Dans le passé, lors de la naissance d’un enfant, les syndromes apparents étaient facilement identifiables, notamment les trisomies 5, 18 et 21, la microcéphalie, l’hydrocéphalie, le spina-bifida et la paralysie cérébrale. Les autres syndromes se décelaient par un retard, au fil du développement de l’enfant, la plupart du temps dans la famille. Cela constituait le point de départ d’une consultation qui avait pour but d’en arriver à un diagnostic. Les connaissances n’étant pas ce qu’elles sont aujourd’hui, ces enfants étaient diagnostiqués « débiles ou arriérés mentaux » et dans plusieurs cas on ajoutait de « cause inconnue ».
Hier
Quel choc pour les parents à cette époque que d’entendre dire que leur enfant est « débile ou arriéré »! L’information était limitée. L’Internet n’existait pas. La définition donnée par le dictionnaire n’était pas très encourageante. Le mot « débile » regroupait les idiots, les imbéciles et les crétins. Où trouver de l’information et surtout de l’espoir? De plus, la cause étant inconnue dans bien des cas, le champ était donc libre pour les parents pour imaginer des causes possibles, pour se culpabiliser et pour ressasser les préjugés moyenâgeux de punitions et autres… Quels tourments pour les parents! Par la suite, la terminologie a changé. De débilité mentale, on est passé à arriération mentale et encore à retard mental. Pour les parents, en tous les cas, pour moi, dire que mon enfant était retardé faisait moins mal à mon cœur de mère. Par le fait même, la situation était plus acceptable, laissant présager plus d’espoir.
Comme la science médicale était impuissante à aider ces enfants qui avaient eu la « maladresse » de naître ainsi, il n’y avait donc pas de remède. Pas de remède, pas d’espoir de guérison. Les professionnels de la santé recommandaient alors le placement aux parents, disant : « Il vaut mieux ne pas s’y attacher, ils seront d’éternels enfants, des légumes même ». Les parents étaient dans le noir. Certains d’entre eux, ne pouvant se résoudre à abandonner leurs enfants dans les grandes institutions anonymes du temps, décidaient de les garder dans leur famille malgré le sombre pronostic médical. Peu de connaissances sous-tendaient le diagnostic médical et l’intervention était laissée à l’imagination et à l’énergie que le parent pouvait investir.
C’est en vivant avec ces enfants que, graduellement, les parents ont découvert certaines de leurs possibilités. L’attachement des parents à ces enfants différents est à l’origine de la découverte du potentiel de ces jeunes et de leur développement. C’est par le « tâtonnement », l’observation et par les échanges entre eux que des résultats positifs sont devenus tangibles. Il leur a fallu se battre pour démontrer les possibilités de ces enfants.
Aujourd’hui
Aujourd’hui, la science médicale a évolué. Les recherches ont permis d’identifier les nombreux syndromes causés par les accidents chromosomiques ou autres qui peuvent être à l’origine d’une déficience intellectuelle ou de troubles de comportement ou d’apprentissage.
Les parents disposent souvent d’une longue liste décrivant les différents éléments qui composent le diagnostic de leur enfant. On explique le cas. On connaît les causes du syndrome et ses répercussions sur toutes les sphères de développement de l’enfant.
Moi qui ai vécu l’époque du tâtonnement, avec ma fille, je savais seulement ce que je voyais, ce que je vivais avec elle, c’est-à-dire son retard de développement et ses problèmes de comportement et d’apprentissage. Alors quand j’ai approché Hélène avec l’intelligence du cœur, j’ai provoqué chez elle une évolution remarquable. Aurais-je pu appliquer avec autant de simplicité et de vigilance cette approche, si j’avais connu tous les ravages que peut causer une encéphalite? Aurais-je pu croire en elle? Avoir de l’espoir? C’est pourquoi plusieurs questions m’assaillent à ce sujet.
Aujourd’hui, la description du syndrome est transmise aux parents. Les conséquences sur le développement et le comportement de l’enfant sont décrites dans les moindres détails. Mais, tout savoir sur le syndrome et sur ses conséquences est-il véritablement bénéfique pour le parent, dans sa relation et dans son intervention avec son enfant? Est-il possible que le « savoir » qu’ont les parents, aujourd’hui, puisse susciter autant d’incertitude que le « ne pas savoir » des parents d’autrefois? Toutes ces explications disponibles ne font-elles pas en sorte que le parent est encore plus convaincu qu’à cause de son handicap, son enfant ne peut pas évoluer? Peut-on faire abstraction de ce savoir, pour rejoindre l’enfant par le cœur?
Ces questions se posent. Au fond de moi, je suis convaincue que l’approche de l’intelligence émotionnelle (l’intelligence du cœur) rejoint l’état d’être humain de tout un chacun, quelle que soit sa condition, et permet à chacun de devenir ce qu’il peut être.
Des extraits de ce texte sont tirés du livre
AU-DELÀ DE LA DÉFICIENCE INTELLECTUELLE
Monique Lamontagne
Éditions La Semaine, 2010
ISBN : 9782923501611
26,95 $