Quand j’étais haute comme trois pommes, ma maman savait déjà que j’avais un tempérament de type plus créatif/artistique que moteur/mathématique. En fait, j’ai toujours haï le côté moteur/mathématique, car il faisait toujours de moi la dernière choisie dans les équipes de concours de multiplication et dans les équipes de ballons chasseur. La honte! J’essayais de faire partie des équipes de basket pour être avec mes amies, je donnais tout ce que j’avais pour me faire dire par le professeur d’éducation physique : « Ma belle Geneviève, tu es très bonne pour encourager l’équipe avec de belles comptines, mais tu ne peux pas faire partie de l’équipe. »
À la maison, nous pouvions nous catégoriser facilement, ma sœur et moi. Myriam était une très sportive. Toute petite, elle était très forte en motricité globale, elle me « clenchait » sur le trapèze à 3 ans (j’en avais 7), elle grimpait PARTOUT... Moi, j’étais plus du type marathon de lecture, karaoké, crayons à colorier et peinture. En secret, je l’enviais, je la regardais courir au basket sans jamais être essoufflée. Elle était dans les dernières à s’arrêter au « Bip! Bip! Sonore » (vo2 max), vous savez ce fichu test d’endurance physique qu’ils nous font passer en éducation physique chaque année? Moi j’aurais pu feindre un cancer de la prostate pour ne pas le faire tellement je détestais ce test, il me rappelait à quel point j’étais nulle et sans endurance.
Par contre, quand je regardais ma sœur faire un dessin en pleurant, car elle n’était pas capable d’illustrer ce qu’elle avait en tête, je me disais que nous avions chacune nos forces. Ma mère a toujours encouragé nos forces plutôt que nos faiblesses pour notre estime personnelle, pour nous aider à grandir en gagnantes.
Puis, j’ai eu mes enfants et j’ignore pourquoi, mais comme un tour de passe-passe, lorsque mon bébé est arrivé, les livres que j’avais prises se sont transformées en une étrange substance molle. Je pense que c’était pour avoir un coussin d’allaitement permanent en cas d’urgence au centre d’achat. Mes fesses aussi ont changé, mais je suis convaincue que c’était pour pouvoir mieux pousser les portes quand personne n’était là pour m’aider en sortant du bureau de poste avec ma poussette double. Mes cuisses, elles, se sont mises à frotter quand je prenais des marches en jupe, mais je n’ai toujours pas trouvé pourquoi; peut-être avaient-elles aussi une utilité que j’ignore toujours.
Quand le printemps est arrivé, la neige a fondu, mais mon « mou » est resté le même et je ressentais beaucoup de fatigue. J’avais envie d’un défi et le matin du 15 avril j’ai trouvé l’évènement « Color me rad » sur le web. Le seul défi physique qui me donnait envie de courir pour la première fois de ma vie. Une course de 5 km à Montréal : le principe est simple, chaque kilomètre, les coureurs se font lancer de la peinture en poudre de couleur.
Imaginez, pour moi, c’était comme une énorme toile de peinture! Enfin, je combinais l’art et la course. J’ai envoyé un courriel à ma meilleure amie Mélodie qui avait aussi besoin d’un défi post-maman. J’ai cherché un plan d’entrainement pour courir 5 km en 8 semaines et nous nous sommes inscrites.
Le premier soir, nous sommes parties et j’étais épuisé d’arriver au bout de ma rue. Bravo championne, un quart d’un kilomètre! Je me disais qu’il serait impossible en 8 semaines d’y arriver! Je haïssais courir le jour, vous savez quand le petit mou bouge comme un jeu de dominos en courant et que les gens sont dans leur vitre de salon à te regarder passer? Zéro motivation! J’ai donc décidé de courir quand le soleil était moins présent. Le plan était chouette, car au début, les sorties étaient de courtes durées et au fur et à mesure que les jours avançaient, elles augmentaient.
En 8 semaines, il y a eu de très grandes fiertés, mais aussi de gros virus, une grosse ampoule (une semaine avant la course), des douleurs au mollet et des « la course, ce n’est pas pour moi »! Mélodie et moi n’habitons pas le même village, alors nous ne courrions pas ensemble. Nous nous écrivions sur Facebook en revenant et c’était motivant, car elle comptait sur moi et moi sur elle pour relever le défi sans avoir toujours à planifier nos points de rencontre à travers nos vies occupées... Pas question de laisser tomber ma meilleure amie! J’avais enfin mis toutes les pièces du casse-tête pour y arriver et oublier les excuses.
Le dimanche 9 juin est arrivé tellement vite. Nous avons enfilé nos souliers de course, mis les poussettes dans la valise, puis nous sommes parties pour l’aventure. Nos familles sont venues nous encourager, car elles savaient que pour Mélodie et moi, 5 km c’était le défi de notre nouvelle vie de mamans. Ce n’était pas un vrai marathon, mais c’était notre marathon à nous! Au fur et à mesure que j’avançais, je me rappelais qu’il y a 8 semaines, je courrais une toute petite minute en étant épuisée. Je courrais donc 43 fois plus qu’il y a 56 jours. La peinture éclaboussait de partout et nous étions heureuses. J’ai réalisé que je ne serais jamais une championne de la course à pied, mais que j’étais capable de repousser ma limite à moi à coup de persévérance et de buts. J’ai couru 5 km en continu (j’ai encore des frissons en l’écrivant)!
Le désir de réussir et de se dépasser peut devenir fort. Regardez autour de vous, les gens sont inspirants. Les petites réussites des uns peuvent devenir de grandes réussites pour d’autres. J’aurais aimé avoir mon professeur d’éducation physique 15 ans plus tard à la ligne d’arrivée pour lui faire un mini pied de nez juste pour lui dire TRA-LA-LI-LALÈR-E! J’aurais encore plus aimé voir ma petite sœur qui n’est plus parmi nous maintenant. Son nom est tatoué sur mon mollet gauche, l’endroit qui me faisait le plus souffrir en courant, comme si elle était là pour me faire un petit clin d’œil en me disant « Lâche pas, je suis fière de toi, ma petite artiste! ».