Mardi 13 février 2007, 20h55. Chez moi.
Voilà le topo. Assise dans mon salon, je partage le divan avec deux brassées de lavage propre, mais non plié (le classique!), une Miss Lulus qui n’arrive pas à dormir et une pile de revues. Je suis en pyjama. Je laisse la brassée là et je feuillette les revues, une petite tête posée sur mon ventre. On est bien. Mais bon Dieu que c’est pas « clean » partout. Je ne sais même pas si la vaisselle du souper est rangée. Quoi qu’il en soit, je m’installe pour écouter La Galère, une tasse de café méritoire (pas une marque, mais le café qui nous récompense d’avoir réussi à passer à travers notre journée) dans lequel j’ai échappé volontairement un carré de chocolat noir.
À la radio et à la télévision, on a parlé de la série La galère comme étant une réponse aux Invincibles ou encore comme un Desperates Housewifes québécois. Mais ce qui m’a surtout intriguée, avant même d’avoir vu le premier épisode, c’est l’idée centrale de l’histoire, écrite par Renée-Claude Brazeau. Déménager avec des copines et tous nos enfants… sans homme. Qui n’a jamais eu cette idée, enfouie quelque part? Dans ma version personnelle, mes amies et moi avions acheté un grand loft aux lignes pures, aux divans blancs et aux grandes fenêtres où nous pouvions nous retrouver SEULES pour une heure, une journée ou une semaine en laissant les enfants aux papas. Bref, même en n’ayant rien vu d’autre que les pubs à la télé, je savais que je me reconnaîtrais un peu dans cette émission.
Je ne me suis pas trompée. Mieux encore, à 22h05, en fermant la télévision et en allant porter dans son lit Miss Lulus endormie, j’ai eu envie de crier quelque chose entre « enfin! » et « youpi », entre soulagement et effet énergisant.
Enfin! Des mères imparfaites à la télé. Ouste les modèles parfaits réussissant à jumeler carrière et vie de famille avec brio sans même avoir une mèche de travers! Enfin, plutôt, des mères normales avec leurs défauts, leurs travers, mais aussi leur grand cœur. Comme Stéphanie, on a toutes eu des ras-le-bol des sermons d’une éducatrice un peu zélée. Comme elle aussi, on est toutes à la course, toujours un peu en retard. Enfin, une série qui détruit sans ménagement les mythes de la femme parfaite et qui ne culpabilise pas les femmes. La facture est très contemporaine! Ce qui s’y passe arrive peut-être chez nous, chez notre voisine ou tout près, en tout cas.
Le cœur vraiment plus léger, je suis allée me coucher en me demandant ce qui m’avait tant chavirée dans ce premier épisode. L’amitié des quatre filles transpire de vérité. C’était touchant, mais ce n’est pas cela. Déverser nos rancoeurs et confier notre exaspération envers notre Homme aux copines en se faisant croire (à tort) qu’on est indispensable, ça fait toujours du bien. Mais ce n’est pas cela non plus. Leur projet fou est original et, ma foi, tentant! Mais ce n’est pas encore cela. En bordant (ou rebordant pour la 3e fois!) les enfants avant de me glisser au lit, j’ai su.
À un moment de leur vie, les quatre filles ont écrit leurs rêves sur un bout de papier qu’elles ont ensuite glissé dans une bouteille. Scellés pour quinze ans, leurs ambitions et leurs projets. À première vue, l’exercice semble banal, facile et sans effets. Mais quand on voit le quatuor lire ce qu’il a griffonné sur un bout de papier quinze ans plus tôt, on se remet en question… comme lui. « Suis-je là où je m’imaginais quinze ans plus tôt? », « Ai-je réalisé un de mes rêves? », « Suis-je encore la même personne? », etc. Les questionnements s’en suivent. Mais, sous-jacent à toutes ces questions, une plus corsée survient : Si je suis à l’opposé de mes rêves, s’ils ne se sont pas réalisés : est-ce grave?
J’ai essayé de répondre « non ». Mais j’en suis à demi capable seulement. C’est vrai qu’on a peut-être réalisé autre chose et que notre vie a pris un autre tournant, tout aussi heureux et stimulant. Mais en quelque part, n’y a-t-il pas nécessairement une pointe de regrets qui gruge notre cœur quand on voit qu’on n’a pas réussi à se rendre là où on le désirait. N’est-ce pas une trahison de soi? Et cette réflexion nous ramène encore à ce fait : trop souvent les mamans s’oublient – volontairement ou involontairement – en cherchant à combler tous les critères de la mère et de la femme parfaites. Ces foutus stéréotypes persistants, ces critères trop élevés frôlant la perfection maladive dans toutes les sphères de notre vie et ces exigences complètement folles qu’on s’impose nous éloignent-ils de nos rêves et donc… de nous?
Dur constat! Mais La galère n’est pas pessimiste. Mieux, elle est encourageante. Il est temps, Mesdames, qu’on se retrouve sans pour autant jeter les hommes hors de nos vies ou déménager avec une bande d’amies. Du temps pour soi? Vous vous rappelez ce que c’est? Si vous répondez « non », remettez l’activité au plus tôt à votre agenda. Et même si vous répondez « oui », doublez la dose. On n’en a jamais assez.
Et clamez, vous aussi, votre droit indéniable à l’imperfection! C’est ce qui nous rend vraies, je crois. J’avais envie aussi d’être imparfaite et laisser à d’autres le projet d’être une superwoman qui se fie plus aux apparences qu’à la vraie vie. Comme dirait Stéphanie : « J’aime mieux faire des choses fuckées plutôt que de ne pas m'écouter et fucker ma vie ». J’ai envie d’être moi avec mes élans et mes travers. En fermant les yeux, je me suis félicitée! J’ai laissé mes deux brassées sur le divan… Bien quoi? C’est un début!
Les personnages Stéphanie (Hélène Florent) Mère célibataire, romancière, a trois enfants (2 garçons et une fille) de trois pères différents, vit avec ses enfants dans une grande maison. Dans le premier épisode, elle subit un avortement et on devine que ce n’est pas la première fois que ça lui arrive. Mimi (Brigitte Lafleur) Célibataire qui rêve d’être en couple et avoir des enfants; un peu pathétique, elle saute sur tous les hommes qu’elle rencontre. Vit seule dans un appartement. Claude (Anne Casabonne) Mère de deux enfants (un gars et une fille), femme de carrière vivant avec un homme qui écrit des essais sur des auteurs et qui collectionne les doctorats au lieu d’aller travailler. On apprend qu’il y a quinze ans, elle ne voulait pas d’enfant. Isabelle (Geneviève Rochette) Mère de deux enfants, femme de ministre, soucieuse des apparences et des « qu'en-dira-t-on? ». Ne travaille pas, pourtant elle est avocate. |
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Nadine Descheneaux, février 2007