Ces parents peuvent être tentés d’envisager un déménagement, par exemple pour se rapprocher et recevoir l’aide des grands-parents, pour s’établir avec un nouveau conjoint ou encore être plus près de leur lieu de travail.
Un problème important se pose lorsque le déménagement fait en sorte que les enfants ne peuvent plus bénéficier du même temps de garde auprès de leurs deux parents que par le passé : comment déterminer où ira l’enfant?
Les éléments examinés par les tribunaux
On ne peut interdire à un parent de déménager; la liberté de circulation et de mouvement est un droit fondamental garanti par la Charte canadienne des droits et libertés[1].
Toutefois, les tribunaux doivent parfois décider de la garde d’un enfant en tenant compte de ce déménagement. Nous formulons ainsi les éléments qui doivent les guider afin de déterminer où ira l’enfant en cas de déménagement d’un parent[2] :
1. L'entente de garde déjà conclue. Quel est le statu quo depuis la séparation? Comment l’enfant se porte-t-il?
2. Les relations avec les deux parents et la maximisation des contacts avec ceux-ci. L’enfant a-t-il un parent qui voit significativement plus que l’autre à ses besoins quotidiens? l’objectif du tribunal sera de maximiser dans la mesure du possible le temps de qualité avec chacun des parents.
3. L'opinion de l'enfant. La Cour d’appel indique que l’opinion de l’enfant âgé d’environ 11 ans sera considérée (uniquement considérée; les enfants ne peuvent décider seuls où ils iront avant l’âge de 18 ans).
4. Les motifs du déménagement du parent gardien. Ce critère sera analysé uniquement aux fins de s’assurer que le parent qui déménage ne le fait pas pour priver l’autre de ses contacts avec l’enfant.
5. La perturbation que peut causer chez l'enfant une modification de la garde et celle que peut lui causer l'éloignement de sa famille et du milieu auquel il est habitué. Si une garde partagée a été établie avant le déménagement, ces éléments (éviter un changement d’école et d’amis préconiser la proximité avec les grands-parents, par exemple) occuperont une très grande place dans l’analyse.
L’enfant en bas âge
Les séparations surviennent aujourd’hui alors que les enfants sont plus jeunes qu’auparavant. Il n’est pas rare de devoir déterminer la garde et les droits d’accès de poupons âgés de moins d’un an. Par ailleurs, les pères souhaitent de plus en plus être impliqués auprès de leurs enfants. L’arrivée du congé de paternité[3], dont ont bénéficié 76% des nouveaux pères selon les statistiques de 2011[4], semble également avoir eu un impact sur les liens qu’ils tissent avec leurs enfants en bas âge.
Ainsi, les parents d’enfants d’âge préscolaire sont souvent tentés de favoriser des contacts prolongés avec chacun des deux parents : plusieurs préconisent la garde partagée[5] (par exemple, une semaine sur deux ou 3 jours/4jours) ou des droits d’accès élargis (par exemple, de deux fins de semaines sur 3)[6].
À cet âge, il n’est souvent pas problématique pour l’enfant que l’un des parents déménage à une distance relativement éloignée (disons, entre 30 et 45 minutes, en comptant le trafic!). Le déménagement d’un parent à cette distance ne pose donc souvent pas problème, surtout si les grands-parents s’impliquent et/ou que l’horaire de travail de l’un des parents évite que l’enfant n’ait à fréquenter deux garderies.
Attention au piège
La situation se complique toutefois significativement lorsque l’enfant atteint l’âge scolaire. À moins que les parents ne choisissent une école privée (encore faut-il qu’ils en aient les moyens financiers), il ne sera pas possible d’inscrire les enfants à une école publique située à mi-chemin[7]. Les Commissions scolaires exigeront que les enfants soient inscrits à l’école de quartier du parent qui en a la garde ou de l’un d’entre eux s’il s’agit d’une garde partagée.
Bien souvent, cela met forcément un terme à l’arrangement de garde partagée – il faut maintenant choisir un lieu de vie principal pour l’enfant. Si vous êtes dans une telle situation, pensez à consulter un avocat spécialisé en droit de la famille ou un médiateur familial lorsque l’enfant aura atteint l’âge de 4 ans, afin de prévoir une solution.
Publication initiale 22 juin 2017
[1] Art. 6
[2] Il s’agit de notre propre analyse de l’arrêt Gordon c. Goertz, [1996] 2 R.C.S. 27.
[3] Pour plus de détails sur les prestations offertes par le RQAP pour le congé de paternité : http://www.rqap.gouv.qc.ca/travailleur_salarie/types/paternite.asp
[4]La Presse Canadienne, « Congés parentaux : Les québécois sont les plus choyés au Canada » http://www.lapresse.ca/vivre/societe/201207/30/01-4560664-conges-parentaux-les-quebecois-sont-les-plus-choyes-au-canada.php
[5] On parle de garde partagée lorsque l’enfant est avec chacun des parents au moins 40% du temps.
[6] On parle d’accès élargis lorsque l’enfant est avec le parent non gardien entre 30 et 39% du temps).
[7] Les Commissions scolaires peuvent accorder des dérogations à ce sujet quelques jours avant la rentrée scolaire, mais ne garantissent pas une place à l’enfant pour plus d’une année. Il faudra renouveler cette demande chaque année, ce qui crée un climat d’incertitude et un haut risque que l’enfant doive fréquenter plusieurs écoles.