« Ma conjointe et moi venons de prendre la décision de nous séparer. La situation est très tendue et émotive en ce moment et nous ne savons pas vraiment quoi dire ou comment agir face à notre fille pour qu’elle vive cette période le moins difficilement possible. Pouvez-vous nous aider s.v.p.? »
La théorie : ce qu’en disent les spécialistes
Quoiqu’on en dise, et même si ça arrive plus fréquemment de nos jours, la séparation reste un choc psychologique immense pour toute la famille. Les parents sont déstabilisés, les enfants vivent de l’insécurité, car ils perdent des points de repères importants dans leur vie. Et, comme ils sont de petites éponges face aux événements stressants, ils peuvent ressentir des émotions très intenses : peine, colère, anxiété, incompréhension, culpabilité même. Car dans leur vision égocentrique du monde, nombre d’enfants croiront qu’ils sont la source des disputes et se sentiront responsables de la séparation de leurs parents. Et ils peuvent bien sûr réagir de différentes façons, selon leur âge, leur personnalité et surtout ce qu’ils perçoivent ou comprennent de la situation.
Lorraine Filion, travailleuse sociale et coauteure d’un livre sur le sujet (1), classe les réactions types des enfants en trois catégories : l’enfant-gorille, celui qui fait des crises, se dispute à l’école et frappe ses frères et sœurs; l’enfant-crocodile, qui réagit avec des crises de larmes intenses et fréquentes, qui a des troubles du sommeil et qu’on sent si fragile et l’enfant-huître… ou la petite bombe à retardement, qui semble vivre assez bien la séparation en apparence - pas de grosses crises de larmes, pas de difficultés marquantes à l’école ou à la garderie – et qui, après un certain temps, éclate sans que l’on ait vu venir le coup. Cette réaction tardive semble d’ailleurs être souvent déclenchée lorsqu’un autre changement survient dans la vie de l’enfant : arrivée d’un nouveau conjoint ou enfant dans la famille, perte de contact avec l’un des parents, décès d’un grand-parent ou d’un animal, etc.
L’enfant peut aussi se sentir déchiré entre ses deux parents et ne pas se sentir le droit de les aimer également. Il peut aussi avoir tendance à prendre la peine du parent le plus affecté sur ses épaules, s’inventer des scénarios de réconciliation pour apaiser sa peine et celle de son parent, faire des crises en quittant l’un pour aller chez l’autre. Tout cela, bien sûr, affecte beaucoup les parents qui vivent eux aussi une période intense en émotions. Même si nous sommes des adultes matures et responsables, on ne voit plus la situation très objectivement et on peut avoir tendance à « noircir » l’image de l’autre parent qui agit lui-même sur le coup de l’impulsion. Bref, nos paroles et nos actions dépassent souvent nos pensées, et on se surprend parfois même à agir de façon contraire à nos valeurs.
Ce qu’il faut comprendre d’abord et avant tout, c’est qu’une séparation est une crise importante dans une vie de famille et les spécialistes sur le sujet sont unanimes, la période d’adaptation à ce grand bouleversement peut varier d’un à trois ans, la première année étant bien certainement la plus difficile d’entre elles. C’est un moment où on se devrait d’être tolérant, compréhensif, envers soi, envers l’autre, mais la réalité est souvent tout autre. Et l’enfant ressent naturellement toute cette tension entre les deux êtres qu’il aime le plus au monde.
La pratique : des solutions adaptées à vos besoins!
La première chose à faire quand on apprend à notre enfant qu’on se séparera, c’est de le rassurer, de lui dire que ce n’est pas sa faute, qu’il n’a rien fait de mal pour que la rupture survienne. Il est important que l’enfant comprenne que ses parents se sont aimés, qu’ils l’ont désiré, attendu, aimé et que cela ne changera pas.
Il faut aussi l’informer des changements à venir : déménagement, changement d’école ou de garderie et qu’il sache dans quelle mesure il continuera de voir ses deux parents (garde partagée complète, de fin de semaine, etc.). L’enfant se sent désemparé et a besoin de savoir ce qui se passera, c’est primordial!
Certains enfants réagissent avec beaucoup d’intensité. Ils peuvent ressentir énormément de colère envers le parent qui a quitté l’autre. Même si on ne lui donne pas cette information, bien souvent il la devinera en observant ses parents, et pourra même jusqu’à refuser de voir le parent qui a initié la séparation. Et comme on voudrait tellement épargner notre enfant, il est naturel d’avoir envie de consentir à cette demande. Il faut cependant se rappeler que l’enfant a besoin de repères et de règles claires pour se sentir en sécurité. Et surtout, que c’est une responsabilité beaucoup trop grande pour lui de décider quand il devrait voir un parent ou l’autre, une responsabilité qui pourrait fragiliser son équilibre affectif.
Ce qu’on ressent comme adulte n’est pas évident à vivre non plus. Mais on se doit d’être alertes. Car s’il est normal de ressentir de l’inquiétude à l’idée de devoir lâcher prise sur le quotidien de notre enfant quand il part pour le domicile de l’autre parent, cela peut aussi répondre à un besoin affectif de souhaiter garder l’enfant sous son aile. Or, si nous n’avons aucune raison de nous inquiéter sur la sécurité de notre enfant lorsqu’il est avec l’autre parent – hormis les divergences d’opinions normales sur la discipline, la routine, l’alimentation et les activités de l’enfant – nous devrions maintenir les ententes de garde ou de visites prévues au départ. C’est ce qui sera le plus sécurisant pour l’enfant. Et si vous avez droit à des crises où l’enfant hurle « Je ne veux pas aller chez papa! », essayez plutôt d’y comprendre qu’il sous-entend la plupart du temps « Je ne veux pas te quitter maman! ». Ces nuances ne sont pas toujours faciles à faire quand on est nous-mêmes pris dans un tourbillon d’émotions contradictoires.
L’important c’est de se donner du temps, du temps pour comprendre, du temps pour vivre sa peine, pour guérir, du temps pour prendre soin de soi comme adulte. Du temps aussi pour écouter notre enfant, lui expliquer et le rassurer sur l’amour inconditionnel qu’on lui porte comme parents, et que malgré tout, on sera toujours une famille, même si la famille n’est plus comme avant.
Les ressources : références, lectures, sites ou groupes d’entraide
Pour les enfants plus vieux, qui ont moins tendance à se confier à leurs parents, certains CLSC ou établissements scolaires ont mis en place des groupes d’entraide pour les enfants de parents séparés. Plusieurs y ont trouvé un grand réconfort et surtout, un terrain neutre où s’exprimer sans avoir peur de blesser l’un ou l’autre de ses parents.
Pour les tout-petits, le dessin, les jeux de rôles (avec marionnettes ou toutous) ou encore les livres sont des moyens intéressants afin de l’aider à exprimer ce qu’il ressent. Plus l’enfant est jeune, plus il a besoin de support pour mettre des mots sur ses émotions. Et comme vous êtes celui qui connaît le mieux votre enfant, vous êtes la personne la plus apte à le supporter à ce niveau. Si vous vous sentez peu outillé ou désemparé face à votre enfant, n’hésitez pas à aller chercher de l’aide.
D’ailleurs, le Centre de ressources familiales du Québec offre différents services aux familles qui vivent une séparation. Médiation, conseils juridiques, références à des organismes communautaires répondant à vos besoins, bref, c’est un endroit où vous trouverez certainement beaucoup de soutien dans cette épreuve difficile que vous vivez. L’information sur cet organisme se retrouve sur leur site web.
(1) Cloutier, R., Filion, L., Timmermans, H., Les parents se séparent… Pour mieux vivre la crise et aider son enfant, Éditions de l’Hôpital Sainte-Justine, 2001, ISBN 2922770125, 14.95 $