Le soleil baigne mon visage et, fière de porter mon beau pyjama rose, je lèche avec bonheur une glace à la fraise. J’attends.
Ce soir, c’est la Saint-Jean-Baptiste. Dans les vestiges de la Pulperie, par centaines qui m’apparaissent des milliers, on va assister aux feux d’artifice. Les plus belles couleurs vont pétarder dans le ciel et, aussi grandioses qu’effrayants, les feux vont raisonner contre les parois magistrales de mon Saguenay natal.
Je suis excitée comme une puce. Je frissonne.
Dans la rue, déjà, les gens défilent et chantent leur fierté d’être Québécois. Je les regarde, de la même manière que je dérobe mon cornet; avec envie et plaisir. Je les trouve beaux, enroulés dans leur drapeau, leur visage peint de bleu.
Ces frissons, ceux qui parcourent mes bras, je les dois peut-être au bonheur de faire partie d’un tout, d’un clan. Il faut dire que tous ces gens qui avancent ensemble, comme s’ils ne faisaient qu’un, ça m’émeut. Mais je suis trop petite pour le comprendre. Pour l’instant, je suis juste trop contente, sans vraiment savoir pourquoi.
Par contre, ce que je sais, c’est que moi aussi, quand je serai grande, je serai fière d’être Québécoise. Je ferai partie de ce bloc monolithique, solide comme le roc, qu’on appelle la famille. Moi aussi, j’ouvrirai mes bras pour accueillir mes voisins et on marchera, ensemble, vers un ciel de festivités.
Je n’ai plus 5 ans et j’aime encore la crème glacée aux fraises.
Mon pyjama rose ne me fait plus depuis belle lurette, mais je garde encore l’espoir de retrouver ce sentiment qui m’habitait à l’époque des Saint-Jean d’antan.
J’aimerais ça qu’au rythme de nos différences, on aille tous dans la même direction.
J’aimerais ça que nos cœurs n’oublient jamais hier, mais que nos yeux soient rivés sur un ciel plein d’éclaircies.
J’aimerais ça qu’être Québécois, ça n’ait pas de rapport avec nos souches, mais seulement avec notre manière de voir demain et de vivre aujourd’hui.
J’aimerais ça qu’on soit fiers d’être Québécois à longueur d’année, pas juste à la Saint-Jean.
J’aimerais ça, pour moi. J’aimerais surtout ça, pour mes enfants.