Nous voulons tellement que l’enfant continue d’adopter ce comportement que nous l’achetons en quelque sorte. Beaucoup d’éducateurs croient que notre comportement comme celui des enfants est motivé par un stimulus extérieur à nous-mêmes. La récompense comme la punition est une motivation externe. Qu’arrive-t-il le jour où « l’extérieur » n’est plus là, où il n’y a plus personne pour récompenser? Voilà l’un des dangers liés à l’attribution de récompenses : la dépendance.
Annie promet d’amener Jasmine, sa fille de quatre ans, au Dollarama le vendredi si elle est gentille tous les jours de la semaine à la garderie. Que lui donnera-t-on à quinze ans?
Félicitations au lieu de récompense
Imaginons que votre enfant a relevé un défi, en classe ou à la garderie ou que son comportement s’est amélioré grâce à vos encouragements et vos stratégies pour l’aider à mieux se comporter et que vous vouliez le récompenser. Que diriez-vous d’opter pour la gratuité au lieu des récompenses? Vous pourriez dans un premier temps dire votre fierté et féliciter votre enfant en disant « Je suis très fière de toi. Je te félicite. Comme tu dois être fier de toi! » Vous lui apprenez ainsi à faire les choses pour lui-même, parce qu’il est fier lorsqu’il relève un défi ou s’améliore. Ensuite, vous pourriez ajouter, « Je suis tellement contente, j’ai le goût de te faire plaisir. Aimerais-tu que nous jouions ensemble à un jeu de ton choix après le souper? »
C’est naturel de vouloir faire plaisir à quelqu’un qui nous a causé une grande joie. Je ne réprime pas cette sorte d’instinct naturel, allons-y. Ce que je réprime, c’est la notion de contrôle telle que « Si tu as un bon comportement à l’école cette semaine, je t’achèterai ton jeu samedi. », « Si tu es gentille à la garderie, nous irons manger une crème glacée après le souper. » Saisissez-vous la différence? L’enfant, lui la saisit. Il apprend ainsi le marchandage. « Qu’est-ce que tu vas me donner si je fais ça? » Qu’est-ce qu’on vous donne à vous pour la planification des repas, la préparation de ces repas, les courses et toutes autres tâches non rémunérées? Tout cela se fait gratuitement. Apprenons-leur la gratuité et le bonheur de donner, de faire plaisir, de rendre heureux sans s’oublier.
Quand la récompense nuit au lieu d'aider
Les enfants surveillent quelles récompenses vous attribuez aux autres et crient parfois à l’injustice. « J’ai travaillé plus fort que lui et tu lui donnes plus que moi! » Et vous voilà en train d’expliquer et de vous justifier. Les récompenses encouragent la compétition entre enfants. Avez-vous remarqué qu’elles sont souvent liées aux résultats obtenus? Ce qui nous empêche parfois d’observer les efforts fournis.
Or certains enfants n’obtiendront jamais de forts résultats, mais auront fourni de grands efforts. Facile pour eux de se démotiver voire même de se décourager si leurs efforts ne sont ni vus ni reconnus.
Il arrive même que les récompenses viennent nuire au sentiment de fierté. Vous est-il déjà arrivé de rendre un service avec générosité, en étant fière de vous et qu’on veuille vous payer? Si oui, se pourrait-il que vous ayez ressenti un certain malaise? L’élève qui travaille à réussir parce qu’il est fier de lui, de sa persévérance, de son investissement peut être choqué qu’on lui offre une récompense et certains vont même refuser ces honneurs. Les récompenses provoquent parfois l’effet contraire du comportement souhaité. Au lieu d’encourager, elles découragent. Plusieurs écoles offrent des « activités récompenses » aux élèves. Or certains élèves savent dès l’annonce de l’activité qu’ils ne pourront pas y participer puisque les exigences sont trop élevées pour eux. C’est comme s’ils se disent « Pourquoi ferais-je des efforts, je n’y arriverai pas de toute façon. » Et ce sont eux qui auraient le plus grand besoin d’y participer.
Exemple du quotidien
Récemment, un samedi soir, j’ai une lumière rouge allumée sur mon tableau de bord « engine ». Cela m’inquiète, je vais à la station-service et un jeune homme d’environ 16-17 ans me répond. Je lui fais part de mon inquiétude et il s’affaire sous le capot à vérifier ce qui pourrait être défectueux. Je le vois aller et venir pendant une dizaine de minutes et je mets la main dans mon porte-monnaie, prête à lui donner une « récompense » pour ce service hors de l’ordinaire, à mon avis. Je me rappelle ce que je prêche, range le porte-monnaie et je me dis que je vais plutôt prendre le temps, lorsqu’il aura terminé, de lui dire toute mon appréciation. Il me rassure en affirmant que je peux rouler sans problème… Je lui dis « Merci du temps que vous m’avez accordé et du travail que vous avez effectué. Je vous ai vu effectuer différentes vérifications et prendre le temps voulu pour pouvoir m’informer et me rassurer. Vos parents doivent être fiers d’avoir un fils tel que vous. Vous avez de quoi être fier du jeune homme généreux et consciencieux que vous êtes. Merci de m’avoir aidée et rassurée. » Vous auriez dû voir le sourire sur le visage de ce jeune homme. Vingt dollars auraient-ils eu autant d’effet? Je suis certaine que non.
La plus belle motivation est celle qui vient du dedans, la motivation intrinsèque. Lorsque nous ressentons du plaisir à accomplir une tâche, c’est la meilleure des motivations. La meilleure récompense n’est-elle pas la fierté ressentie à être quelqu’un de bien ou à faire quelque chose de bien? Aidons nos enfants à vivre cette fierté et intervenons avec eux de sorte qu’ils éprouvent le plus souvent possible ce sentiment d’être de bonnes personnes et exigeons d’eux qu’ils se conduisent comme tel et ce, sans la promesse de récompenses.