Envoyer son enfant à la garderie n’est pas un droit, c’est un privilège. C’est un privilège qu’une société se donne, qu’une famille se donne. À partir du moment où un des deux parents travaille, il faut concevoir que le droit de l’enfant à avoir une éducation et un encadrement à sa hauteur est une priorité absolue qui va au-dessus du droit du deuxième parent de travailler.
Il y a trois grands besoins fondamentaux à respecter chez les enfants et ils sont généralement respectés dans la majorité des services de garde, mais pas toujours malheureusement.
- Le droit d’être nourri, logé, habillé, etc.
- Le droit à un environnement physique et mental sécuritaire
- Le plus subtil et le plus complexe, c’est le droit de pouvoir développer une relation d’attachement et d’amour avec les gens qui s’occupent de l’enfant
Alors, vous imaginez que dans un service de garde où il y a trois ou quatre gardiennes dans la première année de votre vie qui vont se succéder, vous ne pouvez pas développer, comme enfant, une relation (d’attachement) et vous allez devenir insécure, vous allez aller vers n’importe qui, vous allez devenir un enfant anxieux qui va moins bien dormir, qui va avoir de la difficulté à manger, qui va être moins agréable, qui va avoir de la difficulté à approfondir une relation avec des adultes et tout ça se passe vers l’âge de 1 à 2 ans. Dans la plupart des cas. Il va y avoir des troubles de comportement dont on va plus ou moins s’occuper… Il va peut-être être indiscipliné et manipulateur. Il va développer de gros troubles psychoaffectifs, la drogue, les délits, les vols, les menteries et tout…
Tout ça vient d’un problème dans la relation d’attachement qui est faite durant les 3 premières années. Ça veut donc dire que, c’est ça comme société qu’il faut prioriser et c’est ça qu’il faut mettre de l’avant. L’enfant est très particulier et son cerveau se développe comme un être unique jusqu’à l’age de 9 mois, dans le lobe frontal l’attachement. Ensuite, entre l’age de 9 et 12 mois, l’enfant va commencer à approfondir une relation avec un adulte. Vers l’âge de 12 à 18 mois, il va réguler ces relations-là. Il peut s’attacher dans le meilleur des cas, surtout s’il a une bonne famille, à plusieurs individus différents, mais il faut que ce soit bien fait. Et actuellement, ce n’est pas toujours bien fait. La majorité des problèmes qu’on voit dans notre société ne sont pas dus à la violence à la télé, ils sont dus au fait que les enfants sont mal sécurisés affectivement dans leurs premières années de vie.
À partir d’une confiance en soi et les autres, l’enfant va développer une véritable estime de soi et c’est quelque chose qui n’est pas évident, c’est quelque chose qui est mis de côté par la plupart des gens. Une fois que tout ça est mis en place et assuré, le privilège des parents à faire garder leur enfant peut être appliqué. Malheureusement, ce privilège est souvent vu comme un droit en ce moment.
Formation
Il faut former les gardiennes et les gens qui s’occupent des enfants très très bien. Il est plus important de former les gardiennes que de former les éducatrices au primaire, au secondaire ou même à l’université parce que ce n’est pas n’importe qui qui peut garder des enfants. N’importe qui peut peut-être tenir la cuillère et leur donner à manger, mais pour répondre à leurs questions, pour les emmener vers quelque chose d’autre, ça prend du personnel formé, ça prend une école de personnel. Il faudrait, comme société, qu’on investisse beaucoup là-dedans et on ne mettra jamais trop d’argent, comme société, pour former le personnel en garderie.
Un sondage Léger-Léger montrait récemment que les parents étaient globalement d’accord pour investir un peu plus que les 5-7 dollars demandés… C’est évident, les parents sont insécures et savent très bien que la meilleure façon de passer une journée au travail c’est que leur enfant soit gardé par quelqu’un de bien. Il faut aussi investir dans la culture des parents, parce qu’on n’a pas de culture à ce niveau-là, on n’a pas de culture de garderie.
Comme adulte, au Québec, on braille devant Véro, Wilfred, devant n’importe qui, on est dans l’émotion perpétuelle, alors que pour les enfants j’ai l’impression qu’on est en train de les enrégimenter pour être sûr qu’ils ne dérangent pas. Alors, on les envoie à la garderie. Le soir quand il revient, on lui montre des mathématiques à 2 ans et demi alors qu’il n’en veut pas… Les parents misent trop sur l’éducation cognitive et pas assez sur l’affect de l’enfant avant l’âge de 3 ans. Et eux aussi ont besoin d’être formés, d’être encadrés et comme société on ne mettra jamais trop d’argent dans les services de garde.
On est riche!
Les parents québécois ne sont pas pauvres. Tous les reportages journalistiques autour de l’enfance ou des familles commencent par la pauvreté. Alors si on regarde les garderies, les parents sont trop pauvres pour envoyer leur enfant à la garderie, ils sont trop pauvres pour acheter un uniforme, ils sont trop pauvres pour acheter du matériel scolaire, ils sont trop pauvres pour le Cégep… Je regrette! Tout le monde achète à Télé-Achats, on a des répondeurs qui prennent des messages automatisés, on n’est pas dans une société de pauvreté. On a des valeurs comme société et on est capable d’investir en priorité non seulement dans la santé, mais aussi dans l’éducation affective des jeunes enfants.
Les pauvres avant les riches
Les parents chômeurs devraient avoir un accès prioritaire à la garderie. C’est étonnant ce que je dis, mais, si vous êtes dans un milieu de chômage, de monoparentalité, de pauvreté extrême; si vous êtes des immigrants récents ou des réfugiés, vous avez besoin d’une sécurité affective pour vos enfants et les milieux où il y a du stress, les milieux où il y a de la cigarette, le syndrome alcoolo fœtal, où il y a des plus petits poids de naissance vont avoir des enfants qui vont être un peu plus hyperactif, des enfants qui vont avoir beaucoup de stress, beaucoup plus de problèmes de comportement et ces enfants-là vont apprendre (mieux) dans un système de garde et les parents aussi, secondairement, vont apprendre grâce à l’adéquation affective que leurs enfants vont avoir.
Alors qu’étonnamment, les familles qui ont des revenus et qui travaillent devraient avoir moins accès que ceux qui restent à la maison, contrairement à ce qu’on pense et il faut investir à ce moment-là comme société. Ça ne paraît pas, c’est plate des enfants et c’est un pédiatre qui vous dit ça, c’est plate investir dans la petite enfance parce que ce n’est pas quelque chose de spectaculaire. »