Notre métier de parent est un métier de protection. Forcément, en protégeant un enfant des menaces physiques, on finit aussi par vouloir les protéger des menaces psychologiques. On lit des études sur les effets à long terme de certaines épreuves, on s’inquiète de son état d’âme et de son avenir. On se dit que si on peut réussir à maintenir notre enfant dans un état perpétuel de joie et de satisfaction, on aura fait notre travail. Est-ce que c’est vraiment leur rendre service?
L’utilité de la tristesse
Contrairement à la joie qui nous sert de moteur ou à la peur qui fait son temps, la tristesse est une réaction lente et lancinante à un événement ou une situation qui nous blesse. C’est normal d’être triste dans bien des circonstances. On peut même être triste en écoutant un film ou de la musique, par empathie.
Toutefois, la plupart du temps, la tristesse est mal accueillie. Personne ne veut vraiment être triste et quand on est enfant, les autres accueillent nos larmes avec du réconfort, de l’exaspération ou des phrases comme « Je n’aime pas te voir pleurer » ou carrément « arrête de pleurer, tu n’es pas un bébé ». Résultat : on a tendance à cacher notre tristesse toute notre vie. On essuie discrètement une larme, on se cache pour pleurer et on enseigne involontairement à nos enfants de le faire.
Pourtant, la tristesse n’est pas handicapante et contrairement à nos peurs les plus profondes, la tristesse ne mène pas souvent à la dépression. Elle est au contraire une façon d’évacuer un ras-le-bol ou un trop-plein d’émotions. Elle nous indique ce qui ne va pas dans notre vie et nous indique le chemin vers les solutions.
Apprendre à vivre malgré tout
Les enfants ont tout à apprendre, nous le savons. Apprendre à vivre des échecs, des ruptures et des deuils ne fait pas exception. Il faut éventuellement apprendre que la tristesse ne dure pas toujours. C’est la seule façon d’apprivoiser ce sentiment mal aimé.
On l’apprivoise aussi pour ne pas avoir peur de vivre ses gros chagrins à fond. Il faut apprendre à donner de la légitimité à ses émotions, malgré les « tu pleures pour ça? » et les « tu n’es pas un bébé ». Les grandes personnes pleurent aussi, ce n’est pas qu’une simple affaire de bébé. Si nos enfants apprivoisent leur tristesse, ils géreront mieux les épreuves et sauront plus naturellement comment lâcher prise quand ils seront plus grands. Quand on connaît bien les étapes d’une grosse peine et qu’on sait qu’après la pluie vient le beau temps, on a moins peur de ce qui nous attend.
Ne pas trop en faire
Évidemment, on peut tendre la main à notre enfant, le prendre dans nos bras et l’écouter quand il est triste. C’est normal. Mais on ne devrait pas les empêcher de vivre cette émotion en achetant des choses, en ignorant le sujet ou en organisant tout plein d’activités pour leur changer les idées à tout prix. La peine passera. L’important, c’est d’être disponible et que votre enfant sente bien que vous êtes là.
Il ne faut pas non plus trop expliquer les choses, rationaliser et chercher quelqu’un à qui attribuer le blâme. À trop vouloir expliquer les choses, on mène la vie dure aux rêveries qui aident les enfants à traverser les épreuves. Mieux vaut les laisser pleurer sans jamais prendre leurs grands problèmes d’enfants à la légère.
« Et puis la tristesse passera, elle aussi, comme le bonheur, comme la vie, comme les souvenirs qu’on oublie pour moins souffrir. » - Justine Lévy