La décision d'entreprendre un traitement douloureux sur un minuscule bébé né plusieurs semaines avant terme est déchirante pour les parents et les médecins qui les conseillent.
Une équipe de chercheurs a mis au point un nouvel outil statistique qui aidera médecins et parents à prendre une décision plus éclairée. Cet outil souligne l'importance de quatre facteurs qui, en plus de l'âge gestationnel de l'enfant, permettent de prédire les chances de succès d'un traitement intensif sur un grand prématuré.
Jusqu'à maintenant, les médecins fondaient leur recommandation de soumettre ou pas un grand prématuré à des soins intensifs uniquement sur le nombre de semaines de gestation terminées du nourrisson. Dans la plupart des centres hospitaliers, on prodigue systématiquement de tels soins aux bébés nés après 25 semaines de gestation, mais on ne procède ainsi qu'avec l'accord des parents pour les nourrissons âgés de 23 à 24 semaines. Rappelons que les accouchements à terme surviennent entre la 38e et la 40e semaine de grossesse.
Pour les nouveau-nés de 22 semaines, on se limite généralement à des soins palliatifs sachant que la mort ou de très lourds handicaps attendent presque inévitablement ces bébés. Même le recours à un respirateur, à une alimentation intraveineuse ou à une autre forme de soins intensifs n'y peuvent rien. Si le bébé survit, il est fort probable qu'il souffrira de séquelles au cerveau, de surdité, de cécité, voire d'un déficit intellectuel.
Les médecins étaient donc bien peu armés pour déterminer s'il était acceptable d'infliger des soins aussi douloureux à ces nouveau-nés à la limite de la viabilité compte tenu du pronostic plus ou moins sombre qui est associé à leur état. D'autant que l'estimation de la durée de la grossesse, sur laquelle se base actuellement les experts médicaux, est souvent approximative et peut présenter une marge d'erreur atteignant les deux semaines vers la 20e semaine de grossesse. Or, pour les grands prématurés, une à deux semaines de différence dans l'âge gestationnel peut modifier complètement la décision que l'on prendra quant au traitement à adopter.
Des chercheurs du National Institute of Child Health and Human Development Neonatal Research Network des États-Unis ont colligé et analysé les données médicales de 4 446 nourrissons nés entre la 22e et la 25e semaine de gestation. Une analyse statistique de ces données a permis aux chercheurs de relever qu'en plus de l'âge gestationnel, quatre autres facteurs-clés influaient sur la probabilité que le nourrisson survive et le risque qu'il soit atteint de handicaps permanents.
Il est ainsi apparu que les bébés de sexe féminin, ceux qui étaient issus d'une naissance unique (et non multiple), ceux dont le poids était légèrement supérieur à la moyenne ou ceux qui avaient été exposés sept jours avant la naissance à des corticostéroïdes, que l'on avait administrés à la mère dans le but de favoriser la maturation des poumons du fœtus, voyaient leur risque de mourir ou de souffrir d'une déficience neurodéveloppementale significativement réduit.
Cette diminution du risque était équivalente à une semaine de gestation supplémentaire, laquelle peut faire une grande différence dans le développement d'un fœtus ayant atteint sa 22e ou 23e semaine de gestation, font remarquer les chercheurs.
Selon leurs résultats, une fille de 23 semaines pourrait être aussi apte à survivre qu'un garçon né après 24 semaines de gestation. Et parmi les nourrissons nés au terme de 24 ou 25 semaines de gestation, les filles nées seules, avec un poids de 750 g, et qui avaient reçu des corticostéroïdes avant leur naissance avaient 33 risques sur 100 de mourir ou de souffrir d'une infirmité grave, tandis que les garçons jumeaux, ne pesant que 525 g à leur naissance et qui n'avaient reçu aucun corticostéroïde, avaient un pronostic beaucoup plus noir, puisqu'ils avaient 87 risques sur 100 de décéder ou de survivre avec de très graves handicaps.
Les auteurs de l'étude ont mis en ligne par Internet leur calculateur qui, en intégrant notamment le poids du bébé à la naissance, son sexe, son âge gestationnel, permet d'évaluer statistiquement ses chances de survie et la probabilité qu'il soit atteint de handicaps.