Depuis le nouveau régime d’assurance parentale, nous entendons parler d’un mini-baby-boom. Il y a quelques années, le discours tournait plutôt autour du fait que le taux de natalité était d’une faiblesse alarmante… après avoir connu tout un baby-boom. Dénatalité, baby-boom? Qu’en est-il réellement?
Lorsqu’on parle de l’histoire de la natalité au Québec, le portrait souvent dépeint est presque mythique. Avant l’avènement de la pilule, les Québécoises ont des familles très nombreuses, ayant souvent une bonne dizaine d’enfants au moins, à raison d’un enfant par année ou presque. L’Église est pointée du doigt comme responsable de faire pression sur les couples pour se reproduire le plus possible. Ensuite vient la Deuxième Guerre mondiale qui entraîne une baisse de fécondité, les hommes étant partis au front. Ces mêmes hommes reviennent et vient alors le célèbre baby-boom des années 50 et 60. Finalement, l’avènement de la pilule vient offrir un moyen de contraception efficace aux couples qui peuvent maintenant avoir des enfants quand ils le désirent. Cette possibilité entraîne une baisse drastique de la fécondité et maintenant les gouvernements font des pieds et des mains pour inciter les couples à procréer.
Cette image de l’historique de la fécondité au Québec est-elle exacte?
Si on regarde les données statistiques sur les taux de fécondité au Québec depuis les années 1870 à aujourd’hui, il est étonnant de constater que le taux de fécondité a commencé à baisser vers la fin du 19e siècle! Cette baisse a été constante tout au long du 20e siècle, même durant le baby-boom.

Pourquoi les taux de fécondité ont connu des changements différents selon le groupe d’appartenance? Que s’est-il réellement passé et pourquoi?
Bien des théories tentent d’expliquer les fluctuations démographiques. Il y a une multitude de facteurs à tenir en compte tels que la conjoncture économique, les politiques gouvernementales, l’accès à la contraception, mais aussi les valeurs dominantes, le mode de production, l’âge au premier mariage, pour ne nommer que ceux-ci. Il est donc difficile de dresser un portrait complet d’une réalité aussi complexe.
Tout d’abord, il est vrai que l’Église catholique a tenu un discours nataliste, encourageant les mariages précoces, les familles nombreuses et condamnant la contraception et l’avortement. Le gouvernement aussi met son grain de sel en rendant la vente et la promotion de la contraception illégale. De plus, en milieu rural, avoir des enfants pour aider aux travaux agricoles est plutôt positif et les personnes se marient très jeunes. Il n’y a donc pas de raison majeure de limiter la taille des familles.
En milieu urbain, le mode de production industriel change la donne. Le père obtient le fardeau financier de faire vivre la famille et plusieurs femmes furent même encouragées à contribuer à la vie économique. De plus, les familles plus aisées ont à cœur de scolariser leurs enfants. Dans un tel contexte, la limitation des naissances commence à avoir du sens puisqu’il existe des contraintes « matérielles » à avoir des enfants. La Révolution industrielle a donc été un joueur majeur dans une baisse initiale de la fécondité.
Par la suite, la Révolution tranquille vient accentuer cette dénatalité par tout un changement de mœurs et de culture. L’âge au premier mariage augmente, l’accès aux études et des femmes au marché du travail également, et le mode de production capitaliste se faufile à une vitesse vertigineuse. Ces changements de mentalité sont majeurs et entraînent une mutation de l’idée de famille. Dans les années 1970, le portrait de famille idéal devient celui de quatre enfants raisonnablement espacés. Les aspirations individuelles changent et on souhaite plus que jamais contrôler sa fertilité.

Mais avant l’avènement de la pilule, comment faisaient les couples pour gérer leur fertilité?
La pilule contraceptive est si largement répandue qu’il peut être difficile de comprendre comment faisaient les couples pour limiter les naissances avant son existence.
En fait, il existe diverses méthodes naturelles. La première à faire son apparition dans les foyers québécois fut la méthode Ogino-Knauss, plus connue sous le nom de méthode du calendrier. Dans les années 1930, des prêtres (eh oui!) popularisent cette méthode.
Toutefois, cette méthode exige une période d’abstinence parfois très longue, en plus de ne pas tenir compte des cycles irréguliers. Son efficacité est limitée, mais elle fonctionne tout de même très bien pour certains couples.
C’est en 1955 que le premier service de régulation des naissances fait son apparition au Québec : Seréna. Les fondateurs, Rita et Gilles Breault, entendent parler de la méthode thermique. Cette méthode consistant à détecter l’ovulation au moyen de la température s’est avérée beaucoup plus efficace que la méthode Ogino. Avec le temps, Seréna s’est mis à faire des recherches et à développer la méthode sympto-thermique, basée sur l’observation des symptômes de fertilité, la température et un calcul de probabilité. Cette méthode s’est avéré la plus efficace de toutes et nécessitant la plus petite période de continence périodique. Seréna existe d’ailleurs toujours aujourd’hui et la méthode sympto-thermique n’a rien perdu de son efficacité.
Le mini-baby-boom que l’on connaît aujourd’hui se poursuivra-t-il?
De nos jours, les contraintes économiques, la longueur des études, les aspirations personnelles et professionnelles ainsi que l’éclatement des modèles familiaux jouent en défaveur des familles nombreuses. Les couples souhaitent donc généralement un ou deux enfants, parfois trois. Toutefois, certains pays réussissent à maintenir un taux de natalité intéressant grâce à des politiques familiales holistiques. C’est le cas de plusieurs pays scandinaves qui offrent une pléthore de mesures de conciliation famille-travail, tels que de longs congés de maternité et des possibilités de travail à temps partiel. Le gouvernement peut certes jouer un rôle décisif en mettant en place des politiques favorables aux familles, mais est-ce que les couples changeront leur conception de la famille idéale?
Il est donc difficile de prédire l’avenir, car au-delà du désir d’enfant, il y a toute une réalité qui fait en sorte que ce désir se concrétise. Un couple peut bien vouloir avoir quatre enfants, mais l’instabilité des couples, les difficultés économiques et professionnelles ainsi que la baisse de la fertilité généralisée font en sorte que bien souvent, la taille des familles est inférieure à ce que les parents auraient souhaité au départ.
Référence : « La Fécondité des Québécoises 1870-1970 » par Danielle Gauvreau, Diane Gervais et Peter Gossage, Boréal, 2007, ISBN : 2764605331
Nicole Pino, directrice générale de Seréna Québec
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