À quoi bon retarder le parcours scolaire de son enfant? Pour des parents d’enfants nés l’été ou l’automne, soit peu avant la date limite d’inscription à la maternelle (le 30 septembre au Québec), l’option est tentante.
Bien des parents s’inquiètent que l’école n’arrive trop vite pour leur enfant. D’autres croient qu’en l’inscrivant l’année d’après, il aura l’« avantage » d’être un aîné de la classe et non un benjamin. Avec cette longueur d’avance, les élèves bénéficieraient d’une supériorité physique, intellectuelle et sociale.
Cette logique est bien illustrée par le terme redshirting (ou academic redshirting lorsqu’il est question de scolarité). Emprunté au sport, ce mot fait allusion au maillot rouge que portent les joueurs universitaires écartés un an de la compétition afin de prendre du galon. À leur retour, ils sont parmi les meilleurs et jouent tout de même le maximum de saisons permises en prolongeant leurs études d’un an.
La situation au Québec
Le nombre d’entrées tardives à la maternelle a affiché une croissance entre les rentrées scolaires de 2009 et de 2013 (sauf pour celle de 2011). Pour l’année scolaire 2013-2014, 205 enfants âgés de plus de 5 ans au 30 septembre étaient inscrits à la maternelle, soit une augmentation d’environ 24 % par rapport à l’année précédente, selon les données du ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MEESR).
Science, dis-moi qui est le meilleur
Beaucoup de recherches plus fouillées ont été menées ou revisitées pour mieux comprendre la dynamique de l’âge en classe, en commençant par l’influence sur la réussite scolaire.
Selon Elizabeth Dhuey de l’Université de Toronto, les plus vieux seraient plus susceptibles de se démarquer positivement à l’école et dans la société, d’aller à l’université et de ne pas recevoir d’aide spécialisée. Elle se garde pourtant d’appuyer les dérogations tardives, soulignant qu’aucune recherche n’en a démontré les bienfaits.
En fait, les enfants forts de quelques mois de plus que leurs congénères ont peut-être comme seul réel avantage d’avoir plus de chance de faire partie d’équipes de sport, porte d’entrée vers l’université pour nombre d’étudiants américains.
Et si c’était mieux d’être plus jeune? Selon des études sur le développement des enfants, être entouré d’élèves plus avancés hâterait leur maturité émotionnelle, surtout chez les garçons.
« Si vous êtes toujours plus grand et plus intelligent que les autres, il est probable que vous finissiez par vous ennuyer et par penser que tout, même apprendre, se fera facilement. » – Maria Konnikova, The New Yorker
Penser aux autres
Le manque de consensus scientifique s’explique en partie par l’identité des redshirted kids. La plupart sont des garçons issus de familles éduquées et aisées et ne sont pas membres d'une minorité visible. Pour compiler des statistiques, les chercheurs les comparent à des enfants complètement différents sur le plan socio-économique. Comment expliquer leur cheminement scolaire : par leurs origines ou leur âge à la maternelle?
En attendant des réponses, l’article Beyond the Pros and Cons of Redshirting suggère aux parents hésitants de penser aux enfants plus défavorisés et désavantagés par la pratique du redshirting. Mettre dans une même classe un enfant de six ans issu d’une famille éduquée aux côtés d’un enfant défavorisé de quatre ans, souvent moins avancé à son entrée à l’école, alimente l’écart de réussite entre ces deux élèves.
Écrit par Eva Leblanc-Morin
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