Nous sommes le 3 décembre, je suis au carrefour Angrignon et je magasine. Quoi de plus normal, me direz-vous, puisque nous sommes à peine à 22 jours de Noël! Et bien aujourd’hui, je magasine avec mon nouvel ami Alexandre, 18 ans. Il vient tout juste d’apprendre qu’il est encore en rechute d’un cancer.
Encore en rechute. Il est à sa cinquième rechute, mais cette fois, c’est différent. Les médecins ne peuvent que lui offrir des traitements expérimentaux. Lorsque je suis allée le rejoindre à l’hôpital Ste-Justine cet après-midi, il sortait à peine du bureau du médecin avec son infirmière. Je l’ai croisé dans le corridor et lorsqu’il m’a vue, il a haussé les épaules et il m’a dit : « c’est encore revenu, Francine…». Nous nous sommes assis sur le lit et il a appuyé sa tête sur mes épaules. Et il a pleuré. Avec de gros sanglots.
«Quand tout cela va finir, Francine…Je suis tanné… Mais je veux tellement vivre…»
«Je suis là maintenant avec toi mon beau Alexandre. Si tu veux vivre, nous allons nous battre ensemble. Sèche tes larmes.» Nous allons aller magasiner, comme prévu.
Nous nous sommes donc rendus au centre d’achat. Pour l’espace d’un petit moment, il a oublié. Oublié qu’il avait mal au corps et au cœur.
Entre deux boutiques, Alexandre m’a glissé cette réflexion, ce questionnement.
«Comment vais-je faire pour annoncer cela à mon père? Je veux protéger mes sœurs et mon frère. Ils ne doivent pas savoir. Ils seront trop traumatisés.»
Son inquiétude était palpable, je lui ai caressé la joue et je lui ai dit :« Je t’en supplie, pense à toi. Ta famille saura te suivre si c’est ce que tu veux ».
«Francine , j’aimerais faire des cadeaux de Noël à ma famille. Est-ce que tu voudrais m’aider ? »
Nous avons donc dévalisé le magasin de 1$ et Alexandre avait comblé tous ces souhaits de cadeaux. Il était heureux puisque sa famille serait heureuse. Nous marchions dans le centre d’achat, à travers cadeaux, décorations, féerie de Noël et personne ne pouvait deviner le malheur que mon beau Alexandre vivait. Je me disais alors que nous ne savons jamais ce que les gens que nous côtoyons tous les jours et que nous croisons dans la rue peuvent vivre. La souffrance intérieure peut parfois être si profonde et expliquer tellement de comportements…
À la fin de notre soirée de magasinage, je suis allée reconduire Alexandre chez son père. J’en ai profité pour faire la connaissance de sa famille. Tous semblaient heureux de le voir. Personne ne savait encore pour la rechute. Après avoir souhaité bonne soirée à toute la famille, j’ai fermé la porte et je suis repartie. Alexandre devait maintenant faire face à sa réalité.
Je savais que les prochaines semaines seraient certainement très difficiles pour lui. Pendant que nous serions occupés à essayer de combler les désirs de tous et chacun, à essayer de faire de ce Noël le plus beau et le plus magnifique jour de l’année aux yeux de nos petits amours, Alexandre devrait se battre à toutes les minutes. Il devrait suivre une panoplie d’examens. Sans compter les effets secondaires de tous les traitements qu’il subirait.
Alexandre a finalement été hospitalisé le 7 décembre. Comme son système immunitaire est très faible, il doit être traité aux antibiotiques et surveillé de très près par l’équipe médicale. Son traitement doit durer au moins 14 jours.
«Crois-tu que je serai sorti pour Noël, Francine ?»
«Je l’espère de tout mon cœur, mon ange. Nous allons prier ensemble, toi et moi, pour que ce temps des fêtes, tu le passes en famille et que tu puisses comme prévu distribuer tes cadeaux aux gens que tu aimes.»
Une petite prière pour Alexandre ne pourra qu’aider à concrétiser son rêve. Je souhaite de tout cœur que le 24 décembre prochain, Alexandre soit heureux et qu’il puisse offrir ses cadeaux à sa famille. Alexandre, lui, comprend l’importance de chaque petit moment heureux partagé en famille. Et il comprend bien mieux que plusieurs d’entre nous que la vie est si fragile…
Joyeux Noël mon beau Alexandre. Je serai là pour toi…