J’ai toujours su, depuis ma tendre enfance, qu'un jour j’irais là-bas, loin de chez moi, les chercher tous les deux. En voulant changer le cours de leur destinée, j'ai changé à jamais la mienne, puis celle de leur père et de leur jeune frère. À la simple pensée qu’il y a dans ce monde des enfants malheureux me fait frémir de terreur et d'angoisse. Ah! Si seulement je pouvais les prendre tous et leur montrer le chemin de l'insouciance et du rire. Si seulement, je pouvais leur garantir un avenir. Hélas...
En toute confidence, laissez-moi vous dire qu'adopter un enfant fut pour moi la plus belle expérience de ma vie. Après avoir mis au monde un enfant, après avoir vécu la grossesse, l’accouchement, et toutes les étapes de la vie de nouveaux parents, mon mari et moi avons mis notre projet d'adoption à exécution en compagnie de notre jeune fils qui n'avait que quatre ans à l'époque.
Insouciants comme nous l'étions, je dois vous avouer que nous nous sommes lancés dans cette grande aventure sans être vraiment informés sur le sujet. Bah! Nous étions profondément convaincus que l’amour que nous avions à donner à cet enfant serait amplement suffisant pour vaincre tous les obstacles qui pouvaient se dresser contre nous.
Avec le recul, je me rends compte aujourd’hui, au travers de toutes ces recherches et expériences passées, combien nous avons été négligents et naïfs… Oui, l’amour peut faire de grande chose, mais il est utopique de penser qu’il sera suffisant pour vaincre toutes les difficultés.
C’est donc avec mon expérience de mère naturelle et de mère adoptante que je vous propose de faire la lumière sur le sujet…
Il est primordial, à mon avis, de réaliser la différence majeure qui existe entre un enfant naturel et un enfant adopté.
Un enfant naturel arrive dans notre vie, sans passé, sans carence, sans coupure, sans déchirure...
Un enfant adopté a été inconditionnellement abandonné. Il aura toujours en lui cette carence et ce trou immense qui seront parfois très difficiles à combler.
Il faut bien comprendre que l’adoption internationale est une solution de dernier recours pour l’intérêt de l’enfant. Et, ne nous leurrons pas, il serait préférable que tous les enfants du monde puissent se développer et vivre dans leur pays d’origine.
L’adoption internationale est très lourde de conséquences, et ce, autant pour vous que pour l’enfant. En adoptant un enfant, demeurez conscients que vous transformerez à jamais le cours de sa vie. Soyez donc sûrs de votre décision.
Plusieurs raisons peuvent inciter les nouveaux parents à avoir recours à l’adoption.
- Parce que vous avez à faire face à la dure réalité de l’infertilité
- Parce qu’une grossesse tardive engendre des risques trop élevés
- Parce que tout comme moi, vous avez en vous ce désir indéniable d’apporter votre contribution à l’évolution de la société en changeant la vie d’un enfant
- Parce que vous vivez une relation homosexuelle qui ne vient en rien brimer votre désir de devenir parents
Peu importent les raisons, l’adoption est un projet qui doit être analysé de fond en comble. Tous les éléments se doivent d’être vérifiés et revérifiés de nouveau. La période de réflexion est le point angulaire du projet. Demeurez très honnête dans vos démarches : n'oubliez pas qu'il s'agit de l'avenir d'un enfant. Il ne doit y avoir aucun doute dans votre esprit que l’objectif premier est le bien-être de l’enfant.
L’adoption ne doit jamais, au grand jamais, être perçue comme une solution de dernier recours. C’est un engagement profond pour la vie. En tant que parent adoptif, vous êtes responsable de votre enfant au même titre qu’un enfant biologique, et ce, au moment même où vous entreprenez les démarches de l’adoption. Vous devez donc, avant de commencer toutes démarches concrètes, être certain de votre décision. Un enfant n’est pas un objet que l’on achète avec la possibilité de le retourner s’il ne répond pas à toutes nos attentes.
En adoptant, nous devenons parents. Il faut donc accepter de partager tout ce que l’on possède avec quelqu’un d’autre. Le « je », le « me » et le « moi » doivent être relégués au second rang, car l’enfant qui arrive dans notre vie devient, en tous points, votre priorité puisqu'il sera très exigeant en raison de sa dépendance.
Il est utopique de croire que l’amour peut tout arranger. Les parents adoptants doivent faire preuve de beaucoup de patience et de détermination. Reconstruire l’estime de soi, rebâtir la confiance et effacer la crainte et la peur de l’abandon peuvent prendre des années. Il est inutile de vouloir rattraper le temps perdu, il faut plutôt mettre l’accent sur les besoins présents et futurs de l’enfant. Nous ne pouvons rien faire contre le passé, seuls le présent et le futur peuvent être contrôlés.
Adopter un enfant peut être très exigeant, car vos efforts vous sembleront très inutiles à certains moments.
Il faut accepter l’enfant tel qu’il est, et surtout ne pas tenter de faire de ce dernier celui dont nous avions tant rêvé.
Dès l’arrivée de l’enfant, les parents seront chamboulés. Ils se poseront alors les questions suivantes :
- Pourquoi mon enfant ne m’aime-t-il pas inconditionnellement, là tout de suite?
- Pourquoi ne comprend-il pas que mon plus grand désir est son bien-être?
- Pourquoi ne me fait-il pas confiance?
- Qu’est-ce que je fais d’incorrect?
- Vais-je être un mauvais parent?
- Pourquoi croirais-je que je ne l’aime pas aussi profondément qu’un enfant biologique?
- J’ai tellement attendu ce moment, j’ai tellement à cœur ce désir profond de changer sa vie, je veux tellement qu’il soit heureux!
L’amour inconditionnel et mutuel entre un enfant et son parent est un mythe, et ce, qu’il soit mis au monde ou adopté... La patience, la détermination, le courage et l’amour doivent faire partie intégrante de votre projet...
Et la réalité de la perception de l’adoption par la société, y avez-vous pensé?
Eh oui, même en 2005, la discrimination et le racisme existent encore…Laissez-moi vous narrer une partie de mon expérience personnelle :
Trois mois après avoir appris que mon fils naturel de cinq ans avait le cancer, je discutais au travail avec l’un de mes fournisseurs sur l’impact que la maladie pouvait avoir chez mon enfant. Après m’avoir écoutée, voici ce qu’il m’a dit : « Comme c’est dommage que le cancer ne se soit pas attaqué à l’un de vos deux petits noirs, cela aurait été bien moins pire. » Incroyable, mais vrai! J’ai été estomaquée. Bouche bée…Que voulez-vous répondre à des gens aussi étroits d’esprit ?
Et n’oubliez pas non plus toutes ces questions qui vous seront sûrement posées…
- Combien cela vous a-t-il coûté?
- Êtes-vous certain qu’il n’a pas le sida?
- Où sont ses parents?
- Pourquoi ses parents l’ont-ils abandonné?
- Qui des deux parents adoptants ne pouvait avoir d’enfant?
- Maintenant que vous avez adopté un enfant, je parie que vous allez avoir votre propre enfant?
- Est-ce qu’il a de vrais frères ou sœurs?
- Comment un enfant noir peut-il vous appeler maman? Allez-vous lui dire la vérité?
Et ces grandes réflexions…
- Vous lui avez sauvé la vie… J’espère qu’il vous sera reconnaissant!
- Vous irez directement au Ciel pour le geste que vous avez posé!
- Je n’aurais jamais deviné que vous n’étiez pas ses parents, vous le traitez comme s’il était le vôtre!
- Est-ce que vous avez bien réalisé ce dans quoi vous vous êtes embarqués?
Bien que toutes ces questions courantes vous seront assurément posées, vous entendrez également une panoplie d'idioties.
Mais vous vivrez également des moments d’amour intenses…
Nous sommes le samedi 31 janvier 2004 et la soirée est bel et bien entamée depuis quelque temps déjà. Assistant à l’un des matchs de tournoi de hockey, catégorie atome « A », j'aperçois mon fils Louis-Thomas se précipiter sur la glace pour lancer et compter deux buts! C'est la liesse! Il a permis à toute son équipe de se rendre en finale : mon coeur de maman bat la chamade de fierté et de joie devant l'exploit de mon garçon. Vous ne le saviez peut-être pas, mais mon fils est noir, et je vous dirais même qu’il est très noir. Quant à moi, je suis blanche…
Lorsque j’ai applaudi à tout rompre mon champion, je ne me suis jamais demandé si les gens doutaient que j’étais sa vraie mère… J’ai connu une fierté incroyable, à la fin de la partie, lorsque l’on m’a félicitée pour les performances exceptionnelles de mon enfant… « Oui, Monsieur, c’est mon fils et j’en suis très fière… » De ce trop-plein d’amour qui déborde de nos cœurs, de ces réussites et de ce bonheur que je lis dans son regard lorsqu’il marque un but et qu’il me cherche des yeux dans les gradins, il y a cette certitude que rien dans ce monde ne peut égaler cela… Et vous, êtes-vous prêt à vivre cette merveilleuse aventure?
Si votre réponse est oui, eh bien suivez-nous, nous tenterons de vous guider vers l’aboutissement de l’un des plus grands et plus beaux projets de votre vie…