Aux États-Unis, plus de 10 % des femmes enceintes fument et de nouvelles recherches suggèrent que bon nombre d'entre elles souffrent de dépression, ce qui rend leur sevrage encore plus difficile.
Le message rabattu depuis plusieurs décennies, selon lequel arrêter est bon pour le bébé, semble trop simpliste. Peut-être faudrait-il que le bilan prénatal des fumeuses comporte aussi un bilan psychologique à la recherche de pathologies nécessitant des soins spécifiques.
Connaître les effets du tabac sur le développement du bébé peut certainement favoriser le sevrage des femmes. Le tabac augmente le risque d'avortement, d'accouchement prématuré, de petit poids de naissance, de mort subite du nourrisson. Il favorise en outre les troubles de l'apprentissage et du comportement. Les scientifiques ne s'intéressent que depuis peu de temps au fait qu'une partie des femmes enceintes (12 %) continuent à fumer, en dépit des dangers. Le Dr Renée Goodwin, épidémiologiste à l'Université de Columbia, a suivi plus de 1 500 femmes enceintes ayant participé à une étude plus générale sur la santé des Américains. Résultat : un étonnant pourcentage de 22 % de fumeuses à un moment donné de la grossesse, dont 12 % estimées dépendantes de la nicotine.
Les fumeuses enceintes sont généralement pauvres, moins éduquées que la moyenne et ont plus difficilement accès au système de soins. Étonnamment, 30 % des fumeuses de cette étude présentaient un trouble mental, comme plus de la moitié des dépendants à la nicotine, et la grande majorité souffrait de dépression. Les fumeuses présentaient trois fois plus de risques d'avoir un trouble que les femmes enceintes non-fumeuses, a rapporté le Dr Goodwin dans le journal Obstetrics and Gynecology. La nicotine tout comme d'autres substances chimiques présentes dans la cigarette peut avoir un effet légèrement antidépresseur, confirme le Dr Nora Volkow, directrice de l'Institut national de la toxicomanie. « Les femmes ne fument pas uniquement pour ressentir les effets positifs de la nicotine », explique-t-elle. « Au-delà de ça, elles recherchent ses effets thérapeutiques, ce qui leur coûte très cher. »
Alors que de nombreux fumeurs ont recours aux médicaments pour faciliter leur arrêt, les médecins hésitent même à prescrire des timbres nicotiniques pendant la grossesse. Jusque-là, les études n'ont pas prouvé d'effet négatif de ces substituts pendant la grossesse. Mais certains pensent que la femme enceinte pourrait métaboliser la nicotine plus rapidement et qu'en conséquence, elle aurait besoin de doses plus fortes, posant la question de la sécurité pour le fœtus. Une étude importante démarre en Angleterre pour tenter de résoudre ces questions. Les antidépresseurs n'ont pas été particulièrement étudiés chez les femmes enceintes fumeuses. Généralement, ces médicaments sont réservés aux symptômes sévères de la grossesse, en dépit du risque peu élevé pour le fœtus établi par les dernières études.
Une autre expérience, le Texas Project Baby Steps, inclut plus de 250 fumeuses enceintes dans un essai de thérapie cognitive de la dépression. Son objectif : savoir si ce traitement aide les femmes à se débarrasser de l'habitude tabagique plus facilement que de simples conseils sur le sevrage. La thérapie psychologique est intense, apprenant aux femmes à résoudre les problèmes liés à leurs difficultés relationnelles qui alimentent à la fois leur dépression et leur consommation. Les femmes qui y participent se sont portées volontaires parce qu'elles voulaient arrêter de fumer.
Source : Associated Press, 11 septembre 2007