Ce qu’on ne connaît pas fait peur, et l’autisme, pour les non-initiés, peut en effet attirer quelques préjugés. D’emblée, vous vous dites peut-être qu’un livre sur l’autisme promet d’être lourd et pénible à lire. Et pourtant, il n’y a rien de lourd, ni la moindre parcelle d’apitoiement dans le très beau livre de Guylaine Guay, Deux garçons à la mère. Ce qu’on y retrouve, en revanche, c’est de la vérité et, en effet, s’il y avait un seul mot pour résumer le récit, ce serait assurément « honnêteté ».
Un voyage
Deux enfants à la mère est un voyage plein de surprises et une fascinante incursion dans la famille tout à fait singulière de la comédienne et humoriste Guylaine Guay, mère de deux enfants autistes. En effet, comme l’auteure le remarque elle-même, Guylaine Guay a frappé gros « à la loto-probabilité », puisque ses deux fils, Léo (13 ans) et Clovis (11 ans) sont tous les deux autistes. Loin de s’apitoyer sur son sort et sur celui de ses enfants, elle use magnifiquement bien de l’humour et invite le lecteur à faire, avec elle, des « allers-retours sur la planète de ses enfants, ses deux petits extraterrestres ».
Amour et humour
En ouverture, Guylaine Guay avertit son lecteur : son but très avoué est de lui faire aimer ses enfants et, dès les premières pages, on se doute fortement qu’elle y parviendra. C’est que le ton avec lequel elle nous raconte son histoire octroie à celle-ci une légèreté certaine, et il s’avère très tôt impossible de ne pas être touchée devant tant de vérité.
Guylaine Guay a un don pour dire les choses comme elles sont, même celles qu’on ne veut habituellement pas dire à des inconnus. D’ailleurs, le récit s’ouvre sur un décapant : « Je n’ai jamais voulu d’enfants. » Elle n’a pas peur des mots, et c’est parfait comme ça.
On se laisse donc guider par la narration franche et habille, à travers ses hauts et ses bas. Elle nous raconte avec franchise et autodérision les premières joies de la maternité, mais aussi les affres du post-partum, jusqu’à l’annonce du diagnostic d’autisme.
Les services (ou le manque de)
C’est donc avec joie qu’on se laisse transporter dans l’univers de Leo et Clovis qui ne comprennent pas les deuxièmes degrés, et qui ne saisissent pas vraiment les blagues de leur mère, humoriste! Le récit est truffé d’anecdotes savoureuses qui nous permettent de toucher du doigt la réalité des enfants autistes. Ainsi, on prend plaisir à imaginer la gueule des gens, lorsqu’ils voient un Clovis s’élancer dans une allée de quilles, avec son t-shirt, Mon autisme n’est pas contagieux, mais mon sourire l’est!
Mais si Guylaine Guay a décidé de prendre la vie avec un brin de folie, elle est tout de même catégorique : ce n’est pas facile d’avoir des enfants handicapés. « Je vis beaucoup d’affaires pas le fun. La structure sociale est horrible. Mais si je disais tous les jours que ma vie avec mes enfants est épouvantable - ce qui, de toute façon, n’est pas vrai -, l’énergie ne circulerait pas comme elle le devrait. Les forces du bien demeurent un principe de vie pour moi, c’est important de toujours rester dans une zone positive. » Si le ton dédramatise, le message n’en reste pas moins sérieux et important, et Guylaine Guay déplore la structure actuelle des services sociaux, qui est « plus handicapante que le handicap lui-même ».
Pour ceux qui ont du cœur
Si elle a tout d’abord écrit le livre pour elle, elle l’a aussi fait pour briser l’isolement de toutes les familles qui vivent un peu la même chose. Mais avant tout, c’est un livre qui a beaucoup de cœur, et qui s’adresse à tous « ceux qui en ont un. »
Récit inspirant, Deux garçons à la mère jette un regard frais sur une condition méconnue. Si le voyage promet quelques turbulences, le déplacement en vaut largement la peine et, au final, on en revient avec une envie de repartir, encore. « J’observe Léo et Clovis, et je remarque qu’ils sont très doués pour le bonheur. Je deviens par le fait même douée pour le bonheur, moi aussi. »
Deux garçons à la mère, Guylaine Guay, Libre expression, ISBN 9782764810781, 19,95 $