Maux de cœur? Je n’en ai pas eus. Fatigue? Un peu, dans les débuts. Ma grossesse se déroulait à merveille, tout était au beau fixe et sans avertissement, j’ai perdu mes eaux en plein milieu de mon salon à 31 semaines et 4 jours de grossesse. J’ai accouché douze heures plus tard.
« C’est de ma faute »
La douleur des contractions s’intensifie. Plus le temps avance, plus j’ai la certitude que la rencontre du petit être est imminente et ce, dans un très court laps de temps. Le hic? Je ne suis pas prête. Au fait, le développement du fœtus n’est pas d’une durée de 39 semaines normalement? Alors pourquoi maintenant?
Tout un questionnement surgit dans ma tête à ce moment précis. Tout déboule. Je n’ai pas le temps de penser. Le personnel hospitalier se déchaîne autour de moi et m’explique les prochaines étapes, les risques. Je n’écoute plus, je suis étourdie, je suis en contractions, je souffre. Pourquoi suis-je en train de provoquer la naissance de mon bébé bien avant son temps? Va-t-il m’en vouloir? Est-ce qu’il y aura des conséquences sur son développement?
C’est de ma faute. Je culpabilise. Tous mes proches vont m’en vouloir…
Au même moment, mon chum me regarde avec un air serein et calme et il me dit : « Tu réalises, c’est ce soir que nous ferons la connaissance de notre beau Antoine?! ». Je lui souris, mais au fond de moi je capote, j’ai peur, je suis morte d’inquiétudes.
C’est à ce moment précis que je réalise que mon rôle de maman débute maintenant et qu’il m’accompagnera pour la vie. En quatre poussées, Antoine est né. Il pesait 3 lbs 10 oz.
« J’ai perdu le contrôle »
Évidemment, avant la naissance précipitée de mon fils, je n’avais pas eu mon shower. La chambre de bébé n’était pas prête, pas décorée… Nous n’avions pas de vêtements, ni de couches, pas de moniteur, ni de poussette, ni même sa coquille pour l’auto, encore moins de plan de naissance. Est-ce que j’allaiterais ou je donnerais le biberon?
Perdre le contrôle de soi et de ce qui arrive, exécuter ce que l’on te demande et surtout respirer et vivre le moment présent sont devenus mes devises et ma raison de vivre à cet instant précis de ma vie.
J’ai attendu deux ans jour pour jour avant même de considérer avoir un deuxième enfant. À l’annonce de cette deuxième grossesse, j’ai fait de la visualisation, je suis restée zen, j’ai pris de la médication préventive, en plus de suivre tous les conseils qu’on m’avait partagés.
À 30 semaines, soit une semaine plus tôt qu’à mon premier enfant, le même scénario se présente. De fortes contractions se sont déclenchées amenant la perte du bouchon muqueux en plein sur mon lieu de travail. À ce stade de ma deuxième grossesse, mon bébé n’avait pas la tête orientée vers le bas. J’ai donc eu une césarienne d’urgence. Amélie pesait 3 lbs 6 oz.
« Pourquoi me féliciter? »
Après tout accouchement viennent les félicitations. Ouf. Ce mot. Je l’ai appréhendé, je l’ai évité et je l’ai détesté. Il m’a rendu mal à l’aise. Je l’ai trouvé très difficile à accepter. Pourquoi devrais-je être félicitée d’avoir donné naissance avant terme?
Malgré leurs 33 et 50 jours d’hospitalisation, leurs aides respiratoires, leurs gavages, les milles et uns tests effectués sur leurs mini corps, les trop longues heures sans la présence de maman ou de papa, aujourd’hui, Antoine, 4 ans et Amélie, 2 ans se portent à merveille! Ils n’ont aucune séquelle de leurs naissances prématurées. Ils évoluent comme tous les autres enfants, avec leur « terrible-two » et leur « fucking-four »!
Toute cette aventure, ponctuée de défis, de hauts et de bas, est loin de moi maintenant. Grâce à Antoine et Amélie, je guéris peu à peu. Je les vois grandir, s’épanouir – et leur évolution vient panser cette peine et cette culpabilité de mes accouchements prématurés.