Famille

Être parent d’un enfant autiste : le parcours d'Annick Daigneault

En matière d’autisme, on entend souvent parler du manque de ressources, des listes d’attente interminables… Mais concrètement, pour un parent, que se passe-t-il lorsque le diagnostic tombe?

C’est après un an et demi d’attente pour amorcer la série de tests et de suivis qu’Annick Daigneault, fondatrice de Sur le fil, Fondation pour l’Inclusion, a reçu le diagnostic de son fils. « Je n’ai pas ressenti de deuil, confie-t-elle. Mon enfant n’était ni mort, ni malade. Son diagnostic nommait ses distinctions et certaines de ses caractéristiques. Il ne le rendait pas différent, ne le changeait en monstre. Il m’aidait à le révéler et à mieux le comprendre. »

Assise ainsi autour de la table, entourée d’une équipe psychomédicale, son premier réflexe a été… de pleurer. « L’inconnu peut tout de même faire peur! » Elle en a aussi profité pour demander à tous ces spécialistes s’ils avaient, d’une part, des exemples d’adultes autistes qui réussissent, qui sont heureux et, bien entendu, quelles étaient les ressources à sa disposition. « Vous allez nous aider, oui? Ils ont répondu oui, et j’ai reçu des lectures – j’ai tout lu – des références vers des organisations, des noms d’adultes brillants et inspirants avec qui l’équipe du Dr.Masse et Mottron travaillent à l’Hôpital Rivière-des-Prairies, et la promesse de cinq ateliers-rencontres. »

Et après? « Par la suite. Plus rien. » 

Parlons ressources

Les années passent. « On attend, on est sur des listes interminables, les défis de compréhension et d’expression grandissent, le manque de sommeil perdure et les différences se font de plus en plus ressentir entre notre enfant et la communauté. »

Pas le choix, Annick et son conjoint de l’époque prennent les choses en mains : « Il faut devenir proactif et s’allier avec notre enfant pour qu’il se sente fier, aimé et être facilitateur de son inclusion sociale. Avec le papa, on a donc choisi de s’ouvrir et d’apprendre à découvrir notre fils, son fonctionnement, et de s’outiller. On ne voulait pas tout déléguer aux professionnels, mais bien apprendre, comprendre et être parties prenantes de l’émancipation de ce petit poète aux bouclettes sucrées. »

Ils ont donc commencé à assister à des ateliers offerts par différents organismes, comme le CLSC, l’Hôpital de Rivière-des-Prairies et Parents Stimulants.

« Il faut arrêter de se prendre pour wonder machin et reconnaître que, des fois, on souffre, on se plante, on rushe et on ne sait pas. Comme parent, comme être et comme couple. »  - Annick Daigneault, mère d'un garçon atteint d'un trouble du spectre de l'autisme

Leur pédiatre devient leur premier allié. « Il faut insister pour trouver une perle et flusher les croque-morts qui ne prennent pas le temps de s’asseoir avec nous, conseille d’ailleurs Annick. Avec la pédiatrie sociale qui fait des petits partout au Québec, il ne faut pas hésiter à aller vers eux. Aujourd’hui encore, ils sont très précieux dans notre cheminement et j’adore l’équipe du Dr Julien. »  

Deux ans plus tard…

Deux ans après avoir reçu le diagnostic, ils ont enfin droit aux services en CRDI (Centre de réadaptation en déficience intellectuelle). « Finalement, au bout de 6 mois de thérapie ICI (intervention comportementale intensive), et après avoir mis de l’eau dans notre vin de part et d’autre – au point de ne plus boire de vin du tout! – on a convenu que l’approche n’était pas pour notre famille. Malgré l’ouverture, la compétence et la douceur des intervenantes, leurs interventions ressemblaient davantage à un message qu’on forçait dans la tête de notre fils. On a amorcé alors un suivi en ergothérapie au privé, soutenus par la Fondation Noël au Printemps et Choix du Président, et une formation avec Brigitte Harrisson (Approche Saccade) que j’ai reçue en cadeau de fête et de Noël. »

Depuis, Annick ne cesse d’apprendre, de lire, de se renseigner et de se former. « Je pose des questions, j’écoute. J’apprends. Inspirée par mon petit bonheur. »

De l’aide pour les parents

S’occuper d’un enfant aux besoins particuliers est demandant, physiquement et psychologiquement. Cependant, les parents n’ont pas accès à de l’aide psychologique ou des ressources spécialisées ailleurs qu’au privé.

« C’est encore grâce à un cadeau d’une amie que j’ai pu amorcé un suivi qui m’a énormément aidée à passer au travers des périodes de grands bouleversements dans ma vie, et mon réseau est constitué d’humains exceptionnels, dit Annick. Je suis reconnaissante de l’amour que mon entourage génère. C’est parfois dur, mais être honnête avec soi-même, avec les autres, et reconnaitre qu’on a besoin d’aide et se créer 'une dette sociale' en demandant du renfort est vraiment salvateur. Il faut arrêter de se prendre pour wonder machin et reconnaître que, des fois, on souffre, on se plante, on rushe et on ne sait pas. Comme parent, comme être et comme couple. » 

S’ouvrir et vivre ensemble

« Lorsque l’on apprend que notre enfant est autiste, l’idéal est de respirer un coup et chercher des inspirations et des moyens d’apprendre à mieux comprendre et communiquer avec son enfant, tout en respectant sa 'culture'. Souvent le réflexe est de se lancer dans une bataille, de s’armer 'contre l’autisme'. S’ensuit une croisade pour normaliser notre enfant le plus vite possible, la quête de la recette miracle qui effacera les caractéristiques qui distinguent notre enfant commence. »

D’après Annick, il ne s’agit pas de la meilleure approche. « Se battre contre le dragon est essoufflant et inutile, renchérit-elle. Il faut apprendre à le connaitre, l’apprivoiser, le laisser nous apprivoiser et nous changer aussi, apprendre à vivre ensemble dans une union mixte, et parfois, avouons-le, déstabilisante. Quand on respecte et encourage les distinctions d’une personne, le dragon alors devient moteur et véhicule. »

« Il suffit parfois de changer un peu son regard, et toutes les failles laissent finalement entrer de la lumière. Grâce à l’autisme de mon fils, je découvre aussi chaque jour le meilleur de l’homme. » - Annick Daigneault

Forte de ce constat, Annick Daigneault fonde Sur le fil, Fondation pour l’Inclusion, en 2013. Cet organisme valorise la neurodiversité et soutient l’inclusion des personnes autistes dans la communauté. « Bien que les défis liés à la rencontre neurotypique et autiste soient nombreux, les bénéfices sont aussi grands, et nous apprenons beaucoup à nous ouvrir et vivre réellement ensemble. Cette acceptation commence dans la famille », souligne-t-elle. 

Annick travaille d’ailleurs sur un projet de documentaire immersif et interactif, en réalité virtuelle. Les pieds en haut permettra donc au spectateur de vivre cinq expériences en intégrant le point de vue sensoriel et perceptif des personnes atteint d'un trouble du spectre de l'autisme (TSA) dans différentes situations quotidiennes.

« Les personnes autistes avec lesquelles nous collaborons sont d’une générosité, d’une ouverture et d’une franchise incommensurable. Les relations que Martine, ma collègue co-réalisatrice, et moi tissons grâce à l’autisme de nos enfants, sont plus qu’inspirantes, dit Annick. Il suffit parfois de changer un peu son regard, et toutes les failles laissent finalement entrer de la lumière. Grâce à l’autisme de mon fils, je découvre aussi chaque jour le meilleur de l’homme. »

Pour l’avenir

Si on parle de plus en plus d’autisme et de neurodiversité, il reste tout de même beaucoup de travail à faire.

« Le réflexe premier de la plupart des gens qui voient un comportement atypique ou la différence est de juger. Il est déjà arrivé que je remette des gens à leur place dans leurs interventions inadéquates ou leurs commentaires désobligeants à mon égard ou celui de mon fils. Mais la plupart du temps, je réponds en sensibilisant, en informant, en souriant. Avec le temps aussi, je me rends compte que, en général, les gens ne sont pas de mauvaise foi. Ils ont pour la plupart envie d’apprendre et sont curieux de savoir », conclut Annick, qui souhaite, pour l’avenir, que l’on chérisse et valorise toute la diversité et la neurodiversité.

« J’aimerais que l’inclusion soit réelle et que mon fils soit convaincu qu’il a sa place, qu’on l’aide pour y arriver en respectant son intégrité et son unicité. Qu’il soit heureux et fier d’être qui il est. Et... j’espère vivre jusqu’à 107 ans, top shape, pour être là au maximum pour mes enfants! »

Image de Marie-Eve Bourassa

Autrice, scénariste, rédactrice et chroniqueuse.


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