Famille

L’hyperparentalité peut-elle être toxique?

En avril 2019, le Centre universitaire de santé McGill publiait un communiqué de presse qui faisait état d’une augmentation du nombre d’enfants et d’adolescents vus à l’urgence pour des tentatives de suicide ou des idées suicidaires.

Selon les chiffres avancés par cette enquête – basée sur un échantillon de 300 salles d’urgence et effectuée entre 2007 et 2015 – « le pourcentage d’enfants présentant un comportement suicidaire a augmenté de 60% […] et 43% des patients pédiatriques […] avaient entre cinq et 11 ans » (Burstein, Agostino, Greenfield (2019), Web page).

Bien que dans la littérature de nombreux spécialistes trouvent consensus et qualifient les hyperparents de toxiques, il faut absolument déterminer si ce type de parentalité peut s’inscrire comme un réel facteur de risque du suicide chez les enfants de 11 ans et moins.

Devenir parent implique des risques

Lorsque l’enfant vient au monde, les géniteurs ne sont pas automatiquement parents, au sens sociologique du terme. Il s’agit d’un rôle qui s’apprend, s’acquiert avec le temps et qui peut être endossé par n’importe quel adulte qui partage le quotidien de l’enfant – on pense par exemple aux beaux-pères et belles-mères des familles reconstituées.

« L'usage du terme parentalité renvoie donc, dans l'approche psychologique ou dans l'approche sociologique, à un discours du risque. Dans la lecture psychologique, le parent peut devenir inapproprié par des difficultés personnelles. Dans l'approche sociologique, le parent peut être un facteur de risque pour l'enfant en raison de sa situation sociale » (Sellenet, 2007, p.15).

Que ce soit en vertu des pressions sociales ou des exigences imposées par le milieu au sein duquel évolue le parent narcissique (celui qui considère son enfant comme une extension de sa personne), la volonté d’atteindre un certain idéal parental peut mener à des dérives comme l’hyperparentalité.

L’omniprésence présence parentale conditionnée par une tangente sociale

À force de considérer le parent comme un partenaire dans l’éducation scolaire des enfants, leur présence prédominante dans toutes les sphères de leur vie risque « d’éclipser l’enfant comme tel, dans ses spécificités opposables tant à la collectivité publique qu’à ses propres parents » (Sellenet, 2007, p. 174). Par le biais d’échanges symétriques bidirectionnels avec le personnel des institutions, les parents sont aujourd’hui à même de s’interposer dans toutes les décisions. « Les parents ont des attentes éducatives très élevées et ne contrôlent point à point les pratiques et conceptions psychopédagogiques » (Sellenet, 2007, p.174).

Dans la société moderne, il faut le rappeler, l’enfant est devenu un facteur de risque social, car « par son comportement vient le risque de sanction au nom d’une parentalité défaillante ». Afin de ne pas subir l’opprobre des autres, les parents adoptent un type de parentalité dit excessif.

Acquérir des compétences plus rapidement que la maturité

Cette quête d’excellence pousse les parents à surinvestir leurs enfants, notamment en sur stimulant très tôt le langage et l’apprentissage de la lecture, ce qui favorise une dangereuse précocité. « Cette apparente maturité est renforcée par la facilité de langage des enfants […] et favorise les idées angoissantes (Sotto, Alain, 2018). Ce décalage, entre les compétences langagières des enfants et leur capacité à bien intégrer certains concepts, fait souvent oublier aux adultes que les jeunes ne sont pas leurs égaux. « Les petits ont plus d’informations dans la tête, mais ce sont des géants aux pieds d’argile. Il ne faut pas négliger leur développement affectif et émotionnel. Il faut que tout soit en phase » (Sotto, Alain, 2018).

Parent anxieux, enfant surprotégé

Au fil des décennies, plusieurs études ont été conduites afin de comprendre « l’impact de la relation parent-enfant sur l’émergence de l’anxiété et de la dépression chez les jeunes enfants » (Hudson, 2013, p.1). L’un des principaux construits à être étudié est la tendance à la surprotection des parents.

L’implication excessive des parents dans la vie de l’enfant, dans un désir de surprotection, imite les opportunités de ce dernier à faire face à de nouvelles situations. Conséquemment, il « […] sera moins en mesure de s’habituer aux menaces perçues dans ces situations, d’apprendre à identifier les vraies menaces en contexte de nouveauté et de réaliser qu’il est capable de gérer des situations difficiles » (Hudson, 2013, p.1).

Le paradoxe de la surprotection

À force de prêcher par excès de prudence, les dangers qui guettent les adolescents sont d’un autre ordre. D’une manière intrinsèque, le jeune a besoin de prendre des risques et de tester ses limites pour « se séparer de ses origines sans pour autant rompre avec elles et s’éprouver comme sujet existant » (Kernier, 2009, p.200). Lorsque la crainte de se laisser engloutir par l’objet maternel aliénant est trop grande, et que les adolescents subissent une « oppression mortifère de l’objet, l’auto-attaque peut s’avérer l’ultime tentative, paradoxale, pour s’en libérer » (Kernier, 2009, p.193).

Dans les situations d’hyperparentalité « le risque suicidaire peut, dès lors, constituer l’ultime issue pour se dégager de l’emprise de l’objet et s’engager dans le passage adolescent. À trop vouloir supprimer les risques, dans une application excessive d’un principe de précaution analogue à celui qui émerge depuis quelques années dans les domaines politique et juridique, nous nous heurtons à des prises de risque bien plus dévastatrices de la part des adolescents » (Kernier, 2009, p.196).

La crainte et la privation d’activité physique

« Les préoccupations parentales à l’égard de la sécurité dans le jeu affectent aussi d’une manière négative la pratique de l’activité physique chez les enfants et s’exercent généralement par l’évitement des activités à l’extérieur ou nécessitant une surveillance accrue » (Suen, Cerin et Wu, 2015, Web page). L’entrave des jeux considérés comme dangereux se répercute non seulement sur la confiance en soi des enfants, mais peut également rejaillir sur leur santé mentale.

En effet, « L’activité physique joue un rôle dans la prévention de certains troubles mentaux courants […] et a été identifiée comme un facteur protecteur contre la dépression et le suicide » (INSPQ, 2015).  De ce fait, bien qu’elle ne puisse être qualifiée de facteur déterminant, l’entrave à l’activité physique peut être considérée comme un facteur aggravant qui exacerbe les pensées et les actes morbides infantiles.

En conclusion

À la lumière des informations colligées dans un corpus d’articles scientifiques, il est probablement juste de dire que l’hyperparentalité peut engendrer des comportements autodestructeurs chez les adolescents et les jeunes enfants. Cependant, elle n’en demeure pas moins un épiphénomène et d’autres déterminants doivent entrer en ligne de compte, comme le manque d’activité physique, la santé mentale, les conditions sociales et les apprentissages précoces.

 « Jusqu’à présent, les recherches dans ce domaine ont été menées presque exclusivement auprès de mères. Les connaissances sur le rôle du père dans le développement de l’anxiété et de la dépression pendant la petite enfance sont limitées » (Hudson, 2012, p.3). La manière d’appliquer une hyperparentalité paternelle et les conséquences de cette dernière seraient d’autres avenues à explorer afin de mieux comprendre le phénomène.

Une autre question 

L’hyperparentalité aurait-elle un genre?  Les mères et les pères sont-ils égaux quant à son applicabilité et ses répercussions diffèrent-elles en fonction du parent qui exerce ce style parental?

Image de Annie Harvey

Maman de trois garçons, rédactrice Web et chroniqueuse.


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