« J’ai eu mes enfants en 1974 et en 1976. À cette époque, il y avait encore des hôpitaux au Québec où les pères n’étaient pas acceptés dans les salles d’accouchement. On disait que c’était pour éviter des risques de contamination. Ça en dit long sur les notions qu’on avait des accouchements à l’époque! », raconte Isabelle Brabant.
Mme Brabant est venue partager ses observations dans le cadre de la Su-Père conférence en février à Montréal.
Les premiers pères à avoir réussi à assister à l’accouchement de leur femme avaient pour la plupart une certaine complicité avec le médecin. Peu à peu, leur présence est entrée dans les mœurs.
Encore en 2001, Isabelle Brabant a quand même été témoin d’une certaine réticence de la part de son éditeur qui préparait la réédition de son ouvrage Une naissance heureuse : bien vivre sa grossesse et son accouchement. Au moment de choisir une illustration pour la couverture, ce dernier était moins chaud à l’idée d’y inclure la figure paternelle. « Pourtant, les parents ont envie de vivre ces moments à deux », indique la sage-femme.
Un rôle à définir
Au départ, les pères présents dans la salle d’accouchement y étaient plutôt pour « réceptionner le paquet » que pour accompagner la mère.
« J’ai souvent été témoin de moments où les pères étaient confrontés à une présence prévue. Ils sont là comme acteur secondaire. J’ai aussi vu des hommes désarmés. Ce n’est pas toujours facile d’être à côté d’une femme qui accouche. Par contre, les hommes doivent aussi dire comment ils souhaitent vivre ce moment », est d’avis Isabelle Brabant.
Le rôle du père en est peut-être un de protection, il n’est cependant pas le gérant de la salle d’accouchement.
« J’ai aussi vu des femmes déçues par rapport aux attentes inscrites dans le plan de naissance. Les pères font de leur mieux et ils ne peuvent pas tout prévoir. Ils ne sont surtout pas responsables de la qualité des soins donnés à la mère lors de l’accouchement. Il faut les dégager de cette tâche », indique Mme Brabant.
Connaître ses limites
Certains hommes sortent marqués de l’accouchement en s’obligeant à tout voir ce qui se passe. « J’ai entendu des hommes de tous âges parler des séquelles d’avoir été présent à l’accouchement, notamment pour avoir vu le sexe de leur femme dans un contexte autre que lors d’une relation sexuelle. Les pères doivent connaître leurs limites », souligne la conférencière.
Une bonne façon de vivre l’accouchement serait sans doute de s’abandonner au moment. « Un accouchement, ça ne se gère pas, ça se vit. Il y a un rite de passage extraordinaire pour la mère, mais pour le père aussi. Le père n’est pas qu’une potiche. Il faut parler du rôle du père à l’accouchement, le nommer, le détailler. Il faut surtout se rappeler qu’il y a tout un éventail de moyens d’être présent pour les pères durant la naissance », confie Isabelle Brabant.
Écrit par Marie-Ève Cloutier