Quels sont les programmes les plus efficaces pour améliorer les habiletés parentales?
Tous s’entendent pour dire que les parents sont importants pour le développement et le bien-être de leur progéniture. Pourtant, selon les données de l’Enquête nationale longitudinale sur les enfants et les jeunes, seulement un tiers des parents canadiens adoptent des pratiques parentales optimales. « La plupart des compétences qu’acquièrent les enfants dépendent fondamentalement de leurs interactions avec les adultes qui en prennent soin et de leur environnement social », déclarent Matthew R. Sanders et Alina Morawska de l’Université de Queensland, en Australie. À leur avis, parmi les facteurs de risque impliqués dans le développement des problèmes affectifs et comportementaux chez les enfants, la qualité des conduites parentales est « le plus important des facteurs pouvant potentiellement être modifiés. »
Les interactions parent-enfant ont des incidences sur diverses facettes du développement, dont l’estime de soi, la réussite scolaire, le développement cognitif et le comportement. La recherche montre que la stimulation du langage et le matériel d’apprentissage à la maison sont fortement liés au vocabulaire de l’enfant, à son niveau de préparation à l’entrée à l’école, et à sa réussite dans les premières années scolaires. En revanche, les stratégies disciplinaires et les pratiques éducatives des parents sont plus fortement associées au développement dans les sphères sociale et affective comme le comportement, le contrôle des impulsions et l’attention.
Mais qu’est-ce qui fait que les parents agissent comme ils le font? Parmi les facteurs déterminants, on retrouve les connaissances des parents sur le développement de l'enfant, leurs croyances et attentes personnelles, leurs propres expériences et l’environnement socio-économique. Jay Belsky, de l’Institute for the Study of Children, Families and Social Issues de l’Université de Londres, à Birkbeck, au Royaume-Uni, souligne l’existence de nombreux déterminants des pratiques parentales, dont « les caractéristiques des enfants, l’histoire développementale des parents, leurs propres caractéristiques psychologiques et le contexte social élargi dans lequel évoluent les parents et la relation parent-enfant. »
« Les parents observent leurs enfants à travers un filtre de pensées et d’attitudes conscientes et inconscientes, et ce filtre influence à la fois leur façon de percevoir les actions de leurs enfants et leur propre comportement envers eux », explique Joan E. Grusec, de l’Université de Toronto. Daniel S. Shaw, de l’Université de Pittsburgh, note que l’âge et le bien-être des parents, la présence de comportements antisociaux antérieurs, le support social provenant de la famille ou de l’extérieur et la qualité du quartier (particulièrement dans des communautés défavorisées) peuvent influencer le fonctionnement de l’enfant.
Cause et effet
De nombreuses recherches sur le comportement et les pratiques éducatives des parents indiquent qu’une attitude parentale chaleureuse combinée à un niveau de contrôle raisonnable produit des résultats positifs chez l’enfant. Plusieurs études font un lien entre les conduites parentales sensibles et réceptives et l’expression d’émotions positives chez les enfants, alors que les enfants qui sont plus négatifs, irritables ou agressifs ont été soumis à « des conduites parentales moins favorables, voire problématiques », selon Belsky. Les chercheurs ont étroitement associé le recours à une discipline incohérente, rigide, explosive ou irritable ainsi que le peu de supervision et d’engagement au développement de problèmes de conduite chez l'enfant.
Les connaissances parentales jouent aussi un rôle clé. Les parents qui connaissent les normes et les étapes développementales et qui savent comment s’occuper des enfants jouissent d’une compréhension globale qui leur permet de s’adapter ou d’anticiper les changements développementaux de leur enfant. De plus, les connaissances des parents peuvent influencer leurs croyances et leurs attentes qui, à leur tour, auront un impact sur l’enfant. Des croyances parentales erronées ou une surestimation de la performance de l’enfant peuvent en effet nuire à la performance de l’enfant. « Parmi les enfants de mères adolescentes, ceux qui présentaient les meilleures capacités d’adaptation étaient ceux dont les mères avaient des attentes plus positives, réalistes et matures concernant l’éducation des enfants, les enfants et la relation parent-enfant », déclarent Sanders et Morawska.
Soutien des parents
Étant donné l’importance des habiletés parentales sur le développement de l'enfant, et le fait que ces habiletés ne sont pas nécessairement innées, de nombreux programmes destinés à améliorer les pratiques parentales ont été implantés. Certains visent toutes les familles alors que d’autres ciblent des groupes particuliers comme les mères monoparentales et les familles à faibles revenus ou dont les enfants ont des problèmes de développement.
« Dans ces programmes de soutien aux parents, les formes d’intervention varient, mais l’objectif demeure le même : améliorer la vie des enfants. La stratégie est également identique : avoir un impact sur les enfants en modifiant les attitudes, les connaissances et les comportements des parents », explique Barbara Dillon Goodson, d’Abt Associates Inc., aux États-Unis. Pour rencontrer cet objectif, les programmes incitent les parents à modifier leurs comportements grâce à diverses formes de soutien : la mise en contact des familles avec les services disponibles, l’éducation sur le développement de l'enfant et sur les habiletés parentales, et le soutien social offert par les intervenants et d’autres parents.
« Pour les intervenants canadiens en santé et services sociaux, l’enjeu consiste à favoriser des pratiques parentales optimales, mais de façon proactive et rentable », déclare Jane Drummond, de la faculté des soins infirmiers de l’Université d’Alberta. Or, les obstacles ne manquent pas : fragmentation des services, étroitesse des mandats, écarts des pouvoirs créés par l’expertise des intervenants et difficultés d’accès selon le lieu, l’horaire ou la langue dans lesquels se déroule l’intervention. « Comme les problèmes auxquels sont confrontées les familles vulnérables résultent d’un ensemble de conditions sociales, économiques et politiques qui dépasse le cadre d’un seul secteur, les gouvernements et les services communautaires doivent collaborer pour coordonner les programmes », affirme-t-elle.
Programmes efficaces
Malgré le peu d’études dans lesquelles on a divisé aléatoirement un grand nombre de participants entre groupe contrôle et groupe expérimental permettant de mesurer adéquatement les effets des programmes de soutien parental sur le développement des enfants, les chercheurs ont pu identifier les caractéristiques des programmes qui se sont avérés efficaces.
Carol M. Trivette et Carl J. Dunst de l’Institut Orelena Hawks Puckett, aux États-Unis, préconisent une démarche centrée sur la famille : « La recherche démontre que lorsque les programmes communautaires de soutien parental offrent des conseils et des choix variés selon une approche centrée sur la famille, la confiance et les compétences parentales s’améliorent et les parents sont plus susceptibles d’interagir avec leurs enfants de manière à promouvoir leur développement social et affectif. » D’autres recherches montrent que les programmes qui comportent à la fois des interventions auprès des parents et des services éducatifs auprès des jeunes enfants ont des effets supérieurs à la moyenne des programmes, pour les parents et les enfants.
Cibler des besoins particuliers
La professeure Goodson a aussi découvert que les programmes les plus efficaces sont ceux qui ciblent des enfants pour lesquels les parents ont identifié un besoin spécifique, qui ont recours à des professionnels plutôt qu’à des paraprofessionnels et qui permettent aux parents de se rencontrer et de se soutenir mutuellement. De la même façon, Daniel S. Shaw, de l’Université de Pittsburgh, a constaté que les programmes efficaces ciblent des types de comportement infantile particuliers (par exemple, des déficiences développementales ou des problèmes de conduite) ou encore des transitions développementales spécifiques. Ces programmes abordent plusieurs facteurs liés aux pratiques parentales, comme la cohérence des soins au préscolaire ou à la garderie et le bien-être maternel. Ils consacrent aussi de nombreux efforts à la formation initiale du personnel et au maintien de la qualité de l’intervention.
Pour les enfants qui présentent des problèmes de conduites, Robert J. McMahon de l’Université de Washington prône les programmes de « formation parentale » dans lesquels les parents rencontrent un thérapeute qui leur apprend à utiliser des procédures particulières pour modifier le comportement de l’enfant à la maison. En réponse aux sceptiques qui s’interrogent sur les coûts de ces interventions, il précise : « L’analyse coût-efficacité de plusieurs stratégies d’intervention indique que l’entraînement parental réussit d’une façon plus rentable à prévenir la criminalité que les visites à domicile jointes aux services à la petite enfance ou que la supervision des délinquants. »
Puisqu’il n’est jamais facile d’être parent, des programmes efficaces de soutien sont donc essentiels. Quand les parents connaissent le développement de l'enfant et ont accès à du soutien par des professionnels et par les pairs, ils améliorent leurs compétences parentales. Comme les interactions parent-enfant ont un effet durable sur le développement social, affectif, comportemental et cognitif des jeunes, une amélioration des pratiques parentales ne peut que contribuer à leur santé et à leur bonheur.
par Eve Krakow
Informations
Les articles des auteurs cités sont disponibles dans : Tremblay RE, Barr RG, Peters RDeV, eds. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants – Parents - Habiletés. Montréal, Québec : Centre d’excellence sur le développement des jeunes enfants. Disponible sur le site.
Krakow E. L’importance des conduites parentales. Bulletin du Centre d'excellence pour le développement des jeunes enfants 2007;6(1)2-3. Disponible sur le site du CEDJE ou en version PDF. Page consultée le : 17 mars 2008.