plus l’enfant grandit, plus il se souvient longtemps des choses. Un bébé de 3 mois se souviendra d’un jeu pendant 1 semaine, un bébé de 6 mois, pendant 3 semaines et ainsi de suite. Ce n’est que vers 2 ans ou 3 ans – et parfois plus tard – que l’enfant sera en mesure de se souvenir de certains événements pour le reste de sa vie!
Les souvenirs à 3 ans
Les plus anciens souvenirs sont surtout visuels : un peu comme une photographie! Ces souvenirs sont, comme ceux qui viendront plus tard, aussi teintés d’émotions, mais le tout demeure somme toute plus flou. À ce jour, on ignore encore pourquoi un enfant se souvient de telle ou telle chose, et non d’une autre. Ainsi, certaines expériences marquantes restent gravées à jamais dans notre mémoire, mais aussi des moments plus anodins.
Ce qu’on sait, en revanche, c’est que les souvenirs sont interreliés avec les émotions – comme dans l’excellent film de Pixar, Sens dessus-dessous : les expériences positives sont donc mieux retenues, la plupart du temps, que les expériences négatives. Ceci dit, les mauvais souvenirs sont eux aussi fondateurs! Ils nous forcent ainsi à apprendre de nos erreurs. Bref, on se souvient d’une expérience désagréable, mais on oublie la douleur qui l’accompagnait – ça vous fait penser à quelque chose?
Aider les enfants à développer leur mémoire
Le parent ne peut pas décider quels souvenirs conservera l’enfant : même si vous l’amenez passer une journée mémorable aux glissades d’eau, il se peut qu’il n’en conserve qu’une infime partie en mémoire, et peut-être que ce sera seulement la balade en voiture pour s’y rendre qu’il se souviendra toute sa vie! Ainsi, ce n’est pas parce que quelque chose est incroyable pour vous (comme un voyage en famille) qu’il sera automatiquement mémorisé par l’enfant. Bref, on ne peut pas décider de quoi l’enfant se souviendra.
Ce qu’on peut faire, en revanche, c’est de l’amener à raconter les choses : c’est une façon pour lui de vivre l’expérience une seconde fois et, dès lors, il a plus de chance de s’en souvenir. C’est ce qu’on appelle « l’ancrage des souvenirs ». Plus son langage sera développé, plus il réussira à raconter ses souvenirs clairement, mieux il se le rappellera.
D’ailleurs, si le parent lui raconte aussi des choses, en décrivant les événements qu’ils ont vécus ensemble, et en regardant des photos, l’enfant a plus de chances de s’en souvenir.
Lié au langage
Oui : le souvenir est lié au langage. Si ce n’est pas le seul intervenant mis en cause, le fait de parler et de comprendre les mots aide aussi à se souvenir. C’est d’ailleurs pour cette raison que les premiers souvenirs durables se développent passé l’âge de 2 ans. En étant capable de verbaliser ce qu’il a vécu, l’enfant arrive à mieux se souvenir.
En outre, les mots qu’on prononce en compagnie de l’enfant modifient les réseaux des neurones, et les événements vécus ont dès lors plus de signification. Bref, on se souvient davantage de ce que l’on est en mesure de comprendre. En d’autres mots, le langage permet de modeler les souvenirs. Certains d’entre eux dureront toute sa vie. D’autres seront un peu altérés. Alors que plusieurs souvenirs seront tout simplement écrasés par d’autres informations et, dès lors, oubliés.
Pour en savoir plus sur le développement cognitif, consultez cette vidéo :