Je me souviens, moi derrière le pupitre, les yeux dans le vague, rêvassant à mon cheval Blackie ou à ma fille Augusta, fruits de mon imagination débordante.
Je me souviens de ces cahiers dont les marges barbouillées trahissaient mes fuites intellectuelles vers un monde parallèle. Erreurs d’inattention, incapable de terminer un examen. C’était hier. C’était il y a 30 ans.
J’ai peine à me souvenir avoir aimé l’école. D’un côté les amis raillards et de l’autre, les enseignants découragés que je sentais blasés. D’étiquettes en petites cases, on m’a fait passer d’excentrique à pauvre d’esprit. Entre les mots méchants d’enfants d’école et les phrases assassines de certains professeurs, j’ai fait mon petit bout de chemin jusqu’en 6ième année.
Il ne me reste rien de ces années, même pas une parcelle d’amertume. Seule la condamnation de Mme Genest, enseignante de 3e année, me hante encore aujourd’hui : « Tu finiras ta vie laveuse de toilettes »!
Je détestais l’école. À un point tel que je souhaitais mourir. J’aurais aimé m’effacer comme l’ardoise, en un coup de brosse. C’était avant Claude Boivin. Avant cette enseignante de la petite école Sainte-Thérèse de Chicoutimi. Mme Claude a su voir au-delà des notes, plus loin que les apparences.
Mme Claude était magique. Avec elle, mon créativité effervescente est devenue un tremplin vers le succès. Elle capitalisait sur mes forces pour augmenter mon estime (qui était à ras les pâquerettes), elle m’a donné des outils et une méthode de travail qui me servent encore aujourd’hui.
C’était il y a bien longtemps. Aujourd’hui, les choses auraient peut-être été différentes. On m’aurait certainement diagnostiqué un TDAH sans hyperactivité et on m’aurait aidé, épaulé. Peut-être que mon parcours scolaire aurait été un peu moins cahoteux. Qui sait? Quoi qu’il en soit, Mme Claude m’a donné ce qu’hier et aujourd’hui j’aurais eu besoin : une instruction sur mesure, une méthode de travail et un brin de confiance.
Souvent, je repense à Mme Claude avec gratitude. Sans elle, je suis convaincue que ma vie aurait été bien différente. Avec ou sans TDAH, je souhaite de tout cœur que chaque enfant trouve une Mme Claude sur sa route.
Oh! Et aujourd’hui, je ne lave pas de toilettes…