C’est du moins ce que croit, à l’instar d’un grand nombre d’autres spécialistes, Francine Lussier, neuropsychologue au Centre d’évaluation neuropsychologique et d’orientation pédagogique (CENOP). « Il y a plusieurs théories à ce sujet; pour ma part, je ne crois pas qu’il y ait des enfants méchants en soi. Il n’est toutefois pas exclu que des enfants qui ont des troubles neurologiques aient des comportements perturbants », précise-t-elle.
Personne ne naît doux ou cruel, mais aucun être n’est non plus poli et raffiné à la naissance, disent les philosophes. Qui plus est, le fonctionnement psychique de l’enfant n’a rien à voir avec les règles de la vie en société… « Il y a aussi une période où ils ont davantage besoin de s’affirmer – ce qu’on appelle le terrible two » ou le terrible three; ils peuvent alors faire de grosses crises qui peuvent durer jusqu’à 45 minutes! », signale Mme Lussier.
Puisqu’on n’entame pas son parcours de vie outillé de manières civilisées, il appartient aux parents d’inculquer ces règles, soutient la psychologue… Néanmoins, les comportements agressifs subsistent habituellement « dans toutes les bonnes familles »…
Origine et causes possibles
Il est toutefois utile de savoir que tous ces agissements inacceptables ont pris racine dans une cause spécifique ou un amalgame de facteurs, lointains ou récents, souligne Mme Lussier. Il peut s’agir d’un traumatisme vécu plus tôt dans l’enfance et qui entraîne des conséquences néfastes pour le comportement ultérieur de l’enfant. « Ce peut être un deuil, d’un ami ou même d’un animal que l’enfant aimait beaucoup, et les parents n’auraient pas été en mesure d’en mesurer l’ampleur, par exemple », poursuit-elle.
Les parents qui jouent « les grands démocrates » par exemple en demandant à tout coup à l’enfant ce qu’il désire, plutôt que de décider pour lui, peuvent faire naître de l’insécurité chez ce dernier, puisqu’ils lui imposent ainsi parfois une prise de décision qu’il n’est pas en mesure d’assumer. Cette insécurité peut alors se muer en gestes agressifs répétés.
D’autre part, face à un papa ou à une maman qui vit presque constamment en mode accéléré, un enfant qui a plutôt tendance à honorer la lenteur au quotidien pourrait, à long terme, ressentir une pression qui commande des réactions offensives.
La séparation des parents, le décès d’un grand-parent et, bien entendu, la violence familiale sont d’autres motifs probables qui mènent à ces comportements. « Certains enfants, sous des dehors agressifs, crient leur détresse », ajoute Mme Lussier.
En fait, comme les causes sont si diversifiées, les spécialistes tentent d’abord de les départager en facteurs neurologiques, comportementaux et en explications d’origine éducationnelle. « Par exemple, dans le cas des enfants hyperactifs ; d’un côté, il y a ceux qui ont un problème d’ordre neurologique, mais d’autres peuvent être simplement mal éduqués », ajoute Mme Lussier.
Prévenir...
…ou tenter de prévenir! Il est vrai que nous avons souvent l’impression que nos efforts sont vains. Car les enfants seront guidés par leurs pulsions tant qu’ils n’auront pas assimilé la notion de la valeur de la vie humaine, qu’ils n’auront pas pris conscience du fait que les autres peuvent aussi souffrir et tant qu’ils n’auront pas compris le sens de la loi. Il faut donc s’assurer qu’ils soient conscients des interdits et des actes permis.
Il sera toutefois difficile de mater certains comportements inadéquats de cette manière. Pourquoi ne pas tenter de «détourner» ses envies de frapper, détruire ou briser? Votre fillette arrache les cheveux de la poupée de sa sœur dans le but de lui faire de la peine, se « vengeant » ainsi pour une prétendue insulte à son endroit? Il sera peut-être inutile de lui expliquer qu’elle a fait du mal à sa sœur si elle n’a pas encore acquis la notion de la souffrance de l’autre. On peut alors tenter de transférer son envie de casser ou de démolir en lui suggérant de dessiner une poupée avec des cheveux, puis une autre poupée à laquelle on a arraché la tignasse. Ou encore, on peut lui proposer de bricoler elle-même une figurine, à laquelle elle aura la permission d’arracher prestement la chevelure…
Doit-on punir?
Lorsque ces tactiques sont inefficaces, il vaut alors mieux opter pour le retrait, plutôt que de disputer votre progéniture sortie de ses gonds. La discussion et le discours de morale sont rarement fructueux avant la puberté, puisque « l’enfant n’a pas encore atteint le niveau de développement cognitif nécessaire pour comprendre », indique Francine Lussier.
Si vos interventions, face à votre enfant en furie, semblent stériles et surtout, qu’elles commencent à être source d’inconfort même pour vous-même, il serait peut-être opportun de faire appel à un professionnel tel qu’un psychologue, signale Mme Lussier. « Parfois, le simple fait qu’une tierce personne explique à l’enfant ce que ses parents lui disent depuis longtemps peut avoir un impact. »